Repentis d'un manipulateur.

Braquage à l'italienne

Un pas devant l'autre, je marche sur cette plage sicilienne, transporté par une inspiration débordante

- Comment tu vas ?

C'est ma première fois dans ce pays qui te ressemble tant. Je me souviens des moments où tu me présentais cette diversité culturelle qui partait des côtes africaines à cette botte européenne. Je devenais amoureux sans en être conscient. En réalité non, le geste décisif fut sûrement ton rejet car ça m'a effectivement blessé.
Un soir classique au fond de ma chambre chacun au bout du fil.

- T'en souviens-tu ?

Soirée fortement orageuse ! Voilà le début d'une ère bien difficile. Que cela pouvait être triste et drôle à la fois. Blessés dans nos orgueils respectifs qu'est-ce qu'on en a fait des conneries. Éveillé, je vois ces moments comme une expérience que je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi. Rejeter parce que je témoigne amour et fidélité à grande dose, absurde ! Détrôné par un homme insultant et irrespectueux...

- Quelle ironie n'est ce pas ?

Je me suis souvent couvert d'une carapace protectrice mais j'écris ces lignes aujourd'hui nu, léger comme une plume, habillé d'un sourire qui escorte l'horizon de cette plage délicieuse. L' âme meurtrie de ses différents coups, un esprit fort partagé entre vengeance et pardon en est né. Fort, pas tout à fait. Plutôt un esprit conçu pour me préserver des conséquences de certaines souffrances quitte à utiliser celle des autres. D'égal à égal, les sentiments de fierté qui nous rapprochaient se sont transformés en une attirance mutuelle. Nous nous sommes aimés à travers nos coups bas et nos vacheries.
C'est dommage, parti d'une intention pure avec la seule envie de t'élever au rang de dame ultime, j'étais prêt à donner le reste de ma vie à la personne qui régnerait sur mon trône. Vierge de quelconque monstruosité, le coeur à découvert, j'ai vu mon illusion de la vie tomber face contre sol. Tomber de très haut, comparable à une colombe, cette période a signé le début de ma descente dans le plus sombre des enfers. Perdu dans mes propres gestes, dans mes propres pensées, je faisais face à une décomposition de la personne que j'étais. Gagné par la tristesse qui s'accentuait de jour en jour, je passais mon temps à résoudre l'équation qui nous liait. Pourquoi méritais-je un tel châtiment ? Une question dépourvut de réponse qui m'a néanmoins plongé a bien des reprises dans les fonds les plus reculés de mon esprit. Est-ce le tort que j'ai causé à d'autres qui se retournent contre moi ? Tes paroles, aussi aiguisées furent-elles, m'ont coupé la voix a bien des reprises. Je te regardais, les yeux blancs, sans savoir quoi rétorquer. Fragilisé dans mon for intérieur je me suis retrouvé brisé. Quelle honte ! Un homme brisé. Mon estime de soi en est sortie mutilée, faible devant le monde avec la crainte constante d'être blessée à nouveau.
Au fur et à mesure, est apparu cette carapace. Le coeur - consumé par cette incompréhension transformée en haine - a fini par durcir. Plomb dans la poitrine, mes yeux ont appris à témoigner aucune empathie. Le monde m'avait bien giflé mais il n'était pas question que je lui retende la joue. Marquée au fer rouge, cette expérience a décoloré l'espoir que j'avais en cette union. Tout droit sorti des cendres de mon prédécesseur, un regard aussi confiant que glacé prenait place au milieu de mon visage. Armé de cet arc et de mots en cristal, les émotions se faisaient rares. Les yeux levés vers les cieux j'apercevais parfois une vulgaire image de cette tragédie par laquelle j'étais passée. Conquête après conquête, je tenais dans le creux de ma main le secret d'une recette incontournable. Habile illusionniste, spectateur au dernier rang de mon propre spectacle, j'étais aux premières loges de la naissance d'un monstre.

Mais tu es partie bien avant...
[To be continued]