Prologue

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Tring, Tring, Tring... Une petite statuette d'or, pas plus grande qu'un presse-papier et à tête de chacal roulait. Elle rebondissait dans un fracas assourdissant sur le sol de marbre recouvrant la terre battue. Tac, Tac... Le claquement des fines semelles de papyrus résonnait à un rythme régulier, presque automatique, sur le carrelage ancien du couloir désert à cette heure avancée de la nuit. Bing... La statuette se heurta à des sandales aux bridges de tissu tressé, et aussitôt une main s'empara de la statuette, entortillant ses doigts fins et tremblants autour de son corps cylindrique. Cette petite main disparut aussitôt sous une longue cape blanche immaculée, et le claquement des sandales reprit de plus belle, à un rythme irrégulier cette fois qui soulevait l'inquiétude de la silhouette. Cette silhouette fantomatique s'éloigna le long du couloir et disparut derrière un rideau pourpre.

Elle arriva dans une pièce vide et sombre où seule la flamme dansante d'une unique bougie laissait deviner des murs sombres et sales dont l'ancienne peinture s'écaillait avec le temps, et une tablette gravée de hiéroglyphes posée à même le sol. La silhouette renversa la tête en arrière et la capuche qui lui mangeait le visage glissa sur ses épaules. Elle dévoila alors un visage aux traits fins et précis, des yeux sombres et brillants comme des pierres précieuses ; c'était des yeux terriblement beaux, mais tout aussi dangereux. Ils dévoilaient une intelligence sans faille qu'on ne pouvait duper. Ils étaient accompagnés de lèvres vives, d'un nez pointu, et de joues creuses. De longs cheveux noirs de jais encadraient son visage et tombaient sur ses épaules.

La jeune femme s'avança au centre de la pièce, et se laissa tomber à genoux à côté de la bougie et la tablette. Elle effleura du bout des doigts les inscriptions gravées sur la pierre, les yeux brillants d'excitation. Dans un coin de la pièce, une ombre tapie dans l'obscurité l'observait. Cette ombre s'avança doucement vers la jeune femme, se dévoilant peu à peu à la lumière: c'était un grand homme vêtu d'une longue robe noir, le visage brun grignoté par le temps comme l'en témoignait les quelques rides qui commençaient à se dessiner autour de ses yeux, soulignées par celles plus profondes sur son front et l'encadrement de ses lèvres. Ses cheveux blancs étaient en accord avec sa longue barbe, quant à ses yeux, ils étaient pâles et éteints, vides de tout sentiment, de toute émotion. Lorsque le vieillard arriva à sa hauteur, le jeune femme se releva pour lui faire face. Il faisait un drôle de tableau tous deux: elle dans sa robe blanche avec ses longs cheveux noirs, définition de tout l'éclat de la jeunesse, de la pureté et de la sagesse, lui tout de noir vêtu, avec ses cheveux grisonnants et portant déjà le poids des années, définissant cette fois l'intelligence maligne.

-As-tu les statuettes ? Demanda le vieil homme.

-Je les ai, répondit la jeune femme.

Elle sortit alors, une à une, quatre statuettes de sa cape. Elle les plaça devant la tablette. Elles étaient toutes quatre cylindriques, toutes d'or, avec chacune une tête différente: le chacal, le babouin, l'Homme et le faucon.

-Très bien, très bien, marmonna le vieillard sans quitter les statuettes des yeux comme si sa vie en dépendait, comme si la seule chose qu'il désirait depuis toujours venait enfin de lui donner satisfaction. Alors, si tu es prête il faut les placer tout autour de toi... Puis, tu les ouvres une à une, en posant la tête de chaque statuette en face du corps qui lui appartient. Assis-toi, Annoukhia , prends ce parchemin vierge et ce roseau, poursuivit le vieillard en lui tendant ce dont elle avait besoin, et recopie sans erreur les hiéroglyphes gravés sur cette tablette.

La dénommée Annoukhia s'exécuta à chaque ordre que lui donnait le vieillard. Dans le silence, seul le chant de la pointe de roseau contre le papyrus, se mêlait à leur respiration.

-C'est fait, annonça la jeune femme, à présent?

-Lève-toi, rapproche-toi de moi!

Annoukhia enjamba les statuettes, puis se mit face au vieillard. Ce dernier prit les fines mains de la jeune femme dans les siennes, il les leva:

-Répète chaque mot, que je prononcerais: J'invoque le dieu Horus, qu'il envoie ses quatre fils sur Terre. Que ces fils fassent rempart face au mal qui détruit, que ces fils donnent leur vie au Pharaon... Ces fils, peu importe où tu les envoies, peu importe quand tu les envoies, tant qu'ils n'auront pas tous dépéris le Pharaon sera immortel sur cette Terre!

La jeune femme répéta d'une voix plus vive, d'un ton convaincant et convaincue, les précédentes paroles du vieil homme.

-Je donne à chacun de ses fils, un peu de mon sang, en l'échange de son sacrifice!

Quand la jeune femme finit sa phrase, le vieillard sortit un petit poignard tout d'or de sa cape noire, serra la main droite de la jeune femme et lui trancha la paume. La jeune femme grimaça au contact du métal froid avec sa peau mais ne prononça pas un mot, comme pour affirmer sa détermination face à ce rituel. Il amena sa main tailladée au-dessus de chaque statuette ouverte, et fit couler quelques gouttes de liquide pourpre dans chacune d'entre elles. Puis, il la lâcha et la poussa dans un coin de la pièce; elle l'empêchait de se concentrer et sa présence lui était de plus en plus insupportable. Il attrapa le papyrus d'une main tremblante, qu'il déchira en quatre, déposa un morceau dans chaque figurine doré. Il les referma soigneusement une à une, et termina:

-Les quatre personnes qui ouvriront pour la première fois, chacune des statuettes seront désignés comme les fils d'Horus et c'est eux qui devront protection au Pharaon.

La jeune femme répétait inlassablement les paroles du vieil homme.

-Une fois désignés, les quatre fils d'Horus ne pourront retourner à leurs origines que par le chemin de la mort...

-...Une fois désignés, les quatre fils d'Horus ne pourront retourner à leurs origines que par le chemin de la mort...

Les quatre fils d'HorusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant