Chapitre Un

31 7 8
                                    

Je suis sur mon banc.
Ça pourrait situer un instant précis, comme si j'y allais spécialement les jeudis pendant les annés bissextiles, mais non.
Dans mon cas, c'est plutôt une vérité générale.
Ça pourrait être mon statut Facebook.
Si j'avais Facebook.
C'est l'histoire de ma vie.
Vie dans laquelle il ne se passe jamais rien.
Des murs gris, une fenêtre, et dehors, mon banc.
Mais aujourd'hui, je suis à peine assise que je la vois.
Une fille.
Que je n'ai jamais vue.
Même de dos, je perçois qu'elle a cette plaie au fond de la poitrine, qu'on a presque tous ici.
Pourtant elle m'intrigue.
Elle marche d'une façon étrange, comme si le vent et la mer la portaient mais qu'elle avait marché sur terre toute sa vie.
Elle ressemble à un oiseau; mais je ne sais pas vraiment pourquoi.
Elle se retourne, et son visage est aussi intéressant que sa démarche.
Elle a les yeux gris couleur brume de septembre ou buée sur une vitre de voiture.
Elle a trois tâches de rousseur.
Sous l'œil gauche, qui ressemblent à des larmes.
Trois bonnes raisons d'aller lui parler.

Mais je ne saurais pas quoi lui dire. Alors j'attends. Je ne sais pas trop quoi, mais j'attends.
Que le mystère de cette apparition se résolve tout seul peut-être ?
Mais elle continue de marcher.
Comme je ne sais plus du tout quoi faire et que j'ai peur d'aller la voir,je sors mon cutter de ma poche.
Ici c'est interdit alors je me sens un peu comme une hors la loi.
Et je grave sur le bois usé du banc:
"Pourquoi seulement 3 tâches de rousseur?" "Un oiseau qui marche".
J'admire mon travail, c'est lisible.
Je me lève et retourne dans ma chambre, retrouver mon carnet.
Je finis la journée en le remplissant des histoires d'un oiseau prenant apparence humaine.

                           *******

Elle s'appelle Maëlle. Les pions l'ont appelée à la cantine, parcequ'elle buvait sans les mains, en tenant son verre entre ses dents. Elle avait l'air fière d'elle.
J'ai essayé de me faire remarquer, moi aussi au début; je la comprends. Je l'ai applaudie et elle m'a fait un clin d'œil pendant qu'elle passait à côté de ma table.
Comme si on se connaissait.  C'était spontané, chose rare ici, et agréable.
J'essaierai de me mettre à sa table, demain. De toute façon, elle mange seule et moi aussi.
En tout cas, maintenant, j'ai son prénom.
Maëlle.
C'est joli, ça lui va bien, ça ressemble au nom d'un oiseau qui survole les océans.
Mais dans mon carnet, je remplace les trémas par trois points.
Ses tâches de rousseurs dessinées sur son prénom.

J'ai envie de poser mes doigts dessus.
Elle me laisserait faire, si on était amies?

~Imogen

Maëlle et ImogenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant