Chapitre Trois - Partie 1

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Il faisait noir et froid. Le vent soufflait et Seileriss grelottait. Kirina en aurait-elle bientôt fini avec leur ami ? Kall était paniquée, à cause de l'absence de son Aliann, ou peut-être d'autre chose, pour ce que l'Elfe Rouge en savait. Les minutes passèrent. Cela faisait à présent une période complète que Kirina était à l'intérieur de la bâtisse dans laquelle elle avait pénétré. Excédée, Seileriss décida d'aller voir à l'intérieur ce qui se passait. Elle quitta donc son poste de guet et ouvrit la porte du bâtiment. Il faisait plus sombre qu'à l'extérieur, mais elle alluma une flamme dans sa main, faisant ainsi de la lumière. Lorsqu'elle entra, la jeune Elfe Pourpre s'aperçut que la maison abandonnée était vide. Elle se demanda alors ce qui s'était passé, et en vint à une conclusion qui la mit dans une colère sourde : il avait enlevé Kirina. Pourtant, elle avait peine à y croire. Elle le connaissait bien, et était certainement l'une de ses seules amies avec Kirina. Seileriss décida alors de partir à sa poursuite pour récupérer Kirina. Ensuite, elle aviserait.

La Souveraine Talina ne fut avertie de l'absence de sa fille que dans la matinée, Kall, son Aliann, revint à l'écurie en hennissant d'inquiétude. Elle s'en soucia peu, car elle devait préparer ses troupes. Il restait tant de choses à faire ! Bien sûr, le conseil s'était activé dès la déclaration de guerre, faite l'avant-veille. La Souveraine estima que l'armée des Elfes serait prête à partir dès le lendemain, des récoltes ayant été, comme chaque année, préservées pour les troupes, qu'elles aillent combattre ou non. Ils disposaient également d'une réserve d'armes, mais il restait encore à répartir les différentes ressources et troupes en camps, à coordonner les départs, sachant que les Elfes les plus éloignés se trouvaient à dix jours de kaball, et à organiser l'ensemble de la campagne militaire.

Seileriss chevauchait depuis huit bonnes heures déjà lorsqu'elle aperçut un nuage à l'horizon. Elle supposa que c'était lui. Elle mit alors Taemm au galop afin de rejoindre le cavalier. Malheureusement, il dut s'en apercevoir, car il accéléra. Cependant, avec un kaball, il n'avait guère de chance de semer Seileriss, qui avait un kaimm particulièrement rapide. Elle finit par le rattraper et lui barrer la route. Aucun doute n'était possible : ce n'était pas lui, mais un messager royal. Déçue, elle continua sur la route de terre battue qu'elle suivait.

Lorsque Kirina se réveilla, elle était attachée par les mains à un poteau de bois au milieu d'une petite pièce sombre et quelque peu délabrée. Elle était assise dos au poteau, de sorte qu'elle aurait eu la porte devant elle si un jeune Sang-Mêlé – le premier qui fut recensé dans tout Arkenn et Elira réunis depuis cinq siècles – n'avait surgi devant elle. Kirina, l'apercevant, ne put s'empêcher de se mettre en colère. Elle voulut lui parler, mais le Sang-Mêlé lui posa un doigt sur la bouche en disant :

- S'il te plaît, laisse-moi m'expliquer.

- C'est cela. Je connais la chanson, tu sais : "Je l'ai fait parce que je n'avais pas le choix!" imita la jeune Elfe d'une voix aiguë. Mais vas-y, dis-moi pourquoi tu as enlevé une des seules personnes qui ait accepté de devenir ton amie !

Le Sang-Mêlé, troublé, s'assit devant Kirina et répondit :

- En réalité, mes explications sont plus une histoire, l'histoire de mes parents et moi. Tout commence, selon ce qu'on ma raconté, dans une belle demeure d'aristocrate, à Sennes. C'était la demeure de mon père – que je préfère nommer Akaida. Son père était un noble reconnu, et avait acheté la maison où nous nous trouvons. Sa famille et lui-même, par ailleurs, méprisaient les Elfes – ils s'étaient installés là par intérêt – et possédaient des domestiques Elfes qu'ils avaient sauvés de la misère uniquement pour les asservir et les humilier. Parmi ces domestiques, il y avait ma mère, une Elfe Blanche. Mais tout cela n'est que l'introduction de mon histoire.

Un soir, mon père, qui avait alors une vingtaines d'année et était immature, partit faire la fête dans une des nombreuses tavernes de la Sennes d'alors en compagnie de quelques Nains de son âge. Il rentra fort tard de la taverne, complètement ivre. En passant dans la cour, il remarqua qu'une lueur s'échappait de la cuisine. Il songea à ma mère, qui était très belle, et décida de passer le peu de périodes de la nuit qu'il restait avec elle. Il l'emmena de force dans sa chambre. Comme elle résistait, il se mit en colère. Tu imagines la suite.

- J'imagine, répondit Kirina, horrifiée par le récit. Mais continue donc ton histoire.

- Les parents de mon père apprirent ce qu'il avait fait et se mirent en colère. Son père avait gagné de l'importance, et par conséquent faisait à présent partie de la haute société. Même si ce que mon père avait fait était assez courant dans ce monde – heureusement toujours, dans les cas précédents, sans conséquences – ses parents furent furieux qu'il se risque à salir ainsi l'image de la famille. Ils l'exilèrent en quelque sorte de Sennes en compagnie de ma mère, dont il devait, sur ordre de ses parents, prendre soin. Humilié par cette affaire, mon père devint quelqu'un de colérique, même s'il l'avait toujours été. Or, il avait des projets ambitieux, qui étaient à présent irréalisables. Il s'installa donc dans cette propriété, se faisant souvent servir par des domestiques puis des esclaves Elfes, termina Tilan en se levant. Il regarda Kirina et dit :

- Je dois y aller, à présent, sans quoi Akaida sera furieux s'il apprend que j'ai passé autant de temps à ne rien faire. Je te raconterai la suite de cette histoire demain.

Sur ce, il ouvrit la porte, se retourna, lança un regard à la jeune Elfe et referma la porte derrière lui. Ce regard troubla Kirina, car il était étrange.

Une poigne de fer, des lames d'acier et un carcan de plombWhere stories live. Discover now