Chapitre 5 : Gravesend (3/3)

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Matthew se retourna vers moi d'un bond, comme moi, il avait reconnu la voix. Il s'agissait du commissaire Gravesend. Mon sang ne fit qu'un tour et la peur m'envahit. Le commissaire, accompagné de plusieurs de ses hommes étaient à notre recherche. Je ne savais par quel miracle il avait pu arriver à Myrthe avant nous, mais il était clair maintenant qu'il nous avait attendus et qu'il était convaincu que nous étions cachés dans le Cyrus. Je ne pouvais que souligner sa perspicacité. Il avait raison, mais se trompait sur l'identité de l'assassin de Jubilée. Matthew comme moi savions qu'il n'abandonnerait pas avant d'avoir mis la main sur nous. Sa réflexion l'avait poussé à prendre connaissance du passage du Cyrus la veille, non loin des marécages où nous nous étions aventurés. Il ne lui en avait pas fallu plus pour déduire que nous étions montés à bord du vaisseau dans le but de nous enfuir. Je regardai Matthew d'un œil désespéré. La police de Wisperlow allait fouiller ce bateau et il ne leur faudrait que peu de temps pour qu'ils nous retrouvent. Mon ami semblait aussi perdu que moi, estomaqué de voir que le commissaire avait pu suivre notre trace.

Lisbeth et Mélisandre nous sauvèrent. Comme Abélia, elles avaient compris ce qui était en train de se tramer et cherchaient une solution pour nous sortir de ce mauvais pas. Nous n'avions que quelques secondes avant que Gravesend et ses hommes ne rentrent dans le salon. Lisbeth regarda dans notre direction avec un œil amusé et se leva pendant que la tête de

Mélisandre gardait un œil sur la porte qui menait au couloir. Elles se dirigèrent vers la petite bibliothèque à côté de la cheminée et tirèrent un livre à la couverture rouge. Une porte dérobée s'entrouvrit au milieu du mur de bois sous mon regard médusé. Je ne l'avais jamais vu tant elle était discrète. C'était un passage secret. Matthew se leva et me donna un coup de coude, me forçant à bouger. Nous nous jetâmes à l'intérieur avant que la porte ne se referme derrière nous.

Au même instant, la porte du salon s'ouvrit. J'eus à peine le temps de voir le visage d'Athalie avant que nous ne soyons plongés dans le noir. Je crus me retrouver dans un cagibi, tant la pièce était étroite. Matthew et moi étions collés l'un à l'autre.

— Ne faites pas ceux qui ne sont au courant de rien, résonna la voix du commissaire Gravesend à l'intérieur du salon. Nous savons que vous cachez des clandestins dans ce bateau. Je mettrais ma main à couper que ce sont les fugitifs que nous recherchons. Vous savez qu'ils ne risquent de vous apporter que des ennuis, n'est-ce pas ? Alors, pourquoi ne pas les livrer à la justice et vous libérer de ce fardeau ?

— Messieurs, répondit Creighton de sa voix la plus aimable, je vous trouve bien rudes. Je n'imaginai pas la justice être aussi impitoyable. Si nous avions des clandestins à bords, comme vous le dîtes, vous imaginez bien que nous vous en aurions déjà parlé. Or, ce n'est pas le cas et vous n'avez aucune juridiction pour perquisitionner mon bateau.

— J'ai toute la juridiction qu'il faut, croyez-moi. Si vous ne voulez pas coopérer, je vous fais coffrer pour obstruction. Si c'est ce que vous désirez, il n'y a pas de problème, mais vous allez le regretter, je peux vous le garantir. Une cellule est bien moins confortable et luxueuse que votre rafiot.

En tâtonnant à l'aveugle autour de moi, je sentis les barreaux glacés et couverts de poussière d'une échelle. Au-dessus de nous, un ronronnement étrange se faisait entendre. Sans un bruit, je pris la main de Matthew pour le guider vers l'échelle. Il monta les barreaux sans faire de bruit. Je le suivis, en posant seulement ma jambe valide sur les barres de métal, de peur que ma jambe de bois ne glisse et ne fasse du bruit. Tout en haut, Matthew souleva une trappe et un bruit assourdissant nous envahit les oreilles. Je me dépêchai de grimper en m'aidant de mes bras et Matthew referma la trappe derrière moi, évitant que ce son ne provienne aux oreilles de Gravesend. Nous nous retrouvâmes au sein d'une pièce très basse de plafond où un peu de lumière nous permit d'entrevoir des rouages et des pistons. Nous ne pouvions nous mettre debout et fûmes obligés d'avancer le dos voûté. Je me demandai à quoi pouvais bien servir tous ces engrenages.

L'ombre mécaniqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant