Chapitre 7 : Le nécronographe (1/2)

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De manière étonnante, j'avais passé une bonne nuit. Si bien que mon sommeil avait été sans rêves ni cauchemars. Je passai prendre un petit déjeuner au salon et pris le temps de discuter un peu avec Athalie et Kuroko. Matthew n'était pas encore levé, lui qui, de par son métier de policier, possédait une rigueur et une droiture sans faille. Sa formation militaire lui avait inculqué des valeurs que je ne possédais pas. Ainsi, pour la première fois depuis des années, Matthew dormait encore alors que le soleil était levé depuis longtemps. Athalie et Kuroko me reparlèrent de l'échauffourée avec les membres du gang qui étaient venus se battre hier et je soupçonnai Matthew de vouloir profiter de la matinée pour se remettre de ses émotions. Après avoir englouti de quoi remplir mon estomac, je me rendis à sa cabine et frappai trois coups. Je l'entendis bouger dans ses draps et se lever. Lorsque la porte s'ouvrit, il apparut, les yeux embués, le regard vague et l'air hagard. Il était torse nu et sur son corps musculeux roulait une encre noire qui se dispersait et se rassemblait comme une fumée liquide.

— Qu'est-ce que tu veux ? demanda-t-il en se frottant les yeux.

Je me contentai de lui tendre une pâtisserie encore chaude que Lisbeth et Mélisandre avaient préparée. Après un long bâillement, je vis les yeux de Matthew s'ouvrir un peu plus. Tout à coup, il me sembla quitter sa léthargie et me vola le gâteau des mains.

— Ch'ai compris, dit-il en mâchant avec beaucoup de plaisir.

— Je te laisse émerger. Rejoins-moi ensuite, il faudrait nettoyer les canons de Winston. Je quittai mon ami et me rendis sur le pont. La matinée était belle et un petit vent glissa dans mes cheveux avant de s'évanouir à l'orée des arbres. La forêt bruissa, comme si elle appréciait autant que moi ce petit air rafraîchissant. Le soleil nous fit l'honneur de briller de toute sa force sans qu'aucun nuage ne vienne perturber son rayonnement divin. Sur le bois qui recouvrait le pont, ma patte de loup claquait en un rythme régulier alors que je le traversai.

Creighton se trouvait là, penché en avant. Il semblait lui aussi savourer le soleil et l'air frais, perdu dans ses pensées et ne cessait de tourner autour de ses doigts le pendentif à la pierre orange qui pendait autour de son cou. La pierre roulait dans sa main gantée et l'homme paraissait être perdu en pleine nostalgie. Lorsqu'il entendit le grattement de ma jambe contre le sol, il se retourna d'un bond.

— C'est toujours un plaisir de profiter du vent, confia-t-il en me fixant de ses yeux étranges et en laissant retomber le pendentif. Dommage que tu ne sois pas marin. Je suis sûr que tu aurais apprécié nos petites virées en mer.

— Ces expéditions, celles que vous avez menées avec l'ancien équipage, elles ne vous manquent pas trop ? demandai-je.

Creighton me lança un regard étonné. Il devina bien vite qui était la source de mes connaissances.

— Winston t'as parlé de moi, n'est-ce pas ?

— Non, Athalie, quand elle nous a présenté Tikly. Mais elle n'a pas dit grand-chose.

Simplement que vous étiez très liés à ce vaisseau et qu'avant l'arrivée de Tikly, le Cyrus voguait sur les eaux.

— Ah... c'est une vie qui me paraît bien lointaine maintenant, soupira-t-il, l'air triste.

J'aimerais reprendre la mer, mais je crois que les eaux me rejetteraient. Parfois, je me dis que la vie de forain ne me déplaît pas trop. Je n'ai pas à me plaindre. Au moins, nous n'avons pas la peau rongée par le sel et l'eau de mer. Ni à braver les tempêtes, à combattre les démons des océans. Tout ça, j'avoue que ça ne me manque pas. J'ai changé de vie, comme toi maintenant. J'ai perdu beaucoup d'amis pour parvenir où j'en suis aujourd'hui.

L'ombre mécaniqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant