V - Le courage

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La fureur ne l'avait pas quitté. Enrobé dans le tissu de la nuit, Lys fulminait. Il fulminait contre l'abysse en lui. Un puis sans fond, ténébreux. Lys se détestait. Il se sentait incapable de s'appréhender, de se comprendre. Il aurait aimé être capable de se décrypter, de se lire comme un livre ouvert. Mais ses sentiments et leurs origines étaient deux parts dissociées qu'il n'arrivait pas à imbriquer l'une dans l'autre . Il passa devant le Pois chiche, enseigne allumée, salle silencieuse. Puis au moment de tourner au coin de sa rue, il se figea. Il ne se sentait pas de retomber dans le quotidien, mécanique qui l'abîmait et l'épuisait. Au lieu de cela, il se détourna des pavés et repartit dans la direction opposée avec détermination. Lys voulait vivre. Il voulait se sentir palpiter, chaud, plein. Sur un coup de tête, il s'arrêta à la première cabine téléphonique qu'il croisa. Il remonta sa manche et composa le numéro inscrit sur sa peau. L'encre quelque peu effacée, il déchiffra avec peine les dernier numéros, ceux proches de son poignet.

" Allo ? " Fit une voix enrouée. Lys frotta sa langue rappeuse contre son palet, devenu soudain complètement muet. Il entre-ouvrit les lèvres dans l'espoir de laisser échapper un son. Mais sa voix n'était plus là. Prisonnière au fond de son être, enchaînée par quelque chose. 

"Je déteste les blagues téléphonique et celle-ci semble de très mauvais goût" continua la voix profonde. "Je vais raccrocher..." Lys se sentit soudain paniqué, il ne voulait pas que les choses se finissent ainsi. Oui, les choses ne pouvaient pas se terminer ainsi. 

"Non !" S'exclama soudain le jeune homme. "Je...euh..." Il ne savait pas bien comment formuler la chose, comment on disait cela quand on était quelqu'un de normal. "Je veux être ton ami". Les mots lui échappèrent et tombèrent dans le combiné sans prévenir. Lys vint cogner sa tête contre la surface métallique. Je suis un idiot . 

"Lys !

- Hm" se contenta-t-il de répondre, mortifié par sa déclaration abrupte. Le regard fuyant alors qu'il ne faisait même pas face à la voix. 

"Bien sûr qu'on peut être ami." Un rire chaud se fit entendre. "Je croyais que tu m'aimais pas beaucoup, t'avais toujours l'air si distant". 

Lys écarquilla les yeux, son front toujours posé sur le métal glacé. Il n'avait pas relevé plus que ça sa formulation, au lieu de cela il continuait la conversation l'air de rien. Lys sentit une larme chaude rouler sur sa joue. 

"Comment ça marche ? Comment on fait pour être amis ?

- Hmm...et si tu me rejoignais demain à 14 heures devant le resto ?" Lys hocha la tête, puis se rappelant que son interlocuteur ne pouvait pas le voir

"Très bien.

- Bonne nuit Lys

Bonne nuit Eloïm"

Il reposa le combiné et resta encore quelques instants ainsi avant de se décoller de la surface froide. Sa capuche avait glissé, laissant voir l'éclat corbeaux de ses cheveux. Pour cette fois, il ne la remonta, encore groggy de sa conversation. 

"J'ai un ami" Chuchota-t-il à la lune. 

Cette dernière continua d'illuminer la ville de sa lumière paisible, éclairant les pas du jeune homme dans l'ombre des lampadaires. Il remonta sa rue, grimpa les escaliers et se faufila dans son lit et en oublia de se brosser les dents. Au cœur des draps, le sommeil mit quelques temps à venir. Il sentait un je-ne-sais-quoi palpiter avec folie dans sa poitrine. Lys aurait voulu d'ores et déjà être demain. Il prit quelques profondes respirations pour se calmer et maintint cette technique jusqu'à sombrer dans le sommeil. Il ne savait plus bien où il avait apprit cette méthode. 


A l'ombre de la nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant