Une émeute.
Ou plutôt, un rassemblement bruyant d'élèves en plein milieu de la cour, parlant, criant, et protestant tous à propos de la même chose.La fille aux cheveux flottants, celle de la dispute au foyer, serait a l'hôpital.
Tentative ratée de suicide, apparemment.
Ce n'était qu'une rumeur.Et Chan refusait de croire aux rumeurs.
Il refusait de croire à ces rumeurs, en particulier.Pourtant, si c'était faux, pourquoi ne se défendait-il pas ?
Pourquoi n'était-il pas au milieu de ce rassemblement, parlant fort, haussant sa voix, lui qui était si doué avec les discours ?Il était, étonnamment, assis sur le banc habituel de Chan, la tête dans les mains, des sanglots bruyants agitant des épaules. Il était avachi sur lui-même, semblait vouloir s'arracher les cheveux, et à la fois vouloir disparaître.
Cela ne lui ressemblait pas. Pas du tout.
Et étrangement, quelque chose de froid se logea dans le cœur du brun.
Quelque chose de glacé, un pic fin et gelé, qui lui faisait plus mal que n'importe quoi.Il n'osait imaginer ce que pouvait ressentir son convoité.
Alors, prenant son courage à deux mains, sentant ses joues chauffer malgré le froid, il se leva.
Il se leva du petit muret, et passa devant le groupe de lycéens hystériques, sans leur accorder un regard.
Il ne les entendit pas non plus.Sentant la neige craquer sous ses chaussures, Chan eut une soudaine envie de faire demi tour.
Seulement, il était trop près, désormais.
Il devait l'avoir entendu approcher, car ses épaules cessèrent de trembler, et il se figea, semblant terrifié.Alors, Chan tenta quelque chose.
Quelque chose qu'il n'aurait jamais osé faire quelques jours plus tôt, quelque chose qu'il trouvait absolument déplacé.
Pourtant, il ne recula pas, cette fois.Il s'agenouilla devant son corps recroquevillé, et posa doucement une main sur son épaule, la pressant doucement entre ses doigts congelés.
Il bougea un peu sa main, laissant son pouce vagabonder par dessus le manteau de son convoité, le rassurant silencieusement, lui disant " je suis là, n'aies pas peur ", a travers ses gestes doux et répétitifs.Lentement, il releva la tête. Ses yeux gonflés et rouges, le nez coulant, ses joues rouges et humides, sa lèvre inférieure tremblante et crispée dans une expression de souffrance.
Chan sourit. Un petit sourire, qui étirait simplement ses lèvres, les craquellant a nouveau de crevasses sanglantes. Il sourit car il savait.
Il savait que le jeune homme en face de lui en avait besoin de voir, de sentir autre chose que du mépris et de la haine.
Il avait besoin d'autre chose.Doucement, le brun plaça un mouchoir dans la main accessible de son vis-à-vis, sans pour autant retirer l'autre de son épaule.
Le jeune homme s'essuya les yeux, le nez et les joues, épongeant autant qu'il pouvait les traces de son chagrin._ Tu ne devrais pas m'approcher.
Chan, surprit, releva la tête pour encrer son regard dans le sien, toujours humide et scintillant.
_ Pourquoi ?
_ Tu n'as pas vu ? Je suis un monstre. Même pas digne de vivre. Ils disent tous ça, que je ferais mieux de mourir.Le brun grimaça.
_ Tu n'as pas a les écouter.
_ J'aimerais bien ne pas les entendre. Seulement, même a l'intérieur de moi, je sais que ce que j'ai fait est mal.Une larme coula, s'échappant de nouveau et roulant sur sa joue, lente, fataliste.
_ Moi je ne les crois pas. Tu n'es pas un monstre. Loin de là.
_Comment peux-tu en être si sûr ?Sur le coup, Chan hésita. C'était vrai, il ne savait pas d'où il tenait ses propos. Alors, il décida d'être sincère.
_ Je le sens, c'est tout. Je sens que tu n'es pas aussi mauvais que tu le crois.
Un fin sourire fleuri sur les lèvres de son convoité.
A ce moment précis, le brun se sentit partir.
Partir loin, très loin de cet endroit froid et glacé, comme si son sourire, aussi menu soit-il, était parvenu à réchauffer la Terre entière.En réalité, son sourire avait simplement réchauffé son cœur. Pourtant, cela lui semblait bien assez.
_ Tu as tord de rester ici. C'est gentil de vouloir m'aider, mais tu vas te faire coller une étiquette sur le front.
_ Quel genre d'étiquette ?Il soupira.
_ L'étiquette " ami du violeur qui frappe ses copines ".
Chan, qui se sentait revivre, étira encore son sourire.
_ Dans ce cas, ça me convient parfaitement.
Surpris, il se redressa, puis tendit sa main vers le brun qui l'attrapa avec timidité.
_ J'm'appelle Minho. Lee Minho.Chan retint un " je sais ", qui resta bloqué au fond de sa gorge. A la place, il serra la main de Minho un peu plus fort, ses doigts lui montrant qu'il était là, avec lui.
_ Chan, Bang Chan, mais tu peux m'appeler Chris.
_ Alors, enchanté, Chris.La sonnerie annonçant le début des cours retentit.
Minho sourit, ses yeux se fermant instinctivement.
Et Chan, les larmes aux yeux, laissa couler l'insulte de la jeune fille passant a côté d'eux, comme si elle n'avait jamais existé.
Il ignora la suivante, venant d'un garçon blond, puis la suivante et encore la suivante, jusqu'à ce que le flux d'élèves haineux se tarisse pour de bon.Il se concentra sur le sourire de Minho, qui, comme un imbécile, continuait de sourire, comme pour se prouver a lui même qu'il n'était pas fichu.
Alors, pour accentuer ce sentiment dans le cœur déjà bien brisé de son ami, Chan lui prit de nouveau la main, puis l'autre, et le tira vers lui dans un geste tendre et doux, le serrant fortement contre lui.
Il posa sa tête sur son épaule, et Minho fit de même.
Ils étaient là, tous les deux, enlacés comme des amis de longue date, comme si ils se connaissaient depuis toujours.Et alors que la neige tourbillonnait toujours autour de leurs deux corps, leurs cœurs étaient en plein été, et leurs cages thoraciques étaient plus brûlantes que n'importe quel soleil.
Le sourire de l'autre faisait naître la lumière dans leurs cœurs, que l'obscurité avait bien trop longtemps recouvert.
_ Merci, merci mille fois, Chris.
Et là, enfin, après tant d'années, Chan se sentit finalement heureux.
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•| hazy shade of winter |• ; minchan
Teen Fiction" Tu ne me connais pas, mais tu es tout pour moi. " Au milieu de la neige, de la glace et du froid, il se tenait là, debout ; et son sourire, si rare, était tellement brillant qu'il faisait naître l'été même dans les cœurs les plus glacés.