Prologue

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Avant j'aimais bien les miroirs. Je regardais à travers en étant à côté, jamais en face,pour que mon reflet n'apparaîsse pas.
J'avais l'impression d'être invisible.
Ou d'être ce morceau de mur blanc, auquel je ne fais jamais attention mais qui prend de l'importance, maintenant dans le cadre émaillé du miroir.

Et puis un jour, je me suis regardée en face et j'étais toujours invisible, toujours de travers.
J'étais moins intéressante que le mur et je le cachais.
Alors j'ai frappé le miroir, le poing fermé.
Fort.
Ça a fait un impact, quelques éclats de verre sont tombés au sol et une grande fêlure a zébré mon reflet.
Je ne me suis plus jamais vue en entier.
Mon image était brisée; comme cette pièce cassée en moi qui a toujours empêché tous les engrenages de fonctionner.

La trace de mon poing formait un creux, comme si une météorite était tombée là où aurait dû être mon visage.
C'est ce jour là, avec les éclats de verre brisé, que je me suis coupée les cheveux.
Aucune mèche n'a la même longueur et je me suis entaillée les paumes, mais j'avais enfin l'impression d'être maître de quelque chose.

Quelques semaines plus tard, j'ai été triste.
Vraiment triste.
Une tristesse douloureuse, noire comme un orage sans éclairs.
Je pleurais mais le monde était toujours trop net, trop moche.
Pour la première fois, j'ai fais coulé un peu de ma vie sur mes avant-bras.
Et mes veines bleues ont pleuré rouge.
C'était tellement plus joli, du bleu qui pleure du rouge, que mes yeux bruns qui pleurent de l'eau.
Le lendemain, mes parents avaient fini tous les détails administratifs; je suis arrivée au refuge.
Les murs gris, ma fenêtre, mon banc.

Aucun miroir.
Et puis de toute façon, plus beaucoup de morceaux de moi à regarder.

~Imogen

Maëlle et ImogenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant