Chapitre 1.

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Tring, Tring, Tring... Une vieille canette de bière vide roulait, rebondissait dans un fracas assourdissant sur des pavés bruns. Tac, Tac... Le claquement de Dr Martens résonnait à un rythme régulier dans la ruelle déserte où commence notre histoire. Bing... La canette se heurta aux rangers noires qui l'envoyèrent valser à l'opposé de la rue avant de reprendre leur marche frénétique. Ces chaussures d'apparence militaire allongeaient les jambes de poupée porcelaine de la jeune femme qui les portait. Elle était vêtue d'un short large en denim taille haute qui révélait les courbes de ses hanches, et d'un petit haut blanc cassé, qui convenait parfaitement à sa silhouette généreuse. Des lunettes de soleil rondes dissimulaient la moitié de la figure, cachant un visage resplendissant de fraîcheur et d'orgueil, et des yeux noisette entourés d'un trait d'eye-liner et de mascara. Seuls son long nez fin et ses lèvres pulpeuses restaient visibles. Ses longs cheveux blonds se prolongeant jusqu'au bas du dos se balançaient à chacun de ses pas, retenus néanmoins par un chapeau noir. Elle ne manquait pas de remettre en arrière d'un geste de la main les mèches rebelles qui lui tombaient sur le visage. Elle portait à la main droite sa fidèle planche de skateboard qui l'accompagnait partout où elle allait.

Le vrombissement des voitures mêlées aux multiples bavardages, provenant de la grand rue adjacente, faisaient un bruit infernal. Mais, ce brouhaha, elle ne l'entendait pas. Les seules paroles qu'elle entendait, c'était celles de Smells Like Teen Spirit de Nirvana. Elle avait deux écouteurs dans les oreilles, branchés sur un baladeur mp3, qu'elle tenait de la main gauche. Elle s'était enfermée dans une bulle, fragile mais protectrice, et ne percevait pas les gens qui l'entouraient. Toutes ses pensées allaient alors vers une époque lointaine mais si proche, cette décennie précédant le deuxième millénaire qui était tout ce qui a de plus utopique pour la jeune femme.

Elle s'arrêta devant une porte cochère à la peinture rouge écaillée, et, une fois passée le seuil, elle se retrouva dans une grande cour fermée par quatre murs. Aussitôt, le bruit infernal des moteurs et les bavardages, ainsi que tous les bruits angoissants de la ville s'effacèrent, laissant place à un silence apaisant qui lui rappelait d'où elle venait.

A la droite de la jeune femme, se trouvaient des box en bois, d'où des têtes de chevaux couronnées de longues crinières dépassaient. A sa gauche se tenait une maisonnette blanche, recouverte de lierre, et en face d'elle un hangar protégeant un petit tracteur et une ancienne calèche à la peinture écaillée qui servait dans des temps anciens. Léna sourit en passant devant le puits à sec débordant de roses, qui se dressait au centre, déposa son skateboard contre les pierres qui le formait, puis elle frappa trois fois à la porte en inox rouge, avant de s'engouffrer dans un couloir, où de nombreuses photographies passant de sépia à noir et blanc ornaient les murs. Elle contempla un instant la plus grande des images où elle reconnut son visage en noir et blanc, aux côtés de ceux de ses parents, ses grands-parents, son cousin Valentin, ses grandes cousines, ses tantes et ses oncles. Comme cette famille paraissait unie! Oui, c'est l'impression que donnait cette photographie, mais ce n'était plus qu'une impression aujourd'hui, avec le divorce de ces parents qui était en cours de procédure depuis bientôt un an. Aussi loin qu'Léna se souvenait, ses parents n'avaient jamais montré beaucoup de complicité. En effet, apparaissait dans l'ombre de l'immense photographie, cloîtré dans un cadre noir, son père seul dans un beau costume, comme pour lui rappeler l'éclatement de sa famille. Comme il était élégant, dans son costume trois pièces! Elle l'avait toujours connu élégant, ce qui devait être normal après tout, en tant que conseiller à l'ambassade. Mais si son métier avait fait de lui un homme élégant, il avait aussi fait de lui un homme seul. Depuis l'Espagne où il avait rencontré sa femme, elle l'avait suivi au Portugal où était née sa fille, puis en Allemagne où était né son fils, avant de se poser en France. Oui mais voilà, il fut muté en Égypte, il y a quelques mois, et cette fois, elle n'avait pas voulu le suivre, fatiguée de tous ses voyages. Il n'avait pas voulu abandonner son métier, à qui il donnait plus qu'à sa famille. Il choisit de partir, elle choisit de rester, la famille n'a pas survécu à cette séparation.

Les quatre fils d'HorusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant