CHAPITRE 4

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Ma gorge s'assèche, mon sang se glace, les battements de mon coeur résonnent dans ma tête. J'ai du mal à trouver un élément rationnel à dans cette situation. Ce monsieur Yamatora est-il le Yakuza qui menace la vie de mon père ? Je me pose la question encore et encore, car la réponse qui me vient à l'esprit me terrifie. Bien Sûr qu'il s'agit de la même personne ! Pourquoi je l'aurai au bout du fil d'un téléphone qui vient d'atterrir devant ma porte. Je lutte pour ne pas me poser plus de questions comme par exemple sur le fait qu'il me téléphone exactement après avoir réclamé à mon père de le contacter ?

- Bonsoir, j'articule difficilement. Vous êtes celui qui a proposé un mariage arrangé à mon père ?

- C'est bien moi.


Je reste muette. Malgré mes forts soupçons, je me prends cette information en pleine tête, elle est aussi violente qu'une chute de cinq étages. Je serre le téléphone dans ma main.

- Pouvons nous continuer cette conversation en anglais si cela ne vous dérange pas. Mon français est assez moyen. Finit-il par annoncer face à mon silence.


Sa voix est calme et posée. Il pourrait presque s'agir d'un entretien professionnel. Qu'est ce que je vais bien pouvoir lui dire ? Je suis bien trop paniquée pour réfléchir.

- Bien mademoiselle Lucas, pourquoi souhaitez vous me parler ? Vous avez des questions peut-être ? Ou des propositions à me faire ? Je suis tout ouï.


Son anglais est quasi parfait, son accent est moins prononcé que lorsqu'il parle français.

Aller c'est pas le moment de flancher, il faut que je me jette à l'eau.

- En effet, il y a des zones encore un peu flou dans cette histoire, je veux que nous soyons d'accord sur les conditions de cette rencontre arrangée.

- Soumettez-moi vos conditions...

- Premièrement, je veux de la franchise. S'agit-il d'une rencontre arrangée ou d'un mariage forcé dissimulé.

- Cela dépendra de vous.

- Si j'accepte de venir pour quelques temps au Japon, est-ce que vous effacerez la dette de mon père.

- Cela se peut en effet.


Il répond au tac au tac, j'ai à peine le temps de finir ma phrase que j'ai déjà une réponse. Enfin, si nous pouvons qualifier ça de réponse. Je ne suis pas plus avancée, il ne rétorque que des demies-affirmations abstraites. Cette conversation est stérile, il ne veut rien me dire de concret...

- Je vais être claire avec vous Mr Yamatora. Je ne suis pas une petite fille bête et naïve, je sais parfaitement qui vous êtes et ce que vous faites. J'ai bien compris que j'étais vouée à un mariage forcé dans le seul objectif de donner un héritier mal à votre fils. Je ne sais pas ce que ca peut vous rapporter d'avoir un bâtard impérial dans votre famille...mais je n'ai qu'une seule condition ! Une vie pour une vie ! J'accepte ce mariage, en contrepartie vous oubliez la dette de mon père et vous le laissez tranquille.


Dans cette longue tirade mon coeur s'est tellement accéléré que j'en ai perdu le souffle. Je n'ai pas cette hypocrisie à la japonaise. J'aime dire les choses clairement, et même si je suis terrifiée mes convictions sont passées outre.

J'entends un petit ricanement dans le combiné. Il met quelques secondes à me répondre.

- Je ne sais pas si c'est une bonne idée que mon fil épouse une femme comme vous...Enfin, il faut savoir faire des sacrifices. J'accepte votre condition. Vous prendrez le vol de vendredi matin, je vous fais parvenir votre billet et un passeport au cas où. D'ici là, essayez de renouer avec votre langue maternelle. A très bientôt mademoiselle Lucas.


Bip.

Ma respiration se coupe à nouveau. Mon bras tombe doucement et je pose délicatement le téléphone sur la table basse en verre. Est-ce que ça vient vraiment de se passer ? Sa voix calme et pourtant si intimidante résonne encore dans ma tête. Vendredi... Je dois partir vendredi. Je n'ai pas eu mon mot à dire, je n'ai pratiquement eu aucune réponse à mes questions et je me retrouve piégée, obligé de partir dans deux jours. Il sait où j'habite et je dois certainement être sous écoute. Il ne m'a pas vraiment ordonné de partir vendredi, il m'a tout simplement soumise à sa volonté. A ma peur se mélange de la rage, ma vie ou celle de mon père sont peut être en danger mais je n'arrive pas accepter cette situation. Qui sont ces gens ? Pour qui se prennent-ils ? Comment font-ils pour avoir autant de pouvoir ? Depuis quand les Yakuzas, cette mafia has been a t-elle autant d'influence surtout à l'extérieur de leur pays ? Pourquoi il a fallu que je me retrouve dans cette situation.

Je serre mon poing pour calmer mes tremblements, les larmes coulent à flots. Je suis épuisée, mon corps et mon esprit n'ont plus d'énergie. Je m'effondre sur mon clic-clac. Je lutte avec moi-même pour arrêter l'afflux de questions déferlant dans ma tête. Je veux arrêter de penser, je veux oublier, je veux disparaître.

Quelques minutes sont passées, mon père est enfin revenu. Il se fige à la vue du petit colis et du téléphone. Je n'ai même pas pris la peine de me relever. Je pose ma main sur mes yeux bouffis. Je n'ai pas envie de parler, je voudrai qu'il parte, qu'il me laisse seule. Une partie de la rage qui est en moi lui est destiné, elle se confronte à l'amour que j'ai pour lui. Un amour blessé, trahi, qui se demande comment un père peut-il mettre en danger sa fille. Ce duel sanglant dans ma tête me donne la migraine et j'en viens à penser des choses horribles. Elles sont tellement horribles que j'en ai honte. N'aurait-il pas été préférable qu'il ne vienne jamais me voir et qu'il meurt dans le plus grand des secrets jusqu'à que des années après sans nouvelles de sa part, je me demande ce qu'il est devenu ? Aurais-je préféré qu'il se sacrifie dignement en silence ? L'aurais-je vraiment voulu ?

Là, à cet instant d'affrontement cérébro-sentimental, ma réponse est oui. En prenant cette décision, il m'aurait protégé, il aurait protégé ce que j'ai construit. Une partie de moi n'arrive pas à encaisser cet égoïsme dont il fait preuve.

Je dois être bien bête de me sacrifier pour cet homme qui fait preuve de tant d'égoïsme pour sauver sa propre vie au dépens de celle de sa fille.

Je finis par avoir le courage de me tenir sur mes deux jambes. Je regarde mon paternel sortir les pizzas du four-micro ondes. Cette scène banale aurait pu être un moment heureux, mais ce n'est pas le cas, ça ne le sera plus jamais.

- Je veux que tu partes, j'ordonne d'un ton sec.

- Pardon ?

- Je veux que tu partes, d'ici, de ma vie. Je quitte la France dans deux jours. Je ne veux plus que tu mettes les pieds au Japon.

- Marie...Qu'est ce que...Attends, nous allons discuter.

- Non !


Je m'avance vers la porte d'entrée et je l'ouvre en grand. Mon estomac se tord, le noeud dans ma gorge se serre de nouveau. Il faut qu'il parte avant que je n'explose. Je lis dans ses yeux son incompréhension et sa tristesse aussi. Il baisse les yeux comme signe de résignation. Il baisse les yeux comme le lâche qu'il est. Il traîne les pieds jusqu'à moi, une fois à mon niveau je lui lâche mes derniers mots:

- Adieu papa. 

Yamatora-GumiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant