La quête de l'Alchimiste : Origine

Prologue

« Vous l'avez retrouvé ? Demanda la femme aux cheveux couleur argent liquide.

-Non, votre majesté. Votre fille a réussi à fuir mais nous... »

Le coup partit avant que le jeune soldat n'ait achevé sa phrase. Il s'effondra au sol en crachant une dent. La reine lui piétina le visage de sa chaussure avant de retourner s'asseoir sur le trône et de braquer son regard froid sur son conseiller, qui n'avait pas esquissé un geste depuis qu'il était arrivé dans la grande salle du trône brillante. La lumière du soleil passant par les baies ouvertes reflétait sur les murs incrustaient de diamants. L'estrade sur lequel était installé l'imposant trône en onyx surplombait la salle, rendant la reine supérieure. Le conseiller se racla la gorge et jeta un rapide coup d'oeil au malheureux à terre.

« Altesse, vous défouler sur les soldats ne fera pas avancer les choses. Diniak a fui mais elle a laissé sa fille derrière elle. »

La reine, confortablement installée, haussa un sourcil interrogateur vers l'homme aux longs cheveux roux, ébouriffé comme la crinière d'un lion. Les multiples cicatrices présentes sur son visage bronzé montraient qu'il était un guerrier avant d'être politicien. Ses yeux jaunes fixaient obstinément un point invisible au-dessus de la tête de la reine. Malgré son gabarit impressionnant, il craignait la petite femme qui dégageait une force incontestable. Il n'était d'ailleurs pas le seul.

« Nous avions encerclé Diniak, elle allait être capturée ou tuée à tout moment. J'ignore si c'est la folie ou l'excès de confiance en soi mais elle a fait une dernière fois appelle à la bénédiction alors qu'elle avait déjà usé de ce pouvoir quatre fois avant. Une chose est sûr, ce regain d'énergie a pris au dépourvu la dizaine de vétérans que j'avais choisi pour mettre à exécution le piège et votre fille en a profité pour les massacrer et s'enfuir. Quand la deuxième escouade est arrivée, elle n'a trouvé que cadavres et sang. Elle allait se mettre en chasse mais le gazouillement d'un bébé a attiré l'attention de votre seconde fille, Azeli. Le temps de comprendre la situation, l'odeur de Diniak avait disparu.

-Où est l'enfant ? Demanda la reine sans grand intérêt, trop occupée qu'elle était à observer le jeune soldat se tortiller au sol.

-Avec sa majesté Azeli, altesse. »

Yvela releva la tête vers Arbel qui se crispa. L'homme avait beau mesurer plus de deux mètres et être capable de broyer un crâne d'une main, il se sentait aussi insignifiant qu'un nouveau né face au regard pénétrant et froid de celle qui portait la couronne depuis plus de deux mille ans. L'aura qui se dégageait d'elle compensait sa petite taille et sa fine silhouette. Fragile aux premiers abords, extrêmement dangereuse quand on avait le malheur d'être la cible de ses yeux froids. Arbel se passa une main dans les cheveux pour se donner une contenance.

« Par le Père tout puissant, pourquoi mon idiote de fille a l'enfant avec elle ?

-Sa condition de femme enceinte la rend peut être plus sensible à la vie de l'enfant. »

Le guerrier regretta aussitôt ses paroles. Il n'avait, malheureusement, pas compris que la question de la reine était rhétorique.

« Inutile de me rappeler la condition de ma fille, Arbel. Rend toi plutôt utile en me la ramenant. Avec l'enfant.

-Oui, votre altesse, repondit le conseiller en s'inclinant bien bas. »

Il se précipitait dans les couloirs richement décorés de pierres précieuses et de tableaux représentants les monarques précédents quand Erlin, le fils aîné de la fratrie, entra dans la salle du trône. Pour saluer la reine, il s'inclina en porta deux doigts à son front puis à son cœur.

« Mère, quelles sont les nouvelles concernant ma sœur ? Demanda l'homme aux courts cheveux argentés, caractéristique de la famille royale.

-Il semblerait que ta vision soit vraie, mon fils. Diniak a bel et bien eu un enfant de son humain. Nos pisteurs ont perdu sa trace mais elle a abandonné son bébé. Azeli l'a récupéré, cette incapable. »

Erlin se retint de sourire. Malgré la trahison de Diniak, la fille prodigue, la fierté de la famille, Yvela ne semblait pas prête à la dévaloriser comme elle le faisait avec la cadette. Malgré son histoire d'amour avec un humain, la reine continuait de la voir comme étant la seule digne de son intérêt. Arbel revint quelques longues minutes plus tard, accompagné d'une femme vêtue d'une tenue traditionnelle de Katree, à savoir des bouts de tissus rouges et noirs assemblaient pour mettre en valeurs les muscles, la poitrine et les fesses. L'ainée était une guerrière, ayant appris à se battre en même temps qu'elle faisait ses premiers pas, née pour faire couler le sang et ayant des aptitudes exceptionnelles pour la magie raash. La cadette se spécialisait dans l'essayage de robes et l'organisation d'événements mondains.

Les linges qu'elle tenait dans les bras attestaient de la présence d'un nourrisson, cependant, les narines de la reine frémirent alors qu'elle captait l'odeur étrangère. Yvela se leva de son trône, écarta sans ménagement le jeune soldat qui venait tout juste de se relever en s'aidant des marches de l'estrade, et s'approcha d'un pas déterminé de la princesse qui se retenait de balancer son fardeau au visage de sa mère et de partir en courant.

« Mère, commença Azeli une fois qu'elle eut saluer comme son frère plus tôt , vous m'avez fait venir ?

-Montre moi l'enfant. »

Le ton de la reine était sans réplique et Azeli n'hésita pas une seconde, tendant les bras pour exposer l'enfant. Yvela retira le drap qui cachait la tête du bébé, dévoilant une fille aux grands yeux oranges. Le longues boucles argentés encadrées son visage rond et pâle. Elle poussa un petit cri quand une brise froide passa sous les linges. Elle semblait vive et en bonne santé. En trop bonne santé pour une sang-mêlée.

« Tue-la, ordonna la reine après avoir longuement examiné l'enfant.

-Quoi ? S'exclama la princesse. Mais c'est la fille de ma sœur ! Mère, c'est votre petite fille. Si elle a hérité des talents de Diniak, cette enfant sera... »

La claque qu'elle reçut la fit taire. La reine poussa un grognement bestial à l'encontre de sa fille avant de saisir par le cou le nourrisson. Ce dernier ne cria pas, se contentant de fixer la reine de ses yeux innocents. Malgré la menace, le bébé ne bougea pas. Elle n'était pas effrayée, elle avait les cheveux typique de la famille. La reine songea un instant que si on oubliait son géniteur, elle semblait avoir tous les attributs d'un raash. Mais, l'instinct ayant plus de force que la raison  chez ces êtres guerriers, Yvela resserra sa prise. Et alors qu'elle allait briser sa fragile nuque, Erlin se pencha à l'oreille de sa mère pour lui chuchoter quelque chose.

Malgré leur ouïe hyper développée, Arbel et Azeli ne purent saisir les propos du prince. Mais le sourire qui se dessina sur les fines lèvres de la reine ne les rassura guère. Elle reposa sans ménagement le bébé dans les bras de la princesse qui manqua le faire tomber.

« Très bien. L'enfant vivra jusqu'à ses six ans. J'aviserais après. »

Sur ces mots, Yvela Raïni, reine des Raash, congédia ses sujets.