Chapitre 6 : Le spectacle (1/2)

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Athalie me réveilla le lendemain matin en frappant trois coups à ma porte.

— Debout le loup-garou, on a du travail qui nous attend. Viens prendre ton petit-déjeuner pour être en forme.

Je n'avais jamais vu Athalie aussi joyeuse. Elle qui était souvent acerbe ou incisive semblait cette fois pleine d'une impatience grandissante. Je lui répondis que je n'allais pas tarder à arriver et me relevai dans mon lit. Égrégore se jeta sur moi et me couvrit de léchouilles affectueuses. Je la repoussai d'un léger coup de coude en prenant ma jambe de bois de façon machinale. Lorsque mes doigts sentirent les poils rugueux de ma nouvelle prothèse, je me remémorai ce qui s'était passé la veille. J'emboîtai la patte de loup au mécanisme fixé à ma cuisse. Je me levai et me dirigeai vers la salle de bain pour mieux observer mon visage dans un miroir. Mes cheveux noirs avaient poussé de manière désordonnée. Je m'empressai de recoller les postiches de ma crinière autour de ma mâchoire. Les poils de loup redescendaient en larges touffes le long de mes joues jusqu'à la base de mon menton. Deux pointes striaient mes pommettes, juste en dessous de mes yeux. Mon visage semblait si différent que je n'eus aucun mal à comprendre pourquoi le commissaire Gravesend ne m'avait pas reconnu.

Contre le lavabo se trouvaient deux pots en verre. Dans le premier flottaient mes lentilles que je plaçai sur mes yeux d'un geste délicat. Dans le second flacon se trouvaient mes nouvelles canines pointues que j'appliquai par-dessus mes dents. Je pris le temps de me regarder et découvris qu'en effet, j'avais tout de la fusion entre un homme et un loup. Je m'amusai quelques instants à grogner contre la glace en relevant les dents, pour prendre un air plus sauvage. Cette apparence me plaisait. Je me pris au jeu de l'homme-bête et sentis une nouvelle confiance résonner en moi. Au fond de la pièce, encore installée sur le lit, Égrégore me regardait, la tête pivotant d'un côté et de l'autre, se demandant ce que j'étais devenu. Je l'invitai à me rejoindre et quittai ma cabine pour une promenade matinale de courte durée. Je ne voulais pas rester longtemps en dehors du vaisseau, Gravesend était toujours dans les parages. J'eu juste le temps de laisser Egrégore se dégourdir les jambes pendant que j'observai une file de roulottes et de charettes alignées devant les portes de la ville. Lorsque je vis que Gravesend les inspectait une à une avant de le laisser entrer dans la cité, je récupérai ma chienne et remontai les escaliers du Cyrus avant de rejoindre les autres au salon. Tout le monde déjeunait encore et je profitai de faire le tour de la large table pour observer le mur où se situait l'entrée cachée qui menait à la salle des machines. Le mur était exempt de tout défaut et je me demandai un instant si d'autres passages secrets existaient à bord du vaisseau. Je m'assis à table, à côté de Matthew. Je ne m'étais pas encore habitué à ses nouveaux cheveux blonds, ses lentilles vertes et l'encre qui parcouraient son corps. Il portait un débardeur blanc laissant apparaître ses bras nus couverts de dessins vivants qui m'hypnotisaient. Sur son épaule étaient dessinées trois colonnes surplombées de bougies dont les flammes dansaient au gré d'un vent invisible. Finalement, deux yeux apparurent sur son épaule et m'auscultèrent. Je sursautai et Matthew se tourna vers moi en se moquant.

— Impressionnant, hein ? me dit-il. Je me suis amusé toute la nuit à peindre mon corps.

— C'est... complètement fou, murmurai-je.

— Je n'ai jamais vu ça de ma vie, mais j'avoue que je suis bluffée, lança Abélia en reposant sa tasse sur la table. Mes tatouages à moi ne bougent pas, je suis jalouse.

— Oui, mais Matthew ne sait ni dresser des serpents ni avaler des épées, plaisanta Perrick en se servant un peu de thé. En tout cas, cette fois-ci le professeur a fait un miracle. Si avec ça on ne fait pas un maximum d'entrée ce soir, alors on peut arrêter la troupe !

L'ombre mécaniqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant