Vers le silence

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Elle n'est pas douce, elle est méchante, elle est cinglante. Elle n'est pas lisse, elle est mordante, grandiloquente. Elle a un grand nez et des longs doigts étroits, qui servent à triturer, qui servent d'étouffoir. Qui font semblant d'aimer, mais qui font souvent mal. Ils sont là. Ils ne te lâcheront pas. A chercher, tout au fond, ce qu'il y a.


Elle épie, elle aboie. Elle crie, elle larmoie. Elle dicte, elle effraie, elle écœure. Elle crée, tout au fond, ce qui meurt. A grands coups de voix, à grands coups de bras. A grands bouts de phrases. A grands gestes épars. Elle est minuscule, mais tout autour de toi. Elle est toute amertume, elle est tout ce qu'il y a, la mère.


Elle essaie tant qu'elle peut d'être aimante. Elle n'en devient que plus dégoutante. Et dans tous ces mots qu'elle envoie au hasard, toutes ces plaintes éreintantes de perroquet bavard, il n'y a qu'un grand cri. Qui est tu, celui-là. Elle voudrait être émue, elle ne peut qu'être lasse. Et pendant ce temps il y a, tout au fond, quelque chose qui s'amasse.


Car elle porte en elle, lancinant et funèbre, un mal insidieux. Une chose lointaine qui lui suce un à un les os et la moelle. Elle voudrait courir, hurler, se débattre. Elle voudrait enfin arrêter de se battre. Arrêter de parler. Enfin pouvoir se taire. Mais hélas la vie a tôt fait de nous traire. Et tout au fond de l'être, la chose prend ses aises.


Et le corps, un jour tendre, peu à peu se dessèche. Les veines s'amenuisent et le cœur bat de l'aile. Elle devient alors comme un corbeau tout maigre, Tout mouillé et tout seul, agrippé à la branche, qui essaie, comme il peut, de garder la cadence. Qui ne peut s'envoler. Qui ne peut plus rien faire, que se recroqueviller et attendre l'hiver. 


Et l'hiver vient, hélas, car il vient toujours. Tout au fond de son corps noueux de jeune fille, a grandi un roc dur et partout aiguisé. Elle s'est souvent blessée à vouloir l'éviter. Mais moins on voit les choses et plus elles nous assaillent. Et moins la chose est dite, plus partout elle s'invite. Les secrets font plus mal que toutes les choses dites.


Oh mère, j'aimerais que tu voles, que tu ries, que tu rêves. Qu'un grand lac t'accueille et te donne une trêve. Que des mains de géants gentiment te caressent. Que tu saches l'amour, la joie et la paresse. Que plus jamais ta langue n'ait besoin de bouger. Que plus un mot n'entrouvre ta bouche fatiguée. Qu'un sourire seulement redessine tes lèvres. Que tu oublies ton ire, tes peurs et tes larmes. Que tu ailles, plus légère que la vague sereine. Que tu sois, que tu vois, que tu aies, que tu aimes.     

Tout au fondOù les histoires vivent. Découvrez maintenant