Plume [Recueil d'os]

[OS n°1] : Un Jour De Pluie

Tokyo, Japon
2003

Chère maman,

Un jour de pluie, alors que le ciel maussade ternit toute la joie des êtres présente sur cette terre, je décidais de t'écrire. Un jour ordinaire, mais particulier en même temps. Les gouttes tombaient du ciel, comme les larmes sur mon visage. Une par une au départ, puis en groupe, se frayant un chemin parmi les tissus les plus robustes, les vitres de verres ou les feuilles de papier. Puis, la foudre s'abattait, amenant une lumière atroce presque mortelle. Pour moi, c'était la colère qui arriva ensuite.

Les larmes ne coulaient plus. Les poings étaient serrés. J'étais en colère contre la terre entière, personne ne pouvait plus me calmer. La nuit, j'entendais la belle perceuse que tu me chantais et les larmes revenaient comme si elles n'étaient jamais parties finalement. Pendant plus d'un an, la pluie a continuait à régner dans mon cœur. Les jours se ressemblaient, les nuits devenaient épouvantables. Pourtant, tu ne revenais pas. Tu ne répondais plus à mes appels, non, tu avais complètement disparu.

J'ai attendu, pendant des années, de pouvoir te revoir. Te voir à nouveau franchir la porte de notre veille maison familiale, en me déclarant que tout cela n'était qu'une blague, mais tu ne revins jamais. Et la pluie, elle, continua à s'abattre plus violemment, plus longtemps. J'avais peur de m'attacher à quelqu'un d'autre et de le voir partir. De le voir s'en aller sous une montagne de poussière. Alors, j'ai arrêté d'aimer. L'amour n'était qu'une épée qui me tuerait tôt ou tard.

Un jour, où le soleil brillait de mille feux, je n'ai pu retenir ma tristesse. Pourquoi ? C'était le jour de ton anniversaire, le jour où je voyais systématiquement ton sourire s'agrandir quand je t'offrais enfin mon cadeau. Pourtant, je ne pouvais plus le faire depuis plus de cinq ans. Cependant, sans que je ne sache pourquoi j'ai ressenti le besoin de pleurer. Je ne pouvais plus te voir sourire, je ne pouvais plus te voir rigoler face à mes maladresses.

Jour après jour, je t'oubliais. Cependant, sans que je ne sache pourquoi j'ai ressenti le besoin de pleurer. Ton parfum était la première chose qui disparut de mon esprit, puis ce fut ton visage qui devenait flou. Je ne saurais  dire de quelles couleurs étaient tes cheveux à présent. Au fur et à mesure, tout ce que j'avais pu créer avec toi, disparu. Et quelques années plus tard, je ne pouvais guère reconnaître ta voix dans une cassette.

J'aimerais juste pouvoir te dire que je ne t'avais pas oublié, que je te mentais depuis le début. Cependant, je ne pourrais guère faire ça. Je t'ai complètement oublié maman, je m'en voulais et je m'en veux toujours pour ça. J'espère que tu pourras me pardonner, te dire que ce n'est pas parce que je ne me souviens de rien, que je ne t'aime plus. Un jour de pluie, j'ai décidé de partir, de changer de vie. D'oublier tout ce qui pouvait me faire du mal. Mais je n'aurais jamais cru, t'effacer aussi.

En fermant les yeux, en me concentrant bien, je pouvais encore entendre, parfois, cette mélodie que tu fredonnais pour m'endormir. Je pouvais aussi voir, les plantes que tu avais déposé à l'entrée pour pouvoir les sentir n'importe quand. C'était papa qui te les avait offertes, mais à présent, elles n'étaient plus de ce monde car rongé par le chagrin, papa s'en était séparé. Ne lui en veux pas, il n'est plus lui-même depuis ton départ. Personne ne l'est plus depuis ce jour-là.

Je ne sais pas où tu trouves aujourd'hui, ni comment tu te portes. Je devrais peut-être t'en vouloir, te haïr pour avoir brisé le cocon familial que tu avais toi-même créer. Mais je n'arrive pas à ressentir ces sentiments. Je t'ai oublié, je t'ai effacé de ma vie, mais je ne pourrais jamais renier que tu es ma mère. Et c'est peut-être pour ça que je t'écris. Dix ans, que je n'ai plus entendus le son de ta voix, vu ton visage. Et toute cette période noire, commença un jour de pluie lorsque tu décidas de partir.

Je te souhaite une belle vie.

Ta fille.