Acte 2, Des yeux couleur émeraude

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Le dimanche, en fin d'après-midi, quelques heures avant de quitter l'internat pour de bon, quelqu'un vint de nouveau frapper à la porte que Carmen partageait avec l'autre danseuse.
Elle alla ouvrir la porte avec appréhension, et fit face à la même petite fille qui lui avait apporté son courrier quelques jours plus tôt.

-Un homme souhaite vous rencontrez, mademoiselle Hannafeloz, lui annonça-t-elle, en lui attrapant la main pour la mener vers le bureau du directeur.

Après l'avoir mené d'un pas pressé jusqu'au bon bâtiment et à la bonne porte, l'enfant lâcha la main de la danseuse et s'en alla, après une rapide inclination en guise de salut. Alors, Carmen toqua à la porte avec appréhension, puis ouvrit celle-ci quand elle entendit une voix étouffée par le bois le lui permettre. Elle pénétra dans la pice, et fut surprise de voir que le directeur de l'opéra était accompagné d'un très bel homme. Ce-dernier avait de sombre cheveux qui tiraient vers le bleu marine rassemblés en une longue tresse adroitement désordonnée. Et quand il posa les yeux sur la jeune femme, celle-ci eut le souffle coupé face à ses yeux qui flamboyaient d'une magnifique couleur émeraude.

-Et voici donc votre fameuse Carmen Hannafeloz, dit l'inconnu. Sa voix était grave, calme et très légèrement rauque, ce qui la rendait d'autant plus délicieuse.

-Mademoiselle Hannafeloz laissez moi vous présentez le comte Bougainvillea, il tenait à vous parler, l'informa le directeur en désignant le jeune homme d'un geste de la main.

-En effet, j'aurai aimé m'entretenir avec vous d'un certain sujet. Pourrions-nous allez en parler autre part, tous les deux. Les jardins ont l'air magnifiques, me les montreriez vous?

-Euh... Oui bien sûr. Suivez-moi, je vous prie, balbutia rapidement la jeune femme, sans vraiment comprendre la situation.

-Je vous remercie.

Alors, elle le mena jusqu'au dans les grands jardins, adjacents à l'internat. Aucun des deux ne prononça le moindre mot tandis qu'ils arpentaient les allées.
Bien que la neige ai cessé de tomber, un épais voile blanc persistait sur le sol et les arbres. Le froid fit frissonner la jeune femme à travers son fin manteau, tandis que des voluptés de vapeur s'échappaient des lèvres des deux jeunes gens.

-Je sais que ma demande pourrais quelque peu vous surprendre et vous paraître soudaine, mais j'aurai une proposition à vous faire, dit l'homme, en rompant le silence. Et j'ai pensé qu'il serait plus sage de rester loin des oreilles indiscrètes, d'où notre présence ici malgré le froid.

-Je vous écoute, déclara Carmen avec apprehension.

-J'ai appris pour le décès de votre ami, et je tenais à présenter toutes mes condoléances. Mais je vais être honnête avec vous, cette situation m'arrange.

La danseuse entrouvrit la bouche, surprise par ses paroles. Mais elle ne trouva rien à dire.

-C'est peut-être horrible de ma part de dire ça, mais sa mort m'offre une opportunité.

Puis, voyant l'air d'incompréhension que Carmen affichait, il ajouta:

-Je vais me monter bref, vous ne possédez plus rien et moi je peux vous offrir la possibilité de continuer à danser, mais dans une école londonienne.

-Mais... Je...

-Je comprends parfaitement que vous ayez des questions, l'interrompit-il. Et ce serait avec plaisir que j'y répondrai.

-Et bien, pour commencer, j'aimerais savoir pourquoi vous voulez m'aider? Nous ne nous sommes d'ailleurs jamais vu, avoua-t-elle.

-Vous ne m'avez jamais vu, mais moi si.

-Quand ça?

-Je m'accorde le droit de garder quelques détails pour moi seul. En revanche, je peux vous dire que je vous ai déjà vu danser auparavant, et que je vous ai trouvé très talentueuse. Il n'y a rien d'étonnant à cela, ce n'étais pas pour la même raison que le vicomte de Druite subvenait à vos besoins? À moins que...

-Il ne me demandait pas de coucher avec lui en échange de son aide, le coupa-t-elle fermement. Je suis danseuse, pas prostituée... Et je ne le deviendrai jamais, sachez le.

-Je ne vous demanderai jamais une chose pareille. Mais, vous n'êtes pas si loin, si vous acceptez ma proposition il y aura bien quelque chose que vous devrez faire en échange.

-Et c'est là que j'en arrive à ma deuxième question. Que devrais-je faire?

-Vous montrer avec moi. Être à mon bras lors de reception, ce genre de choses... Mais en privé, je ne vous demanderai rien, pas même de voir mon visage. Et si vous acceptez de faire ça pour moi, je pourrai, sans aucun problème, vous obtenir une place à l'école du Royal Ballet. En réalité, je me suis même déjà arrangé avec le directeur, votre place est même déjà acquise, bien que les auditions soient déjà terminées depuis plusieurs mois.

-À Londres? S'étonna la jeune femme.

-Oui, je n'étais de passage à Paris que pour le travail. Et d'ailleurs je repars demain. C'est pour cela que j'ai besoin de votre réponse maintenant. Soit vous restez à Paris, soit vous repartez avec moi pour Londres. Que choisissez-vous?

-Très bien dans ce cas, j'accepte, répondit Carmen sans la moindre hésitation.

-Vous êtes sûre de vous? Lui demanda-t-il, sans vraiment y croire.

-Pour tout vous dire je n'ai pas le choix. J'ignore si je peux vous faire confiance et j'ai encore beaucoup de mal à croire ce qui m'arrive, mais dans quelques heures je devrais quitter cet endroit, sans même savoir où dormir. Alors, je n'ai pas le moindre doute vis à vis de ma décision.

-Si vous saviez à quel point je vous en suis reconnaissant, vous m'enlevez une vraie épine du pied.

Puis après avoir regardé l'heure sur sa montre à gousset, il conclut:

-J'aurai bien aimé vous donner quelques détails en plus, mais je suis pris par le temps. J'enverrai une voiture vous chercher demain matin pour m'amener au port. Et sur ce, je vous souhaite une bonne fin de journée.

Et tandis qu'il partait, Carmen le regarda s'éloigner jusqu'à ne plus le voir.

Quel drôle de personnage, se dit-elle avec appréhension.

Le protecteur Où les histoires vivent. Découvrez maintenant