Quelques jours étaient passés. Le Roi Falon avait décidé d'organiser un grand bal en l'honneur de son nouveau Héro. Kahel avait tenté de le dissuader par tous les moyens possibles et imaginables, mais il fallait reconnaître une chose : l'actuel souverain était une véritable tête de mule, et le chevalier avait finalement dû se résigner à jouer la bête curieuse pendant tout une soirée. Le jour du bal arriva, et avec lui, celui du départ de Lassa.
Aru avait d'abord protesté, mais s'était rapidement rendu à l'évidence : son ami avait un village à diriger, et bien que son adjoint eût fait un très bon travail en son absence, le Mangeur de glace ne pouvait pas se soustraire à ses responsabilités plus longtemps.
Le Prince était donc dans les écuries, accoudé au chambranle de la porte, regardant d'un oeil attristé son ami préparer sa monture. C'était un magnifique étalon noir que Lassa avait rencontré lorsqu'il était enfant, et qu'il n'avait plus jamais quitté. Les quatre doigts du chef de Poûlkipon s'affairaient à seller le cheval. Lorsqu'enfin il eut fini, lui et Aru se dirigèrent vers le pont-levis dans un silence de mort.
Enfin arriva l'heure des au-revoirs. Aru était dévasté. Lassa était son partenaire, sa bouffée d'oxygène. Il animait sa vie monotone et en son absence, le Prince savait qu'il recommencerait à s'ennuyer. Lassa remarqua la moue triste de son ami et le serra dans ses bras sans décrocher le moindre mot. Aru enfouit sa tête dans son cou, s'accrochant à sa cape noire pour lui rendre son étreinte.
- Nous nous reverrons bientôt, Aru, c'est promis.
Le Prince sourit, bien que Lassa ne puisse pas le voir. Bien sûr qu'ils se reverraient rapidement. Aru ne pouvait même pas envisager le contraire. Puis il s'écarta de son ami à contre coeur. Le Mangeur de glace lui attrapa les joues pour lui embrasser affectueusement le front.
- Ne sois pas trop dur avec Kahel, ajouta-t-il. C'est un bon gars. Je suis sûr que vous pourriez être amis.
Le Prince marmonna quelque chose qui ressemblait vaguement à un "quand le Roi dansera en plein milieu de ses conseils, oui", mais promit tout de même d'essayer. Puis Lassa tourna les talons, et quelques minutes après avoir sauté sur le dos de son cheval, il disparaissait à l'horizon.
Aru soupira. Il n'avait plus qu'à trouver une nouvelle source de distraction. Il aurait pu poursuivre ses recherches sur la troisième déesse, mais il avait déjà épluché chaque livre de la bibliothèque royale et n'avait rien trouvé. Le seul moyen qu'il avait de progresser dans son enquête était d'aller directement étudier les monstres. Mais ça, c'était absolument inenvisageable. Jamais personne ne le laisserait sortir du château seul, encore moins pour aller observer des créatures meurtrières.
Le Prince se résigna donc à chercher un autre sujet d'occupation. Peut-être pourrait-il se concentrer sur les technologies de l'Ancienne civilisation. Son balai automatique, hérité des temps anciens, avait cessé de fonctionner. C'était une machine formidable qui s'occupait elle-même de faire les poussières dans sa chambre. Aru n'en avait pas vraiment l'utilité puisqu'une servante passait chaque après-midi pour récurer la pièce de fond en comble. Mais cet objet le fascinait et il pouvait chercher comment le réparer. Aru se mit donc en tête de percer le secret des Anciennes technologies.
L'après-midi passa rapidement et déjà, le soleil commençait à tomber dans le ciel, parant les nuages de sublimes teintes orangées. Puis la Lune prit la relève et le royaume fut plongé dans le noir. Seulement, le château était encore pleinement éclairé, et la vie n'avait jamais semblé aussi festive.
Tous les amis du Roi, les marchands les plus fortunés, les artistes renommés et les chefs de plusieurs villages avaient été conviés au palais pour y rencontrer l'incroyable Kahel. Celui-ci serrait des mains depuis deux heures, souriant faussement à quiconque lui lançait un regard, discutant de sujets qu'il jugeait totalement dérisoires et inintéressants, dans l'une des salles les plus grotesques qu'il avait jamais vu. Tout était fait de marbre : murs, sol, colonnes, plafond. Certaines tables également. Des dizaines de mets étaient servis au buffet, puis retirés quelques minutes plus tard car ils s'étaient refroidis. Des musiciens s'écorchaient les doigts sur leurs cordes afin que la foule puisse danser. Kahel observait tout ce manège qu'il trouvait beaucoup trop superficiel. Il n'allait pas jusqu'à dire qu'il détestait ça : la nourriture était bonne, la plupart des gens polis, la musique agréable mais ça n'avait rien à voir avec les fêtes populaires qu'il aimait tant. Il manquait cette étincelle de vie, ce morceau d'authenticité, cet amusement euphorique qu'il avait connu dans les fêtes villageoises auxquelles il avait participé durant ses missions. Tout n'était que question d'apparence ici, et Kahel n'appréciait pas du tout ces faux rires et ces compliments mensongers. Sa seule envie était de s'enfuir au plus vite, mais aucun échappatoire ne se présentait à lui.
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Les tribulations d'un Prince maudit et de son preux chevalier
RomanceIl existe, au fin fond de votre esprit, un vaste royaume, dans lequel se terrent un Prince maudit, un preux chevalier et des créatures obscures. Il existe, au fin fond de votre esprit, un vaste royaume dans lequel se cachent des Déesses sadiques, un...