L’éclat de la lune se reflète dans l’eau, le ciel est parsemé d’une pluie d’étoiles. Il fait nuit noire. Nathan sort de sa voiture et marche en direction de la plage apparemment déserte. Il s’assoie dans le sable froid et humide. Il enlève ses chaussures pour pouvoir enfouir ses orteils dedans. La voix de sa femme, Ambre, résonne encore dans sa tête :
- Regarde comme c’est magnifique. Comment fais-tu pour ne pas aimer l’eau ?Ce fameux jour, le soleil était haut dans le ciel, une chaleur de plomb régnait mais le vent rendait l’air respirable. Nous étions main dans la main face à cette étendue d’eau salée presque aveuglante à cause des rayons du soleil qui reflétaient sa surface. Nous avions contemplé ce spectacle plusieurs minutes, sans bouger, juste elle et moi. A la suite de cela, Ambre avait voulu faire du jet-ski et lui l’avait observée depuis sa serviette de plage en lui faisant de grands signes quand elle lui en faisait. La voir heureuse et dans son élément le comblait de bonheur. Et même si lui haïssait la plage, chaque année il acceptait d’y aller. Il ne se serait jamais permis de priver sa femme de ce plaisir.
Depuis le plus loin qu’il se souvienne Nathan avait toujours détesté la mer et l’océan, ou plutôt, il en avait peur. Il n’a jamais su l’expliquer, mais la dernière fois qu’il a essayé de rentrer dans l’eau il y a 20 ans ça ne s’est pas tellement bien fini. Contrairement à lui, sa femme, elle, avait toujours adoré ça. Il possède d’ailleurs un album remplis entièrement de photos d’elle pendant leurs vacances. Ambre qui fait du surf, Ambre qui fait du ski nautique, Ambre qui nage… Sur toutes ces photos sa femme a le sourire, un sourire éclatant à en faire perdre les moyens de n’importe qui. L’eau était une source de bien-être, de plaisir, de bonheur pour elle. Et même si elle s’était déjà faite piquée par des méduses, même si elle avait déjà marché sur des oursins, elle n’a jamais eu peur de remettre un pied dans cette eau salée.
Nathan prend une grande inspiration. L’air frais remplit ses poumons et quand il expire par la bouche un léger nuage de fumée se forme mais disparaît aussitôt. Il tourne la tête sur la gauche puis sur la droite, il est seul face à cette immensité, seul face au ciel étoilé. Il se sent soudain minuscule face à ces kilomètres et kilomètres carré d’eau, en dessous de cet univers infini, comme un grain de sable au coeur du Sahara.
L’Afrique a d’ailleurs été une de leurs destinations de vacances un été. Ils avaient optés pour l’Afrique du sud et leurs plages à perte de vue. Le lendemain de leur arrivée le couple était allé à la plage de Kraalbaai, un endroit paradisiaque où ils avaient pique-niqué. Ambre lui avait préparé son sandwich préféré et Nathan s’était chargé de leur servir une boisson bien fraîche, une limonade avec du jus de citron : la boisson préférée de sa femme. Elle avait passé une heure dans l’eau turquoise de cette plage pendant que lui bouquinait tranquillement sur le sable. Quand elle est revenue s’asseoir à côté de son mari elle l’avait éclaboussé sans faire exprès (ou du moins c’est ce qu’elle avait prétendu) en essorant ses cheveux. Nathan savait très bien qu’elle faisait ça à chaque fois juste pour le taquiner. Après un juron de la part du jeune homme, s’en suit le rire de sa femme qui sonnait comme une mélodie à ses oreilles. A cet instant il l’avait regardée et était tombé amoureux d’elle une seconde fois. Les creux que formait la peau autour de ses yeux, ses fossettes, le grain de beauté à côté de sa bouche, tous ces détails le faisaient craquer chaque jour qui passait. Il ne l’avait jamais autant aimé qu’à cet instant précis, du moins c’est ce qu’il s’était dit à ce moment là.
Les clapotis de l’eau le bercent et Nathan ferme les yeux mais les rouvrent immédiatement, coupable de se priver d’une tel beauté se trouvant sous ses yeux. Non loin de lui, il aperçoit un emballage de chewing-gum à moitié enfoui dans le sable. Il le prend et le met dans sa poche se rappelant à quel point Ambre haïssait la pollution en particulier celle des plages et des océans. Elle l’avait d’ailleurs convaincu de remplir une bouteille de mégots de cigarette à chaque plage qu’ils visitaient.
Les yeux de Nathan fixent l’horizon. C’est sur cette plage du sud de la France que lui et Ambre avaient passé leurs premières vacances. Ils avaient loué une chambre d’hôtel en bord de mer pour deux semaines. Le soir-même de leur arrivée ils avaient mangé dans un petit restaurant rustique. Ambre portait une jolie robe bleu marine qui allait parfaitement bien avec ses cheveux blonds qui flottaient au gré du vent. Cette pensée lui arrache un léger sourire et ses doigts touchent machinalement la montre qu’il porte au poignet, un cadeau qu’elle lui avait fait pour ses 33 ans. Le bracelet est fait de cuire noir, les aiguilles sont fines, les chiffres ont été remplacé par de simples traits. Il l’avait embrassée avec passion avant de la prendre dans ses bras.
Nathan remet ses chaussures, ses orteils prenant un peu trop le froid à son goût. Il se lève doucement tout en continuant à fixer l’horizon. Il prend alors une grande inspiration, il y a toujours ce petit nuage de fumée qui se forme et se dissipe instantanément. Il fait un pas, puis un autre, et encore un autre, jusqu’à ce qu’il se retrouve à la limite entre la terre et la mer. Nathan observe les petites vagues s’écraser contre le sable l’une après l’autre et n’entend rien d’autre que le bruit de l’eau. Lentement, il se baisse pour enlever ses chaussures et remonter le bas de son pantalon. Il place les bras le long de son corps, les poings fermés. Il hésite un instant, mais il doit le faire, au moins une fois. Il le doit. Fermant les yeux et rassemblant son courage, Nathan fait un pas de plus, le pas qui le séparait de sa peur. L’eau glaciale vient frapper sa peau ce qui lui arrache une légère grimace. Il éprouve un sensation de stresse, de panique.
Nathan lève alors une nouvelle fois les yeux vers le ciel et distingue la Grande Casserole qui fait partie de la constellation de la Grande Ourse. Sa peur disparaît soudainement, tout est calme. Il n’entend plus rien, comme si une bulle s’était formée autour de lui. Il se contente de se taire et d’observer. Les étoiles sont si belles qu’il en a un frisson, et dire que certaines d’entres elles sont déjà éteintes, pourtant elles brillent toujours. Nathan est quand même là, à admirer cette infinité de points scintillants. La nature est magnifique et tellement puissante.
La Terre n’appartient pas aux Hommes, ce sont les Hommes qui appartiennent à la Terre. Et depuis un an aujourd’hui sa femme appartient à la mer, à l’océan.
- Je t’aimerai toujours, Ambre.
Contrainte : la mer.
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Histoires courtes.
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