_ Mais putain !
Taehyung donna un énorme coup dans le sac de litière, quelques grains s'échouant au sol, ne faisant qu'augmenter un peu plus sa frustration et son énervement encore. Il s'appuya sur son plan de travail, la tête basculant vers l'avant tandis que quelques gouttes salées perlaient le long de ses joues. Il se trouvait lamentable, pitoyable : pleurer parce qu'il n'avait pas assez de litière pour Jacks, son chat. Voilà donc à quoi le brun était réduit à présent, pleurer pour un oui et pour un non, il se sentait à bout de nerf, prêt à exploser à tout instant.
Il avait beau essayer de se ressaisir, il n'y parvenait pas, le calme refusant de revenir en sa personne. Taehyung resta dans cette position une bonne dizaine de minutes, inspirant longuement par la suite tandis que ses pensées étaient emplies d'idées noires. Il voulait tout envoyer chier, tout plaquer et se barrer, c'était la seule chose qu'il désirait. Il en avait marre, d'absolument tout et de tout le monde. Il constatait qu'il était arrivé à un point de rupture important, à trop garder et refouler, ça finissait par lui péter en pleine figure. Il se maudissait et se détestait, quand bien même ce n'était en rien sa faute : il n'était qu'humain après tout. Cependant, il se sentait idiot de craquer pour si peu mais c'était le signe qu'il allait basculer dans peu de temps. A force de se convaincre que nous allons bien, que tout était sous contrôle, notre corps et notre esprit venait bien vite nous remettre sur le droit chemin et nous indiquer la réalité.
Les faits étaient là : Taehyung ne contrôlait plus rien, ni ses humeurs ni ses émotions. Il pouvait prendre sur lui, bien sûr, aborder ce masque et faire semblant que tout allait bien. Ouvrir un peu les vannes pour exprimer son ressentis mais sans jamais trop en dire toutefois car il savait qu'il serait incompris. Là était le premier problème : personne ne le comprenait. Il avait beau parler, vouloir se confier, il n'était pas compris. On lui disait simplement « Oh aller, ce n'est qu'une mauvaise passe, ça va aller, je crois en toi » ou encore « Tu es fort, ne t'inquiète pas, tu vas reprendre du poil de la bête ». C'était le second problème, il en avait marre d'être celui qu'on voyait constamment comme fort, celui qui était positif et qui gardait la tête haute en toute circonstance, l'épaule sur laquelle on pouvait se reposer. Taehyung aussi avait des moments de faiblesses, des envies de hurler sa douleur au monde entier, de crier aux visages de tous qu'il en avait marre. Lui aussi voulait se reposer sur l'épaule de quelqu'un, se sentir réellement soutenu. Bien sûr, il trouvait du soutien par-ci par-là mais, parfois, il voulait un peu plus et ce sentiment le faisait se sentir égoïste. Il souhaitait qu'on lui donne autant qu'il donnait, ni plus ni moins mais il ne se sentait point légitime de demander ça.
Le brun inspira longuement, encore une fois alors qu'il se redressait, essuyant ses larmes avec la manche de son gilet. Il prenait bien encore une ou deux minutes avant d'esquisser le moindre mouvement jusqu'à ce qu'il sente quelque chose se frotter à ses jambes. Son regard se baissa vers son chat qui était collé à lui, sa petite tête se levant vers la sienne et un sourire triste mais néanmoins teinté de douceur orna les pulpes de l'étudiant. Il se pencha pour laisser le dos de sa main caresser la tête de Jacks.
_ Heureusement que je t'ai. ; Murmura-t-il dans un souffle.
C'était une vérité qu'il ne niait à aucun moment, sans cette boule de poil, il aurait pété les plombs depuis bien longtemps. C'était une petite touche de douceur dans son quotidien morose, un instant de pause dans ce chao qu'était sa vie. Jacks lui offrait le réconfort et l'affection qu'il souhaitait et puis, ce qu'il appréciait, c'était que son chat ne demandait rien en retour, ou presque. Il n'était pas comme les hommes, à toujours quémander, à toujours agir en pensant à son propre bien être avant toute chose. Mon dieu, que Taehyung détestait ses semblables du moins, pour la plupart. Le constat qu'il faisait sur son quotidien était aberrant et n'aidait en rien à arranger l'état dans lequel il était. Il ne doutait pas que, si les humains pouvaient avoir une couleur qui les entourait, la sienne serait noire. Noire comme de l'encre, comme les ténèbres qui l'engloutissaient progressivement.
Un ricanement amer passa ses lèvres alors que cela sonnait si dramatique et si cliché dans sa tête. Il n'était qu'un étudiant de plus en train de craquer, rien de bien nouveau sous le soleil. Mais il devait cesser impérativement de se comparer aux autres, cela ne l'aidait en rien et cela ne l'aiderait jamais. Taehyung avait besoin d'aide et il s'en rendait compte un peu plus chaque jour. Ça faisait mal de le reconnaître mais il ne pouvait faire l'aveugle sur son état mental plus longtemps encore. S'il parvenait à mentir à ses proches, à faire bonne figure et à sourire bêtement, le soir, quand la porte d'entrée claquait, il était seul. Seul face à ses démons, face à son réel état et il ne pouvait se cacher nulle part, sa conscience viendrait lui hurler dans les oreilles qu'il devait cesser de faire l'autruche. Cela ne l'aiderait en rien. Il ne pouvait pas dire ce qui avait provoqué ce craquage qui s'opérait progressivement en lui, peut-être des années et des années de silence dans lesquelles il s'était muré. Peut-être était-ce à cause de ce mur qu'il dressait continuellement entre lui et les autres et qui l'enfermait un peu plus dans sa solitude. Il ne savait pas, il ne saurait dire mais il savait qu'il était au bord du précipice, un pied dans le vide l'autre sur la terre ferme, la balance finirait bien par trancher. Une chose était sûre, en tout cas, il ne pouvait pas continuer comme ça. Ce masque qu'il s'était forgé au fil du temps se fissurait progressivement, il n'allait plus pouvoir se cacher derrière encore bien longtemps.
Un nouveau soupir passa ses pulpes tandis qu'il attrapa son animal de compagnie pour lui offrir un instant de douceur et de tendresse, déposant de petits baisers sur son pelage tout doux tandis que celui-ci ronronnait, satisfait que son maître s'occupe un peu de plus. Par la suite, Taehyung le reposa au sol pour finir sa tâche première : changer la litière. Chose accomplie, il se nota à lui-même qu'il devrait en racheter après les cours, il n'y en avait plus et la quantité actuelle dans la caisse était insuffisante, chose première qui l'avait grandement frustré ce matin en se levant. Il rangea les quelques affaires qui traînait avant de retourner s'asseoir sur son tabouret afin de finir son petit-déjeuner.
_ Pleurer pour de la litière, tu es lamentable Tae... ; Soupira le brun en levant les yeux au ciel.
Un rire amer lui échappa, c'était donc ça, avoir l'impression de toucher le fond du gouffre ? « Quelle connerie » se disait le brun à lui-même. Toutefois, il s'accorda sur une chose : il ne pouvait aller en cours dans cet état. Rien qu'envisager cette possibilité lui faisait remonter quelques larmes, comme si sa conscience s'accordait avec lui sur cette décision. Il préférait encore se rouler en boule sur son canapé plutôt que d'aller dans un endroit qu'il n'affectionnait plus.
_ Mais putain de merde. ; Pesta Taehyung en essuyant rageusement une nouvelle larme.
Il en avait marre, sérieusement marre mais le pire était qu'il se sentait seul, encore une fois. Si seul, isolé de tous, à l'écart de tout le monde et il ne pouvait en vouloir à personne : il était l'unique responsable de cette solitude qui l'accompagnait pour l'envelopper et l'enfermer dans une bulle. Il avait volontairement choisi de rester loin de tout et de tout le monde, pour des raisons qui lui étaient propres et qu'il refusait d'admettre pour l'instant. Mais les faits étaient là : cette solitude le rongeait progressivement, autant que le silence qui lui tenait la main.
« Taehyung était sous le point de devenir la bombe qui le ferait exploser en milles éclats. »
YOU ARE READING
Silence
FanfictionUn claquement de porte et une larme roula sur sa joue, lentement et silencieusement. Taehyung sentait un étrange sentiment parcourir son échine, déchirer son être. Tel un serpent vicieux, sa détresse venait l'étreindre petit à petit, progressivement...