Chapitre 1

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La ville était silencieuse. On aurait pu entendre une mouche voler. Le cortège noir soulevant le cercueil s'avançait lentement au centre de la place et le déposa au sol dans une infinie délicatesse.

Les gens autour de moi se mouchaient dans leurs tissus de satin en reniflant. Le Prince Ivan s'avança la tête basse vers le coffre où reposait sa défunte fiancée. Il s'essuya la joue et inspira un grand coup. L'hymne national de Moscou retentit et le prince attrapa un micro pour entamer son long discours plein de tristesse et d'amour.
La famille de la défunte prononça ses vœux tout aussi émouvants et la foule rentra chez elle, dans un silence de mort.

- Pauvre Prince Ivan, finit pas dire Vasilisa quand nous passâmes le pas de la porte de notre maison. Ils étaient fous amoureux l'un de l'autre.
Ma sœur laissa son manteau noir sur au fauteuil de l'entrée et soupira.
- C'est si triste qu'une si belle et jeune femme soit morte aussi soudainement...
La fiancée du Prince Ivan venait de mourir. Elle n'avait que 16 ans...

***

Mesdames, Messieurs,

Suivant la terrible tragédie de Juillet dernier, le conseil et moi-même avons décidé de choisir minutieusement 15 jeunes filles pour épouser mon fils, le Prince Ivan. Vous êtes donc conviés, accompagné(e) de votre plus belle et resplendissante fille, samedi 02 Décembre au Palais Royal. Une fois là-bas, toutes les instructions vous seront données et tout vous sera expliqué dans les moindres détails. Je vous souhaite de réussir,

Votre Souverain,
Nikolaï V

Je relis une dernière fois la lettre du Roi, entre mes mains crispées.
- Arrête de bouger dans tous les sens ! grondait ma sœur en me remettant la tête droite.
Vasilisa finit de brosser ma chevelure brune pour que je sois parfaite pour après.
- Et voilà ! dit-elle en posant la brosse à cheveux sur la tablet de chevet. Tourne-toi.
J'exécutai ses ordres à contrecœur, prenant soin d'éviter son regard.
- Ne fais pas cette tête ! Souris à la vie, bon sang.
Mais je gardai sur mes traits un visage fermé et impassible. Elle soupiai bruyamment et me jettai un regard cuisant. Je me regardai dans le miroir : ma sœur avait tenté de dompter ma crinière sombre en y accrochant des perles et des fleurs assorties à ma robe trop serrée.
Que dire ? Cela faisait presque 6 mois que la Princesse Valentina était décédée, et au lieu d'attendre que le prince retrouve l'amour naturellement, ils le forcaient à choisir une jeune fille qui a été soigneusement choisie parmi les centaines d'autre de la ville. C'était pitoyable. Personne n'avait eu le choix. Tout cela à cause d'une  balle perdue qui a eu l'audace de se loger dans le cœur d'une princesse. Et évidemment, toutes les jeunes filles qui ont été choisies et qui étaient fiancées ou déjà avec un homme n'ont eut d'autre choix que de quitter l'amour de leur vie.
Comme notre mère nous appelai pour partir, Vasilisa descendit en première. J'attrapai ma valise et regardai une dernière fois ma chambre. Ce soir, et peut être tous les autres soirs de ma vie, je ne dormirais plus dans ce grand lit blanc.
J'inspirai un grand coup et sortis de la chambre sans un regard en arrière.

D'autres carrosses arrivaient encore quand le nôtre déboucha sur la place. Je ne reconnaissais que quelques visages parmi les familles qui descendaient de leur voiture, car c'était des voisins ou des familles bien connues d'ici. Un garde posté devant l'entrée notait les noms des familles avant des laisser entrer. À l'intérieur, un autre homme en costume nous accueillit en nous souhaitant la bienvenue et en nous indiquant le chemin. Une quinzaine de jeunes filles étaient déjà là quand nous arrivâmes dans la salle du banquet. Certaines papotaient entre elles, d'autres restaient silencieuses. Chacune portait une longue et belle robe de satin, de soie ou de mousseline, chacune avait un visage angélique et de beaux cheveux brillants. L'une d'elles, une brunette aux formes généreuses, pleurait. Elle était seule, personne ne l'accompagnai. Elle devait déjà avoir un fiancé.
Le Prince Ivan arrivai par la porte de derrière et tout le monde se tut. Il avait l'air bien plus heureux qu'à l'enterrement de sa fiancée. Lui qui avait toujours été joyeux et souriant, il avait l'air un peu triste, mais faisait tout son possible - et ça se voyait - pour paraître normal.
Un jeune homme aux cheveux sombres en bataille et aux yeux clairs s'avança et dit d'une voix forte :
- Bonjour à toutes et à tous. J'espère que vous vous portez tous à merveille. Mesdemoiselles, si vous avez été réunies ici aujourd'hui c'est pour tenter votre chance de devenir femme du Prince Ivan, que voici ! (Celui-ci s'avanca et fit un signe à la foule.) Chacune de vous doivent être épuisées après ce si long voyage (Une porte s'ouvrit et quinze jeunes filles vêtues de bleu s'avancèrent en souriant.). Ces Demoiselles vont s'occuper de vous jusqu'au mariage. A présent, veuillez nous excuser, le travail nous attend.
Ma mère et ma sœur partirent en me laissant seule avec une inconnue. La petite servante qui se tenaitt à côté de moi était souriante, des yeux brun et un visage carré. Ses longs cheveux roux tombaient en cascade sur sur épaules.
- Bonjour. Je m'appelle Akilina, je suis la Demoiselle qui va s'occuper de vous durant ces jours de préparation. Je crois savoir que vous vous appelez Anya ?
Je ne répondis rien et me contentai d'hocher la tête.
- N'ayez pas peur mademoiselle, me rassure-elle en me prenant la main, tout se passera bien. Mais pour le moment, suivez-moi, je vous emmène dans vos quartiers.
Toujours le sourire aux lèves, elle m'entraina à travers le château.
Les carrelages nacrés-bruns aux arabesques soignées des longs couloirs dorés étaient brillants et reflétaient à merveille les murs tapissés d'un beau bleu guède. Les immenses fenêtres carrées enluminaient les allées, et les dorures des poutres brillaient au contact des rayons de soleil. Plus j'avançais, plus l'émerveillement grandissait en moi. De temps en temps, je levai la tête pour observer le majestueux plafond en voute, blanc, aux courbes dorées bien tracées et aux lustres de cristal éblouissant.
Akilina ouvrit une grande porte immaculée débouchant sur un couloir fini, aux grande fenêtres et aux portes majestueuses. Elle ouvrit l'une d'entre elles et je restai figée sur place, tant la pièce est sensationnelle.
Un immense lit à baldaquin trônait au centre de la pièce, par dessus un grand tapis de fourrure blanche. La garde-robe crème dont les fleurs taillés donnait de l'harmonie à ce coin de la chambre, remplissait l'entièreté du mur de droite. Le carrelage de marbre doré était frais. Une large bibliothèque remplie de livres se tenait à côté d'une belle coiffeuse ciré. Les fenêtres aux rideaux de soie étaient grandes ouvertes, et un canapé de fourrure légèrement rosée longeait le mur de gauche. La grande chambre lumineuse apportait de la joie de vivre à mon humeur morose, et l'air embaumait la vanille.
Le contenu de ma valise était déjà rangé dans le dressing.
- Je vous laisse le temps de digérer un peu tout cela, mademoiselle, dit Akilina toujours souriante. Tirez sur la cordelette à côté du lit si vous avez besoin de moi. Reposez-vous bien.
Elle sortit et me laissa seule. Je regardai autour de moi. Tout était si beau, si soigné, si riche. Je repensai au jour où nous avons reçu la lettre du Roi : Vasilisa voulait à tout prix y aller, mais nos parents avaient refusé. Elle n'était pas méchante, donc elle ne m'en voulait pas trop - j'était la plus jeune. Elle aurait adoré cet endroit. Je m'étalai sur le lit moelleux et tombai dans les bras de Morphée.

***

A mon réveil, Akilina se tenait à côté du lit, et le mannequin était habillé d'une longue robe bleue nuit aux couches de tulle et de mousseline pailletées. Sur la chaise d'à côté, il y avait une paire de chaussures à talons et des bijoux.
- Il est tard, mademoiselle. Le repas va bientôt débuter, dit-elle doucement.
Je m'habillai en vitesse et elle me guida jusqu'à la salle à manger, où tout le monde était presque arrivé. La longue table nappée de rouge s'étendait jusqu'à l'autre bout de la salle. Les dix-sept couverts étaient déjà prêts. Les premières arrivées sont les premières servies, comme on dit ; deux jeuens filles étaient déjà installées autour de la place du prince, n'attendant que lui pour se faire remarquer. Tiens, quand on parle du loup... Les larges portes s'ouvrirent et le Prince Ivan se présenta en souriant, accompagné du jeune homme de tout à l'heure. Les Demoiselles s'en allèrent et nous nous assîmes tous. Je m'étais mise loin du beau monde, je ne cherchais pas à me faire remarquer.
On m'avait toujours appris à ne pas me faire remarquer. Ma mère et ma sœur détestaient les gens extravertis, elles les trouvaient déloyaux.
- Mesdemoiselles, c'est un réel plaisir de voir ces jolis minois réunis en face de moi, dit le prince. J'aimerai apprendre à vous connaître. Faisons un tour de table, et parlez-nous de vous. Commencez, mademoiselle, ajouta-il a celle de sa droite, une grande mince aux yeux verts.
- Je m'appelle Viktoriya Bukovski, j'ai 23 ans, commenca-elle. J'aime l'aventure et la musique ; je rêve de devenir compositrice.
- Moi, c'est Nadejda Filipovitch, et j'ai 26 ans, suivit sa collègue. J'aime la géographie, et je rêve de visiter l'Afrique de fond en comble.
Chacune leur tour, elle se présentèrent, en se faisant la plus belle et charmante possible pour piquer la curiosité du prince.
- Et vous jeune demoiselle ? me dit le prince en souriant.
- Heu... Je m'appelle Anya Klimentinov, j'ai 21 ans. J'aime l'astronomie, et je rêve d'aller sur Mars.
Ma voisine, une certaine Lyuba, petite aux cheveux roux et au regard de vipère gloussa :
- Aller sur Mars ? Quelle idée ! Nous sommes déjà allés sur la Lune, cela ne suffit pas à cette jeune fille ?
La salle entière éclate de rire, moi exceptée et le prince qui me fixait intensément.
- Non, dit-il en joignant ses mains l'une contre l'autre. Je trouve que c'est un beau rêve, ambitieux et imaginatif.
Gênée, je fixai mon assiette sans rien dire. C'est alors que les servants apportèrent les hors-d'œuvre, de la charcuteries, du poisson mariné, du caviar d'aubergine, des concombres à l'aigre-doux et de la salade. Je n'avais pas très faim, et refusais les plats suivants avec gentillesse. A la fin du repas, le Prince Ivan nous emmena dans le petit salon, une grande pièce lumineuse aux grands coussins de soie et aux longs canapés de velours. Toutes les demoiselles s'assièrent sur les énormes oreillers moelleux et commençèrent la causette au prince. Je restai à l'écart de la foule : je ne voulais surtout pas me marier, mieux vallait ne pas trop attirer l'attention. Mais il ne fallait pas non plus être inexistante, certains garçons aiment les filles effacées, et transparentes.

Cela faisait bientôt une heure qu'ils parlaient sans s'arrêter, je commençai à me fatiguer, et il faisait déjà nuit dehors. A pas de loup, je me levai et sortis discrètement dans les longs couloirs sombres, me servant de ma mémoire pour me remémorer le trajet. Je déambulai sans savoir où aller dans cet immense palais royal aux milles couloirs, aux milles portes et aux milles détours.
- Et merde, je me suis perdue... marmonai-je.
Je regardai autour de moi : je n'étais jamais venue ici, je ne savais pas où j'étais... Et depuis le temps que je tournai en rond, tout le monde avait dû aller dormir. Je m'approchai de la fenêtre du long couloir : les étoiles brillaient de milles feux, et les jardins étaient noirs de suie. C'était mon premier soir et je me perdais déjà, j'avais pitié de moi-même. Je me repris et décidai de divaguer à la recherche de ma chambre, puisque de toutes façons, je n'avais pas d'autres choix ; je n'allais pas dormir dans les couloirs.
- Ah !
Une silhouette venait d'apparaître devant moi et m'avait fait tomber en arrière.
- Oh, je suis désolé...
La forme s'accroupit et me tendit la main pour m'aider à me relever. Il appuya sur un bouton contre le mur et la lumière grésilla,  puis s'alluma. Je reconnus immédiatement le visage du valet personnel du prince, celui qui nous avait accueilli en début d'après-midi.

Princess dosen't cryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant