Chapitre I : un repas compliqué

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Un repas compliqué

Nous sortons de la salle, et comme il est l'heure de manger, nous dirigeons vers la cantine qui se trouve au bout de la Halle aux Farines. Je profite de ne pas être suivi par Mlle Le Trégor, pour dire à Alexandre.

« Tu vas voir, je suis sûre que c'est nous qui allons avoir la nouvelle dans notre groupe.

- Tant mieux, ça te permettra d'apprendre à la connaître au lieu de la juger sur son allure.

- Je sais ... mais les cathos ça me fout en rogne.

- Je sais. Je te rappelle qu'il y a quelques mois on ne se connaissait pas ...

- Tu as raison. Je vais faire un effort. »

En approchant, on peut voir qu'une dizaine de personnes se trouvent devant les portes closes. Ils lisent une affichette qui vient semble t-il d'être apposée sur la porte vitrée. Celle-ci annonce qu'en raison d'une panne électrique de dernière minute, ils ne peuvent servir les étudiants. Après avoir lu la feuille et alors que nous nous apprêtons à nous diriger vers la cafétéria, nous tombons presque nez à nez avec la nouvelle.

Alexandre, sans doute pour me provoquer et parce qu'il communique davantage désormais, renseigne notre condisciple.

« La cantine vient de fermer, un problème électrique.

- Je vous remercie de cette information. Savez-vous où je puis me rendre pour déjeuner ?

- Oui, à la cafétéria de l'université, en face.

- Je vous remercie.

- Nous y allons, vous pouvez nous suivre.

- Je vous remercie beaucoup pour votre aide. »

La manière de s'exprimer de notre camarade me surprit. J'aurais dû me douter qu'elle parlerait de manière ampoulée. Même la voir m'agaçait, je ne pouvais pas décemment reprocher à Alexandre de l'avoir orientée. Alexandre lui propose de se joindre à nous pour le repas. Elle hésite mais fini par accepter.

Lorsque j'ai entendu cela, j'ai fusillé mon ami du regard. Il me forcait la main, je n'aime pas ça, et il le sait. Tant pis pour lui, il en subira les conséquences cet après-midi.

Alexandre explique à la nouvelle comment fonctionne la cafétéria de la cantine. Je ne devrais pas me réjouir, mais je ne peux m'en empêcher lorsque je le vois se forcer à lui parler. Je me vengerais tout à l'heure. J'hésite entre les chatouilles en cours et l'emmener faire un tour aux Halles, à l'heure où il y a le plus de monde. En attendant, une fois installés à table, il continue à forcer sa nature en discutant avec Mlle Le Trégor, pendant que je me tais. Si je me dis rien, je n'en profite pas moins pour les écouter et les observer. Alexandre a les joues rouges, il transpire, elle n'est pas non plus à l'aise, elle ne cesse de bouger sur sa chaise. Ce spectacle me fait sourire intérieurement et suffirait presque à punir mon ami. Comme je le disais précédemment, je ne fais pas que les observer, je les écoute malgré moi. Aussi, j'en apprends un peu plus sur l'intruse. Comme je l'ai déjà dit elle s'appelle Mara Le Trégor, et comme son nom l'indique elle est bretonne. Elle était auparavant étudiante à l'université catholique de Bretagne. Pour certaines raisons, elle a dû la quitter et trouver une place en urgence dans une université parisienne. En dehors de ce point qui éveille ma curiosité, il n'y a pas grand-chose d'autre d'intéressant dans leurs échanges, seulement qu'elle aussi est passionnée d'Histoire depuis de nombreuses années. Sitôt notre repas terminé, je me lève et quitte la table, avant même qu'ils n'aient pu réagir. Sans dire un mot, je pose mon plateau et sors. Une fois dehors, j'ouvre mon sac à dos pour y récupérer ma boîte de Tic-Tac menthe. Non seulement ça me permettra d'avoir bonne haleine, mais aussi de m'aider à me calmer. Je cherche mes bonbons depuis une minute, dans mon fatras, lorsqu'ils sortent à leur tour. Elle le remercie pour son aide avant de s'éclipser.

Enfin seule avec Alexandre nous en profitons pour « débriefer » comme disent les Anglo-Saxons.

« Alors qu'en penses-tu ?

- Bof.

- C'est un peu court.

- Je n'ai pas mieux pourtant. On n'a pas appris grand-chose sur elle.

- Je suis d'accord avec toi, elle est très réservée mais gentille.

- Elle m'a l'air niaise pour ne pas dire autre chose.

- Je ne pense pas. Elle a simplement reçu une éducation particulière. Et si elle était niaise comme tu le pense, elle n'aurait pas un an d'avance.

- Qu'est-ce que tu dis ?

- Je dis qu'elle a sauté une classe, puisqu'elle a un an de moins que moi.

- Elle a deux ans de moins que moi ... on ne dirait pas.

- Oui ... il faut que l'on y aille c'est l'heure du cours d'Histoire Moderne avec Renaud Etter. Perdu dans mes pensées, Alexandre est obligé de m'appeler par mon prénom avec insistance pour me tirer de ma rêverie. Tu viens, Aliénor ! »

L'aristo arc-en-cielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant