Animalement

i.

La première fois que Madeleine était allée au zoo régional, elle avait exactement cinq ans ; c'était un âge auquel elle séduisait encore les adultes avec son sourire doux et naïf, et sa tendre innocence propre à cet âge-là.

— Tu verras, Madeleine, c'est très intéressant les animaux, lui avait dit sa mère.

Mais malgré les encouragements incessants, la petite fille n'avait strictement aucune envie d'aller perdre sa journée à s'ennuyer devant de simples animaux sans rien d'intéressant.

Seulement, dès qu'elle fut rentrée dans le parc zoologique, Madeleine fut consternée. Elle avait en face d'elle de vrais animaux, et pas n'importe lesquels ! Ce n'était pas de banals chats, chiens ou pigeons comme elle l'avait imaginé, mais des rhinocéros blancs, suricates, girafes, babouins, zèbres, lions, paresseux, caïmans, piranhas, toucans, jaguars, et même les mygales et anacondas !...

La petite fille s'émerveillait devant chaque nouvel animal qu'elle découvrait au fur et à mesure de la visite, s'amusait à comparer leurs particularités, si étonnantes et différentes les unes des autres.

— Mais, ils ne sont pas tristes, les animaux, d'être enfermés dans des cages ? avait demandé Madeleine lorsqu'elle sortait du zoo, sa petite main fermement serrée dans celle de sa mère.

— Oh non, le zoo les traite bien, avait répondu sa mère dans un rire qui laissait sous-entendre que ce que venait de dire sa fille paraissait absurde, et que la question ne se posait même pas.

C'était donc à partir de ce jour-là que la petite fille avait commencé à s'intéresser de très près aux animaux : après l'école, elle faisait toujours un détour par le parc de la ville, passant devant les cygnes, hérons, canards colverts, poules d'eau, et même ragondins.

Le mercredi, comme elle n'avait pas école, Madeleine ouvrait la grande Encyclopédie Junior dans le placard poussiéreux du grenier et passait son après-midi à contempler les belles images. Même si elle ne savait pas encore tout à fait lire, elle s'amusait à deviner ce qui se cachait derrière les lettres et les mots, et cela lui procurait un immense plaisir.

Cette passion des animaux avait éveillé quelque chose d'enfoui au plus profond de la petite fille.