Mando

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Le manoir "Twisted" était une grande bâtisse, constituée de plusieurs tours et d'un grand donjon, du style gréco-romain.
Les gargouilles gothiques faisaient revivre les plus grands mythes, leur aspect terrifiant étant censés éloigné les ennemis d'un autre temps. Les murs de la demeure, malgré le lierre qui les recouvrait, était bien entretenus.
De larges fenêtres permettaient d'entrevoir des pièces spacieuses enduites de tapisseries. Les toits en chapiteaux, faisaient office de champs, aux grandes cheminées en granit qui poussaient là, s'élevant vers le ciel, fièrement dressées. Tout cet ensemble reposait dans un large parc, vaste étendue d'herbe verte qui arborait de splendides conifères et feuillus, répondant aux normes de la mode des jardins à l'anglaise. Des parterres de fleurs, un fouillis coloré et irrégulier, tranché par des haies et séparation, donnait l'impression à la personne qui rentrait dans la propriété d'être dans une jungle élégante.
La grande allée centrale, pavée, bordée de bosquets traversait le ''jardin'' jusqu'à la grande porte du manoir. Mando s'avança, marchant d'un bon pas, se remémorant de vieux souvenirs, le lieu lui en ressassant tant. Arrivée à la grande porte en chêne, elle souleva le heurtoir orné d'arabesques et le pressa plusieurs fois contre le bois mort.
La porte s'ouvrit sur une femme âgée, aux cheveux brun tirant sur le blanc. Ses lèvres pincés et ses yeux reflétaient un mépris certain.
- Bonjour ma chère, grinça t-elle
- Bonjour ma tante, tout le plaisir est pour moi.

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Mando et sa tante se faisaient à présent face autour d'une petite table basse en verre. La vieille dame porta sa tasse de thé à sa bouche et y trempa les lèvres. Puis elle la reposa délicatement dans sa soucoupe, troublant ainsi le silence pesant d'un bruit de porcelaine.
Mando gigotait sur son fauteuil en velours, elle n'osait pas interrompre sa tante. Elle porta son regard sur les lourdes tentures faites à la main qui décoraient les murs. Elles étaient très anciennes et très coûteuses. Tout dans l'immense manoir était cher. Il faut dire que tante Glenda était très riche. Et très radine. Bien peu pouvaient se vanter d'avoir réussi à lui extorquer de l'argent, elle le protégeait avec zèle et ardeur.
Mando avala sa salive difficilement et regarda sa tante. Celle ci était en train de rajuster son tailleur gris de haute couture.
Baissant les yeux sur son jean et son pull simple, Mando se sentit un peu coupable, mais elle prit son courage à deux mains et demanda :
- Ma tante, je ne vais pas y aller par quatre chemins ni tourner autour du pot. Voilà... Manda, une très chère amie à moi , a disparue et j'ai besoin d'argent pour continuer les recherches, plus précisément pour payer le détective s'occupant de l'affaire et...
- Assez !
La tonalité avait résonné avec force dans le salon. Le ton sec montrait (ô) combien la maîtresse des lieux était en colère.
- Une grande majorité des gens qui m'approche veulent voir la couleur de mon argent, ce sont des hypocrites et tu n'es pas différente d'eux, reprit-elle d'une voix glaciale. Tu n'auras pas un centime de ma part, ni maintenant ni jamais ! J'aurai dû me douter que tu n'étais venue que pour me soutirer quelque chose, petite ingrate. Tu me déçois tellement, tu m'a toujours déçu. Maintenant, sors  immédiatement de ma propriété !
Mando, qui avait courbé l'échine sous de tels reproches, redressa la tête. Elle affronta sans sourciller le regard hautain et froid de tante Glenda, puis sans rien dire, elle se leva et quitta le manoir.

Tandis qu'elle traversait le parc à toute allure et qu'elle arrivait au portail, un son déchira le silence :
- Mando !
La jeune fille se retourna, elle écarquilla les yeux en rencontrant son Oncle, Gustave.
Ce dernier était essoufflé, une barbe naissante de cinq jours s'étalait sur son visage rougeaud. Il avait un nez droit, des yeux olives reflétant une grande sagesse et de courts cheveux crépus.
Heureuse, elle lui sauta dans les bras :
- Mon oncle, comme vous m'avez manqué !
Le vieil homme, mal à l'aise, lui tapota maladroitement le dos.
- Mais moi de même, ma grande
Se séparant, ils marchèrent jusqu'à un petit banc, en fer qui reposait sous un haut saule pleureur, où ils s'assirent.
- Je suis sincèrement désolé de la réaction de Glenda, tu la connais...quand on lui parle d'argent..., commença t-il
- Je le sais bien, mais j'espérai qu'elle ferait preuve de sympathie pour mon amie, elle n'a même pas daigner m'écouter ! , se désola Mando.
-Hem...
Son oncle s'agita, son regard fuyant le sien.
- J'aimerais beaucoup t'aider en te donnant tout ce dont tu as besoin....mais ta tante ne me laisserai pas faire, je peux juste te proposer d'essayer de la convaincre.
Il lui fit un sourire contrit.
- Merci mon oncle, mais je vais me débrouiller seule , vous n'arriverez jamais à persuader votre revêche de femme , rigola t-elle
- Ne dis pas cela , je peux tout de même essayé, affirma t-il désespéré
- Si vous voulez mais depuis l'accident...., elle souffla.
Son oncle fronça les sourcils et s'insurgea :
- Ah ! Malheur, ne parlez pas de ça !! Ça ne nous as apporté que des ennuis !!
- C'est vrai...

Elle remercia et salua Gustave puis quitta la propriété par le majestueux portail.
Malheureuse, elle repensa a cet entretien qui n'avait servi à rien, de plus son oncle était gentil mais trop lâche, il n'osait pas s'imposer face à sa tante, toute sa vie il sera resté sous son contrôle.
Elle souffla puis en apercevant l'heure sur l'écran de sa montre, s'affola.
Mince ! Je vais être en retard à mon rendez-vous...
Et elle s'élança en courant vers le prochain arrêt de bus.

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C'est à partir de là que les ennuis commencèrent. Tout d'abord, elle frauda dans le bus, n'ayant pas sa carte. Comble du malheur, c'est précisément dans ce bus que les contrôleurs décidèrent de rendre une petite visite. Elle joua sans grand peine les jeunes femmes éplorées pour attendrir le contrôleur. For heureusement il n'eut pas de mal à se faire convaincre et elle pu échapper à l'amende. Ensuite, elle se rendit à son rendez-vous avec une bonne demi-heure de retard. Elle arriva à la terrasse du café "Chez Bruno" et chercha du regard un très vieil homme plein de petites rides, au cheveux blanc et aux yeux pétillants.
Il attendait seul, devant une tasse de café serré.
- Grand-père ! Comme je suis heureuse de te voir, s'exclama Mando en lui déposant un bisou sur la joue.
C'était ses grands-parents qui s'étaient occupés d'elle durant l'année suivant  la mort de ses parents. Elle avait alors 17 ans et s'était effondrée en apprenant le décès de son père et de sa mère dans un crash d'avion. Sans jamais se l'avouer vraiment, elle s'était toujours sentie coupable. C'était à cause d'elle qu'ils avaient voulus rentrer précipitamment en Angleterre de leur voyage de noce. Mando était logée chez ses grands parents le temps pour ses parents de faire leur voyage de noce à Venise. Mais, au bout de quelques jours, l'adolescente qu'elle était avait été prise d'une forte fièvre et elle était tombée gravement malade. Fous d'inquiétude, ses parents avaient sauté dans le 1er avion dans le but de rejoindre le chevet de leur fille souffrante. Malheureusement, l'avion s'était crashé dans des circonstances inconnues et il n'y eu aucuns survivants.
En apprenant la mort de sa sœur, Tante Glenda avait nourrie une haine sans nom à l'égard de sa nièce. Il faut savoir qu'elle adorait sa sœur, et lors du choc de son décès, la femme souriante et avenante s'était transformée en une créature aigrie et sans pitié, renfermée sur elle même.
Les grands-parents de Mando avaient alors prit leur petite fille sous leurs ailes jusqu'à ce qu'elle décide de partir vivre de façon indépendante, un an plus tard.
Mando leur avait toujours été très reconnaissante, et elle avait beaucoup pleuré lors de la mort de sa grand mère, il y a 2 ans.
- Mando, mon ange. Comment vas-tu ?
La voix fatiguée la reconnecta au monde et elle s'apperçut qu'elle avait les larmes aux yeux. Mando se força à sourire et appela le serveur pour se commander un café, le temps de discuter un peu avec son grand père.
Puis, comme sa journée avait mal commencé et devait mal se terminer, en rentrant à son appartement elle tomba devant tout le monde en trébuchant contre un trottoir. Épuisée et meurtrie, elle se glissa dans son bain.

MANDAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant