Chapitre 6 : Ma maléfique future marâtre

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Kahel courut à en perdre haleine dans les couloirs du château. Il se dirigea directement vers les appartements princiers. Bizarrement, il savait qu'Aru serait là. Il le sentait. Et il ne se trompa pas. La porte de sa chambre était grande ouverte et du bruit en provenait. Il se glissa discrètement à l'intérieur.

Aru était en train de fouiller dans l'une de ses armoires, en sortant quelques vêtements qu'il jetait derrière lui. Un grand sac était ouvert sur son lit, déjà à moitié rempli et une lampe s'était écrasée au sol, sûrement après que le Prince ait passé ses nerfs dessus.

- Que fais-tu ? Demanda Kahel en s'appuyant sur le chambranle de la porte.

Aru ne sursauta pas. Il se contenta de soupirer.

- Je m'en vais.

- Tu ne peux pas faire ça.

Le Prince s'arrêta et se retourna. Il tenait une vieille tunique à moitié trouée dans ses mains. Kahel s'étonna du fait que tous les vêtements abimés du Prince ne finissent pas à la poubelle. Puis à bien y regarder, il s'aperçut qu'il s'agissait d'un vêtement de femme. Sûrement celui de sa mère.

- Et pourquoi cela ? Plus rien ne me retient ici, répondit Aru.

- Donc tu comptes t'enfuir comme un lâche parce que ton père a osé te remettre à ta place ?

Le Prince serra les dents. Il jeta la tunique dans son sac et continua de retourner son armoire.

- Je n'ai jamais prétendu être courageux.

- Tu ne l'as jamais prétendu mais tu l'as déjà démontré. Sans toi, je serais mort dans la forêt Miroitante.

- Ce n'était pas du courage, rétorqua Aru. Seulement un peu de logique. N'importe qui aurait pu le faire. Tu aurais fini par trouver.

Kahel se redressa et s'avança vers lui. Sa main se posa sur l'épaule du Prince qui arrêta tout mouvement en soupirant.

- Je ne peux pas rester ici, murmura-t-il en fermant les yeux.

- Bien sûr que si. Rien ne t'empêche de partir mais rien ne t'y oblige non plus. Et puis, tu es stupide si tu crois que le Roi te laissera disparaître sans rien faire. En deux heures, tu auras été ramené de force par les soldats.

- Il sera heureux que je m'en aille. Je ne serai plus là pour lui courir dans les pattes et lui faire honte à tout bout de champs.

- Ne dis pas n'importe quoi.

Aru fit volte-face, manquant de faire tomber le chevalier. Son visage était déformé par une forme de haine et de tristesse que Kahel détesta immédiatement. Il préférait largement son air concentré ou son sourire, bien qu'occasionnel, qui, il en était certain, pouvait guérir tous les maux du monde.

- C'est facile pour toi, s'emporta Aru, tout le monde s'émerveille dès que tu lèves le petit doigt ! Tu n'as aucune idée de ce que c'est que de tout faire pour que quelqu'un soit fier de toi mais de ne jamais y parvenir ! Quoi que tu fasses, tout le royaume t'embrassera les pieds et criera gloire à ton nom. Moi, dès que je passe, on me crache des "fils indigne" et des "bon à rien" à la figure.

Kahel fronça les sourcils.

- Et tu crois que je n'ai jamais rien fait pour en arriver là ? J'ai commencé comme tout le monde, Aru, à admirer les grands chevaliers, à envier la famille royale, à me détester parce que je n'étais pas assez bon ! J'ai du me battre pour être ce que je suis aujourd'hui. Arrête de jouer le pauvre Prince à qui la vie n'a jamais souri, c'est juste que tu n'es pas foutu de te remuer assez pour atteindre tes objectifs. Dès ta naissance, tu étais déjà supérieur aux autres, prédestiné à devenir un des grands de ce monde. Ton nom est un passe droit, beaucoup de personnes tuerait leur propre famille pour l'avoir, mais au lieu de t'en servir, tu craches dessus comme si c'était la pire chose qui te soit arrivée ! Arrête de faire l'égoïste et ouvre les yeux ! Tu n'es qu'un foutu gamin capricieux !

Les tribulations d'un Prince maudit et de son preux chevalierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant