Partie 5 - Les mots ne soignent pas tous les maux

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- J'ai l'impression d'être un poids pour tout le monde et d'attiser la pitié. Sortir ? Ça m'intéresse pas microbe, en plus il neige avec cet engin de merde, je risque de pas aller bien loin.

Riad ne parle plus beaucoup. Il parle que quand il en ressent le besoin. Il ne veut pas sortir de sa chambre. Cette nouvelle vie a beaucoup de conséquences. Combien de rendez-vous a-t-on annulé ? Je ne les compte plus. Il boude la terre entière depuis sa sortie, je ne sais plus quels mots utiliser pour le consoler. J'ai usé mon stock de vocabulaires. Il me fait comprendre qu'il y a des douleurs difficiles à soigner avec des mots.

C'est tout frais, peut-être qu'il faut lui laisser du temps. Je me pose à la fenêtre de sa chambre et mate le spectacle que m'offre la neige. Il y en a énormément ce dimanche.

- Tu te rappelles quand on sortait faire des batailles de boules de neige ?

- Comment oublier que je gagnais toujours Reha ?

- Menteur ! J'étais la meilleure.

- Les rêves c'est en dormant. - un début de sourire se dessine sur ses lèvres pour s'effacer en quelque secondes -

- Tu te fous de ma gueule ? Je t'ai toujours mis des raclés. D'ailleurs je me suis toujours demandé comment tu faisais pour être si nul.

- Sah, j'espère pouvoir recommencer à te mettre des savons sous la neige.

- In sha Allah.

Pour la première fois depuis qu'il est dans cet état il glisse une parole positive sans une once de négativité. Peut-être que j'ai pas totalement perdu mon frère. Je m'approche de lui avec un regard espiègle. Je me penche et lui fait une étreinte. Il finit par me chasser de sa chambre à coup de coussin.

Je décide de sortir ; j'ai besoin de prendre l'air et surtout me changer les idées. Après une semaine métro-boulot-dodo, j'ai besoin d'un moment pour moi.

Je referme mon manteau. Je me retrouve devant mon bâtiment, la neige tombe sur ma tête, je lève les yeux au ciel.

Étrangement, ce temps me rappelle Mamadou. Il a la carrure même d'un thug. Tupac a mis ce terme au goût du jour. Ça en est devenu une mode. Pour se faire respecter, il faut se comporter comme le dernier des caïds. La tristesse du truc.

Notre histoire serait qualifiée de thug love dans certaines bouches. Notre vie entre ces blocs nous condamnent à vivre des histoires d'amour hors norme. Certaines jeunes filles rêvent de ce genre d'histoire. Être avec un Lion respecté dans le quartier. Je pense qu'elles ne savent pas que se faire malmener par un homme ce n'est pas de l'amour. Une vie de danger qui se résume à serrer les dents et attendre que le soi-disant homme de notre vie se range, pour finir avec le célèbre ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants. Le conte de fée revisité.

Un leurre.

La plupart de ces hommes finisse en prison. Ces petites poupées décident de les attendre avec patience et force. Elles aiment au point de sacrifier leur propre vie.

L'amour est d'une étrangeté incompréhensible. L'amour a l'air d'avoir plusieurs facettes.

- Salam Aleykoûm. Excuse-moi de te déranger, je cherche le bâtiment D.

- Aleykoûm Salam, c'est ici.

Une voix enrouée me sort de mes pensées. C'est une jeune femme. Le vent souffle et entremêle ses cheveux roux sur son visage. Elle est rousse flamme. Une couleur magnifique. Elle met de l'ordre dans ses cheveux. Elle lève les yeux pour le regarder ; de magnifiques prunelles vertes. Sa beauté me laisse bouche bée. Elle m'observe comme si elle me reconnaissait.Ça se voyait qu'elle hésitait à me poser une question. Elle dégage une mèche de cheveux s'étant posée sur ses lèvres. Elle finit par se lancer.

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