Chapitre 2 : Pétale par Pétale

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Je ne peux détourner le regard de cette fleur, symbole de paix, tachée par le sang d'un meurtre...

Ça peut paraître surfait mais cette simple vue me fait prendre conscience de ce que j'ai fait... J'ai tué un homme. Une personne comme moi... Qui a un coeur et éprouve des sentiments... Je lui ai enlevé toute possibilité d'avenir... Je lui ai non seulement pris le vie mais dans un certain sens, celle de ses proches...   Tout ça pour la vengeance personnelle, tout ça pour le briser lui...

J'ai attrapé une fiole de potion et caressé le contour. Ce liquide bleu mer est si attirant et pourtant si dangereux... Je ne me souviens plus des effets de celle ci mais ce n'est rien d'agréable. Il faut savoir que chaque mélange a un impact différent en fonction de la personne. Il est donc impossible de se préparer psychologiquement, ni de prévoir quoi que ce soit... Aucune de ces potions n'a le pouvoir de tuer mais toutes combinées te détruisent de l'intérieur. Je sais tout ça ...

Du bout de l'ongle, je fais sauter le bouchon de la bouteille. Je fais tanguer la solution et sens... Ça sent la mer... J'adore la mer... La profondeur de l'océan, le bruit des vagues... C'est magnifique... J'ai envie d'être là bas de tout oublier, de retrouver la personne que j'étais avant tout ça... Un sourire triste s'étend sur mon visage. J'aimerais sentir la caresse du vent  marin, la douceur du sable chaud sur ma peau... Je veux partir, je ne peux pas vivre avec ça...

Je monte le flacon à mes lèvres d'une main tremblante. Je n'hésite plus... A peine la potion touche mes lèvres que je suis prise d'un violent tremblement. Je lâche la fiole qui se brise au sol dans un bruit sourd. 

Je tombe à genou, les deux mains sur ma gorge. J'ai l'impression qu'un fer blanc fait du yo-yo dans ma trachée. Je tire au cœur. Sous la torture, je hurle à m'en arracher les cordes vocales. Mon cou me lance, chaque port de ma peau me brûle. Je serre mes mains autour pour étouffer la douleur mais les retire aussitôt dans un cri de douleur. Ma peau est gelée, aussi froide que de la glace. Je jette un coup d'œil à mes mains. La pulpe de mes doigts me tiraille sous le supplice de la température polaire. J'ai si mal que j'ai l'impression que ma chair est en train de se fissurer. Je veux que ça s'arrête pitié, aidez-moi. 

J'inspire et expire profondément en essayant d'oublier la douleur mais autant essayer d'oublier un partie de soi. Mon corps entier est secoué de spasmes, je me convulse au sol en sanglotant, priant le ciel pour que cela cesse. Mes dents mordent ma langue jusqu'au sang pour essayer d'arrêter les tremblements aussi bien dûs au froid qu'à douleur...

Soudain la température redevient normale. Le souffle court, je me relève pensant que c'était terminé. Mais ce n'est que le calme avant la tempête. A peine remis sur mes jambes, je suis propulsée au sol par une force inconnue. Sans me laisser le temps de réagir, un courant d'air me frappe violemment le ventre. Je hurle. Ce n'est pas un vent ordinaire, je ne suis même pas sûr que se soit vraiment du vent. Quoi que se soit, il me percute un nouvelle fois mais avec plus de puissance. Quelque chose cède alors en moi dans un craquement sinistre. Je me plie deux sous la douleur en me tenant le ventre. Des sanglots me secouent. Je sens une masse froide bouger à l'intérieur de mon corps. Je ne sais pas ce qu'elle cherche mais quand elle l'aura trouvé, je pense que je saurais... A peine ai formulé ma pensée, quelque chose en moi s'alourdit. Je suffoque paniquée, n'arrivant plus du tout à respirer. Mon corps est secoué de haut-le-cœur, je tousse et crache de l'eau comme si j'avais bu la tasse. Je ne cesse de régurgiter, ne parvenant pas vider mes poumons... Je suis en train de me noyer de l'intérieur ! Mon corps tremble d'épuisement, j'ai beau lutter, je ne parviens pas à me dégager de cette force qui me domine.

Puis alors que je me sens partir, quelque chose quitte mon corps. Je me cambre sous la douleur. Ma respiration se dégage, je crache encore un peu d'eau mais l'air passe de nouveau. Mon souffle est court et saccadé mais il est là... Lasse, je lève les yeux vers le fond de la grotte. Mon regard s'arrête sur la rose toujours aussi luxuriante. Une ombre au sol attire alors mon attention. Un pétale... Un pétale de rose rouge... rouge sang...

Cette vue lâche une tempête d'image dans mon esprit... Je m'attrape ma tête en hurlant. Un grondement assourdissant résonne dans mes oreilles... Le poids de la douleur des souvenirs me font tomber à genou... La réalité m'échappe sans que je ne puisse rien faire et me voilà de retour quelques heures en arrière...

Je suis dans mon corps, enfin, dans mon moi passé, mais je ne contrôle rien, je suis spectatrice de ma propre vie. C'est encore pire que de vivre la scène... 

Je prends une fiole au liquide bleu mer et y insère le bout de la seringue. La potion monte aussi vite que la mer.

- On dit que l'eau est l'élément le plus puissant, nous allons vérifier cette théorie...

Je lui plante alors l'aiguille dans la jugulaire sans aucun préambule. Sur son visage passe la surprise, la douleur, puis la peur et enfin la joie. En effet au bout de quelques minutes, il ne s'était toujours rien passé. Mais son sourire hautain disparut rapidement quand il vit mon rictus. Le poison est fait pour agir un certain temps après l'injection. Ainsi l'espoir monte en la victime qui croit s'en être sorti. Et quand la vague arrive, elle en est encore plus détruite.

Il s'écroule soudain au sol dans un râle étranglé. Il se convulse, rampe sans bruit sur le sol de la chambre. De l'extérieur, on l'aurait cru possédé. Ses mains se portent à sa gorge qu'il serre jusqu'à laisser des marques bleue. Son corps est secoué de spasmes mais il ne hurle pas. Ma première potion l'en empêche.

Je m'assoie sur le fauteuil et le contemple agoniser. Ce n'est certainement pas la première fois que j'utilise cette potion pourtant je ne me lasse pas du spectacle. Comme je le disais, une peur est unique à chaque instant et fonction de chaque personne. Le poison se sert de ça. Il va chercher la peur la plus profonde et l'exploite. Celle-ci la retranscrit sous la forme d'eau. Autrement dis, chaque liquide a toujours un effet différent.

Ses yeux se révulsent en arrière. Camille se cogne le crâne sur la parquet plusieurs fois comme si il voulait le faire exploser. Son corps tremble.

Je marche autour de lui, mes talons brisant le silence assourdissant.

- Puisque nous n'avons rien de mieux à faire, je vais te raconter mon histoire. Les Vengeresses sont choisies à la naissance d'ordinaire. Les Enchanteurs utilisent un sort spécial qui les guide vers les nourrissons dont le cœur est  rempli de haine dès la naissance. Je n'ai jamais été choisie. Je vivais dans une famille normale, nous n'étions pas très riche certes mais nous étions heureux. Cependant mon frère n'a jamais été satisfait de ma condition. Il m'a trahit... Il m'a vendu à un riche marchand qui passait par là. J'ai été embarquée, exploitée, violée et vendue à plusieurs reprises. Ma vie n'a jamais été aussi sombre. Je pensais mourir dans cette condition. Mais un jour, une boule de lumière bleu-violet est apparue devant moi. Elle brulait de flammes froides. Puis elle est entrée en moi, ici, dis-je en désignant ma poitrine. J'ai fermé les yeux et senti la sphère m'emplir le cœur. La haine que je ressentais a ressurgi plus puissante que jamais. Un Enchanteur est venu me trouver, je me suis accrochée à la possibilité de partir comme à une bouée de sauvetage. Au début, il m'a refusée sous prétexte que j'étais trop vieille et est parti me laissant de nouveau seule avec mon maître. Mais les pouvoirs des Vengeresses étaient déjà en moi. Le soir même, j'ai tué mon maître en le brulant vif alors qu'il voulait encore m'exploiter. Je suis alors partie pour le palais. La reine m'a prie à son service et j'ai tué l'Enchanteur qui m'avait refusée. Alors que les Vengeresses sont toujours en trio, j'ai toujours fait cavalier seul. La tête pensante, la tête d'attaque et la tête de défense. Mais je préférais la discrétion au scandale et les messages aux effusions de sang. Je me suis vengée de tout ceux qui m'avaient fait du mal en finissant par mon frère. Lui, il a eu le droit à une mort grandiose... Un peu comme toi en fait...

Pendant tout le long de mon monologue, Camille n'avait cessé de se convulser, les yeux exorbités. Je savais que la potion n'allait pas tarder à s'arrêter pour passer à la deuxième partie de sa fonction. Lui faire revivre ses péchés....

@kimchi-ma deuxième partie 1516 mots

 









Rose de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant