Chapitre 1 : Retour aux sources

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Je la revois, écrasant tout sur son passage, tout Arcadia Bay. Je sens encore son souffle alors que je me tenais sur la colline du phare à l'écart de ce carnage. Je ressens encore les ténèbres de ce monstre de la nature. Cette tornade a ravagé la ville où je vivais, l'académie où j'étudiais la photographie et la vie de mes proches même ceux avec qui l'entente n'était pas au beau fixe. Comme quoi mère nature ne fait pas de différence entre les bons et les mauvais.

La cause de cette tornade ? On aurait pu lui donner mon nom : Maxine. Je suis la responsable de ce cauchemar. Enfin, mon pouvoir plaide coupable. A force de remonter le temps et de le modifier, j'ai créé des réalités alternatives et par la force des choses, la nature s'est détraquée et des baleines se sont échouées sur la plage, de la neige est tombée en plein mois d'octobre, deux lunes ont été aperçues dans le ciel, et le lendemain, Arcadia Bay était rayée de la carte...

C'était il y a sept ans mais ces images hantent mes nuits car j'aurais pu éviter tout ceci. Mais si je laissais cette ville en paix, je perdais ma meilleure amie quatre jours plus tôt en voyant cet abruti de Nathan Prescott abattre de sang-froid Chloe pour une histoire de dettes suite à un trafic de drogue dans les toilettes des filles de l'académie Blackwell (ou Blackhell comme l'a renommée ma chère copine dans ses livres de cours).

D'ailleurs, sept ans plus tard, nous n'avons pas changé. Moi toujours la petite fille gentille mais avec une sale répartie quand on me taquine un peu trop méchamment et toujours à tout prendre en photo comme si mon pouvoir ne suffisait pas à arrêter le temps. Et Chloe, toujours la rebelle un peu trop folle, déterminée à contrer les ordres au péril de sa vie, munie d'un joint dans la main droite pour apaiser ses émotions et faire croître son inspiration vers sa main gauche tenant un marqueur avec lequel elle s'amuse à dessiner tout ce qui lui passe par la tête, des œuvres que je ne manque jamais d'immortaliser dans mes pellicules avant qu'un agent de nettoyage se permette de la censurer.

Enfin, nous avons quitté Arcadia Bay pour nous installer en colocation à Seattle afin que je puisse retrouver mes parents et Chloe quitter cette ville qu'elle a toujours détestée et qu'elle a toujours rêvé d'abandonner pour voir le monde.


Et vu qu'on parle du loup, elle entra subitement dans ma chambre, portant un bermuda noir et un t-shirt blanc sur lequel elle a dessiné au feutre noir notre emblème, un bateau de pirate. Elle mit ses cheveux teints en bleu derrière ses oreilles et me regarda d'un regard tendre et protecteur avant de me crier dessus : « Tu es obligée de me rappeler toutes les nuits que ce foutu patelin a existé ?

- Je suis désolée, Chloe, j'aimerais tellement que ça cesse de me hanter... »

Elle me sauta dessus et me serra dans ses bras pour me réconforter comme elle le fait depuis notre plus tendre enfance, puis ferma les yeux et s'endormit contre moi. Je n'ai jamais pu lutter contre elle à cause de mon gabarit de moucheron, mais sa présence me donnait un sentiment de sécurité même si le confort n'y était pas. Alors, je souris, pris mon portable et regarda mon site préféré de photographie. En première page, le logo PP pour Perfect Pictures s'affichait puis s'estompait pour laisser apparaître les derniers articles du moment. Mais tout à coup, je me suis redressée, envoyant valser parterre Chloe qui fut réveillée brutalement et elle vit mon regard se figer sur mon écran de téléphone. Elle me connaissait assez pour savoir que j'étais terrifiée donc elle me prit mon smartphone des mains et me secoua pour que je reprenne peu à peu mes esprits avant de jeter mon iPhone X sur mon lit et courut dans sa chambre. En première page, un article présentait une photo d'une jeune femme aux cheveux châtains coupés au niveau de la nuque portant un pull à capuche gris et prise en photo de dos, regardant un mur rempli de photos. Cette femme, c'était moi, il y a sept ans, dans ma chambre d'étudiante de l'académie de Blackwell. Et Chloe avait pris cette photo. Mais si le fait que cette photo provienne de mon appareil et qu'elle a été faite quelques jours avant l'apocalypse d'Arcadia Bay soit déjà flippant, le plus terrifiant est qu'une seule personne était en possession de cette photo le jour du drame. Cette personne n'est autre que le fumier qui a joué avec les sentiments avant de droguer, certainement violer et assassiner sauvagement Rachel Amber, la meilleure amie de Chloe quand j'ai quitté Arcadia Bay pendant deux ans pour partir avec mes parents à Seattle. Cet homme, c'est l'ancien Professeur d'arts de Blackwell, Monsieur Mark Jefferson. Quant à la possession de ma photo, je lui ai donnée dans le cadre d'un concours de photographie qui aurait pu me permettre d'exposer mes œuvres dans une galerie d'art à San Francisco. La question la plus mystérieuse et importante que je me pose est de savoir comment cette photo est arrivée sur ce site sept ans après les événements. Jefferson a été arrêté par le beau-père de Chloe, David Madsen, le soir de la tempête et a sûrement dû prendre une peine de prison à perpétuité. Alors, comment cette photo a pu être publiée ?

Quelques minutes plus tard, Chloe se pointa devant la porte de ma chambre restée ouverte, portant son jean déchiré aux genoux préféré, un débardeur noir avec l'œil de la Providence imprimé en dessin fait à la craie blanche et la veste en cuir rouge bordeaux que lui avait offert Rachel avant de disparaître. Elle me regarda en mettant son bonnet noir sur sa tête et en soulevant une énorme valise fermée. Je la regardais, à la fois éblouie par sa classe que je lui ai toujours enviée et curieuse de savoir dans quelle aventure elle avait décidé de m'emmener cette fois. Mais le regard que je vis dans ses yeux bleus perçants montrait à la fois de la tristesse et une haine profonde qu'elle parvint à canaliser pour une fois. Pas de doute, ce matin, nous allions repartir pour notre fief d'enfance où le bonheur des amitiés fut brisé à tout jamais par la faucheuse et mère nature. Je me changeais donc, en prenant les premières affaires dans mon armoire, un t-shirt gris, mon fameux pull à capuche gris, un jean bleu classique, une culotte blanche, des chaussettes basses de sport bleues et mes chaussures en toile Converse blanches, m'habillais, pris le reste des affaires et les mis dans une valise que j'avais rangée sous mon lit pour ce genre d'occasions. Je regardais mon réveil sur ma table de chevet, il indiquait une heure et quarante-et-une minutes à la date du 9 juillet 2015. Et le monde se figea à cet instant. Mon pouvoir qui s'était fait discret depuis notre arrivée à Seattle revint plus fort que jamais. Et je profitais de cet arrêt temporel incontrôlé pour comprendre que la date et l'heure affichait le code postal d'Arcadia Bay : 97141. Puis, le temps reprit son cours sans que j'intervienne et je lançais un regard à Chloe qui voulait dire (pour reprendre la série Doctor Who chère à mon amoureux de l'époque Warren Graham) : « Allons-y Alonso ! ».

Quelques minutes plus tard, nous étions en bas de notre immeuble sur le parking, et nous mîmes nos valises à l'arrière du pick-up de Chloe, un Ford F150 de 1982 qu'elle avait déniché à la décharge d'Arcadia Bay le jour de sa rencontre avec Rachel. La peinture beige se mêlait au rouge de la rouille sur les portières et Chloe n'avait toujours pas réparé le trou dans le châssis côté passager - une planche en bois vissée nous empêchait de voir la route sous nos pieds - ni changé la banquette sur laquelle Rachel avait saigné abondamment suite à une altercation avec leur dealer Frank Bowers et son acolyte Damon Merrick, ce dernier ayant poignardé la belle au bras pour protéger mon amie. Elle avait juste mis un drap de plage pour cacher les tâches non parties lors du grand nettoyage à notre arrivée à Seattle.

Alors que je montais côté passager, Chloe resta un instant à réfléchir puis sortit une cigarette et un briquet de ses poches et commençait à fumer. Je sortis de la voiture et m'approchait d'elle en lui demandant :

« Je peux te taper une clope ? » Je n'avais jamais fumé avant ce jour mais je stressais tellement à l'idée de retourner sur les lieux des traumatismes de nos vies respectives. Chloe regardait toujours l'horizon nocturne et me tendit son paquet de cigarettes Marlboro. J'en pris une et l'alluma tout en tirant dessus et je me mis à tousser en recrachant la fumée avant de retirer une fois dessus. Chloe riait doucement et me dit :

« Ca va tu tiens le choc, la première taffe j'ai cru que j'allais gerber mon œsophage et j'ai dû passer la nuit dehors pour respirer de l'air frais.

- Ah tu vois Arcadia Bay t'a laissé des bons souvenirs quand même, lui répondais-je en explosant de rire.

- D'ailleurs, quel est ton meilleur souvenir là-bas ?

- Pour moi, c'était notre dernière aventure pirate avant mon départ car ce jour-là tu as su me faire profiter de l'instant à fond. Et toi ?

- Moi c'était quand on a fait cette journée pancakes avec mes parents quand ils étaient encore présents...

- Il faut qu'on retourne à Arcadia Bay. J'espère que les dommages n'étaient que matériels...

- Si c'était le cas, on aurait eu des nouvelles depuis le temps. »

Puis elle écrasa sa cigarette à peine consumée et monta au volant de son pick-up en claquant la portière. Je jetai ma clope et la rejoignais sur la banquette. Elle mit la clé dans le contact et je compris que nous étions pour de bon sur le départ pour notre ville de naissance. En voyant la crispation et la colère de Chloe, je mis rapidement ma ceinture de sécurité et elle démarra sa bagnole et accéléra brutalement en mettant les pleins phares, et j'entendais les pneus crisser sur l'asphalte. Nous étions parties pour environ cinq heures de route. Premier arrêt pour le petit déjeuner au Two Whales Diner où travaillait la mère de Chloe, en espérant que rien n'ait changé malgré la tempête et que Joyce Price prépare toujours aussi bien les pancakes...

Life Is Strange : Back To The SourcesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant