OS 2 : Amitié -partie 1-

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Allongée sur mon lit, les yeux fermés, j'écoutais les bruits de la ville. Habitant au troisième étage, je me trouvais assez haut pour ne pas être dérangée par des bruits insignifiants, mais assez bas pour pouvoir distinguer les sons. J'entendais, j'écoutais, et je me laissais aller. Aujourd'hui, j'ai seize ans. Joyeux anniversaire ! Les paroles de ma mère me reviennent en tête. Ce matin, quand je me suis levée, elle m'a regardé les yeux brillants et m'a dit « Déjà seize ans que tu es ma fille, seize ans que je te vois grandir, et sache que je me souviens de tout, que je n'ai rien oublié, et que je t'aime. » Je dois avouer que ça m'a fait chaud au cœur de l'entendre dire ça. Je l'ai serrée contre moi et nous avons fêté mon anniversaire. Rien de fou, il n'y avait qu'elle et moi, nous sommes allées au restaurant, puis au ciné enfin nous sommes rentrées à la maison, où elle m'a donné mes cadeaux. J'étais heureuse, et je le suis encore. Mais lorsque l'euphorie est passée, les mauvaises pensées arrivent. Aujourd'hui, j'ai seize ans, et cela fait deux ans que je fête mon anniversaire seule. Enfin, oui ma mère le fête avec moi, donc je ne suis pas vraiment seule. Mais une fête avec mes amis, cela fait longtemps que je n'en ai pas eu. À vrai dire, lorsque nous avons déménagé en ville, il y a deux ans, tout a changé. Nouvelle ville, nouveau lycée, nouveaux amis. Mais ces nouveaux amis-là, je n'en veux pas. Ces amis qui te sourient, qui viennent te dire bonjour et qui sont aimables avec toi, puis, lorsque tu as le dos tourné, t'insultent, racontent n'importe quoi sur toi et te critiquent. Des amis comme ça je n'en veux pas, et je n'en ai pas besoin. Moi j'aimerais de vrais amis, des amis qui te soutiennent, des amis qui sont toujours là pour toi, des amis qui t'écoutent. Moi je veux ces amis qui ont de vrais délires, ces amis qui te disent droit dans les yeux quand il y a quelque chose qui ne va pas, ces amis qui ne te critiquent jamais. Ces amis qui ne te jugent pas. Ces amis qui t'acceptent sans même connaître toute ton histoire. Ces amis en qui tu as totalement confiance. Ces amis qui devinent tout ce que tu penses juste en te regardant. Ces amis qui te connaissent par cœur, qui savent voir quand quelque chose ne va pas. Ces amis à qui tu pourrais confier ta propre vie.

Des amis comme ça j'en ai eu, mais j'étais trop bête à l'époque. C'était juste avant mon déménagement. J'avais quatorze ans, et des meilleurs amis incroyables. On habitait tous dans le même quartier, pratiquement voisin, et on se voyait tout les jours. On s'est connus en 6e, et c'était pour ne plus jamais se lâcher. Enfin, c'est ce qu'on se promettait. Au début, ça n'a pas été facile. On a mis du temps pour vraiment devenir amis, pour avoir confiance les uns dans les autres, pour créer un vrai lien entre nous. Il y a eu des rapprochements plus rapides que d'autres, des liens plus forts que d'autres, mais au final on est devenus une vraie bande soudée.

C'était tous pour un et un pour tous.

Je glisse ma main sous mon oreiller et en retire une photo. Cette photo c'est nous. Tous ensemble, tous souriants. Ce jour-là, on avait voulu aller à la plage, mais il s'était mis à pleuvoir. Alors on s'est tous retrouvés sur le canapé du salon de l'un d'entre nous à regarder un film. Comme d'habitude, on a mis du temps à choisir, puisque personne ne voulait regarder la même chose. Au final, on a regardé Le Labyrinthe, qu'on avait déjà vu deux ou trois fois, mais qu'on aimait tous. Lorsque le film s'est terminé, on est tous sortis dehors, sous la pluie. Et on a pris cette photo. Sur la photo, on peut voir nos habits trempés, nos cheveux dégoulinants d'eau et la pluie autour de nous. Mais on ne voit rien du concours de dérapage dans la boue, de la guerre qu'il y a eu pour celui qui arrivera le premier à la salle de bain, du goûter qu'on a pris ensuite, et de la merveilleuse fin de journée qu'on a passée.

Mais je me souviens de tout. Je n'ai rien oublié et, plus important encore : je ne les ai pas oubliés. Même si par ma faute on s'est perdus de vue, ils resteront à jamais les meilleurs amis que j'ai eus. J'aimerais tellement les revoir, au moins une seule fois, pour leur dire à quel point je suis désolée. J'aimerais les serrer dans mes bras encore une fois. Mais finalement, peut-être y a-t-il un moyen de se retrouver ?

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