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Je m'appelle Astrid.
J'ai 27 ans.
Il y a presque 9 ans, j'ai quitté ma vie.

Je vivais en Amérique.
Ma mère est décédée quelque temps après notre naissance.
Un accident de voiture.
Nous, c'est Cynthia ma sœur jumelle et moi.
Mon père est le président d'un club de motard pas toujours dans les clous, un gang.

Il y a quelques années, j'ai subi les conséquences de son pouvoir.
Il n'a pas réussi à me protéger.
J'ai été kidnappée.
J'ai été torturée et violée par un gang rival.

Mon père et ses acolytes m'ont sauvé mais le mal était fait.
J'étais brisée.
J'avais à peine 17 ans.

Cynthia, ne comprenait pas que je me renfermais sur moi-même.
Que je ne voulais plus sortir.
Que je refusais tout contact avec le monde extérieur.

J'étais seule.
Mon père me disait de relever la tête et d'être forte. Que j'étais sa fille, que je me devais de me relever.

Et pourtant, chaque nuit, les cauchemars se suivaient et se ressemblaient.
Je ressentais la douleur de leurs coups et leurs mains sur mon corps. 
La douleur quand il me prenait.
Les lames des couteaux qui glissaient et marquaient mon corps...

Je n'avais personne à qui me confier.
Jusqu'à ce que je commette l'irréparable.
J'ai avalé je ne sais combien de cachets avec de l'alcool.
Je voulais dormir et ne plus me réveiller.
Je ne voulais plus de cette souffrance qui me rongeait.
Il semblerait que ça n'ait pas marché puisque je me suis réveillée.

Mon père est entré dans la chambre d'hôpital.
Le regard sombre, ses premiers mots ont été "je suis déçu de ton comportement !"
La rage a pris le pas sur ma tristesse.
Je ne lui ai pas laissé le temps de finir.
Je lui ai dis que si j'en étais arrivé là, c'était de sa faute. Qu'un père est là pour sa famille, pour la protéger avant de s'occuper de son gang. Qu'il n'avait pas réussi son rôle, vu où je me suis retrouvée et ce que j'avais subi.
Je lui ai demandé de se mettre à ma place et d'essayer de vivre ce que j'ai vécu.
Être battue, mutilée jour et nuit pendant presque 2 semaines, être violée par des inconnus. Avoir perdu sa virginité dans un viol. Vivre avec le regard déçu de son père parce qu'on n'arrive pas à remonter la pente.
Etre seule avec sa souffrance.
N'avoir personne à qui en parler, à qui se confier car il faut oublier.
Ne pas dormir, fermer les yeux est sentir des mains sur son corps, ressentir la douleur des coups...

J'ai explosé.
Pour la première fois, j'ai vu mon père défaillir.
Moi j'étais épuisée.
Je lui ai demandé de partir et de me laisser seule.
Ce qu'il a fait.

Je suis rentrée quelques jours plus tard, sans avoir revu personne.
Entrer dans la maison, dans cette maison est la plus douloureuse des sentences.
Ça me crève le cœur car c'est de là que j'ai été kidnappée. C'est là que ma descente aux enfers a commencé.
Sur le pas de la porte, ce jour là, j'ai pris la décision de partir.
J'ai rempli une valise et je me suis assise à table pour écrire une lettre.

_ Président, Cynthia.

Vivre ici est au dessus de mes forces.
Je sais que je vais vous décevoir une fois de plus mais c'est la dernière fois.
Je pars.
Vous n'entendrez plus parler de moi.
Faites attention à vous

Astrid

J'ai réservé un vol. Je me fichais de la destination. Je voulais juste partir.
L'avion partant le plus rapidement était pour la France.
Paris.
J'ai appelé un taxi.
Je l'ai attendu sur le pas de la porte.
Quand il est arrivé, j'ai glissé les clés dans la boîte aux lettres.
Ce n'était plus chez moi.
J'étais soulagée de savoir que je ne devrais plus y mettre les pieds.

A l'aéroport, j'ai recopié les numéros importants de mon téléphone.
Et je l'ai jeté.
Je savais qu'ils chercheraient à me faire changer d'avis où à me tracer.

Dans l'avion, je repensais à mon enfance, à ma famille.
Ma grand-mère disait toujours que j'étais le portrait de maman tandis que Cynthia était celui de papa.
Elle avait la chance d'avoir la force que je n'ai pas.
Le club, le gang, ça lui ressemblait.
Pendant notre enfance, nous étions assez proche. En grandissant, elle est devenue une autre personne. Elle me défendait toujours mais nous nous étions perdues en route.

Les larmes devalaient sur mes joues. De la tristesse, de l'appréhension et de l'excitation.

Paris...

Qu'allais je faire là bas ?

J'avais de quoi vivre un moment tranquillement.
Je pensais continuer mes études et travailler.

Sur le sol français !
J'ai trouvé un petit hôtel, la concierge était une dame de 60 ans.
Elle me faisait penser à ma grand-mère.
Elle a très vite compris que j'étais perdue et elle m'a prise sous son aile.
Elle m'a donné un travail dans son hôtel et elle m'a aidé à m'intégrer.
J'ai pris des cours du soir pour apprendre le français. Ca été assez rapide.
Ensuite, j'ai intégré un lycée, où j'ai passé le bac et je suis entrée à l'université.

J'ai rencontré une psy. Je lui ai raconté mon passé.
Elle m'a aidé. J'ai été hypnotisée pour calmer mes terreurs et mieux dormir.
Je n'ai rien oublié. Je ne le voulais pas mais j'avais besoin de retrouver des nuits paisibles.

Je suis entrée en fac de médecine.
Je me suis faite des amis.
Et une famille de cœur.
Yvonne et Remy.
Les patrons de l'hôtel m'ont adopté comme leur petite fille.
Je vivais toujours à l'hôtel avec eux. Je les aidais dès que je le pouvais.
J'avais un équilibre et je souriais.

A mes 25 ans, Yvonne m'a demandé d'écrire à mon père et à ma soeur.
Cela faisait presque 10 ans que j'étais partie et qu'ils n'avaient plus eu de nouvelles de moi.
Je n'étais pas sur les réseaux sociaux, enfin  pas sous ma vraie identité.
Je ne sais pas si ils savaient où je vivais.
Je ne sais pas si ils se souvenaient de moi.
Où s'ils voulaient de mes nouvelles mais Yvonne et Remy m'ont convaincu.

_ Président, Cynthia

Ca fait un bail maintenant.
Je ne sais pas si vous vous souvenez de moi.
Si vous m'en voulez ou si vous me cherchez.
Comme vous pouvez le voir sur l'enveloppe, je suis en France.
J'ai trouvé un certain équilibre.
Doucement ma vie avance comme je le souhaite.
Des amis m'ont convaincu de vous écrire, en me disant que vous voudriez sûrement de mes nouvelles depuis le temps.
J'en profite pour te souhaiter un bon anniversaire Cynthia.
1/4 de siècle, déjà.
J'espère que tout va bien pour toi.
Président, j'espère que tu vas bien aussi.

Astrid.

Je poste ma lettre.
Je ne mets pas d'adresse de retour sur le courrier, ni de quoi me contacter.
Je n'en ai pas envie.
J'ai trop peur que le passé me rattrape.

Je reprends ma vie.
Mes études se passent bien. Je suis dans les premières de ma promotion.

Yvonne et Remy sont fiers de moi.
Ils sont mes grands parents de cœur.
Ils n'hésitent pas à m'aider, à me soutenir.
Je reçois l'amour que je n'ai pas eu dans mon autre vie.

Les garçons s'intéressent à moi mais je reste traumatisée par mon passé.
J'ai peur du toucher des gens.
Les cicatrices sur mon corps m'empêchent d'avoir entièrement confiance en moi.

Yvonne me dit que ça viendra le moment venu.
Quand je rencontrerai la bonne personne, je mettrais ma peur dans un coin de ma tête pour vivre ma vie et que cette personne m'aidera.

Je rentre dans mes dernières années de médecine.
C'est long mais je m'accroche.
Je vis toujours à l'hôtel.
C'est mon petit chez-moi.
Je m'y sens bien.
Et puis ça me facilite la vie.
Il y a peu à faire et j'ai donc tout le temps qu'il me faut pour me consacrer à mes études.

Je suis diplômée.
Première de ma promotion !

Je commence à travailler aux urgences.
Ce terrain me plaît.
Il est diversifié et m'oblige à m'affirmer...

Better futureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant