Quittant les sources thermales, Ovide allait d'un bon pas à la quête de son destin. Il avait maintenant une promise, femme qui deviendrait sûrement sa muse, et il pourrait sans doute écrire l'éloge d'Auguste grâce à elle. Lorsqu'il fermait les yeux, il se l'imaginait. Une grande blonde, aux yeux pétillants, aux lèvres fraîches comme la rosée, à la peau de satin, aux seins...
-Ovide ! C'est pour aujourd'hui ou pour demain !
Dans un soupir, le poète ouvrit les yeux pour tomber nez à nez avec sa chère Gisèle, seule "femme" de sa vie pour le moment. De son charisme bovin, et aidée de ses deux dents dépassant de sa bouche, la lama broutait un brin d'herbe juste sous le nez de son maître.
-Ecoute moi bien, mon p'tit... On devrait partir tout de suite en direction de ton objectif, sinon on va être pris dans les bouchons, et je te raconte pas la galère pour en sortir !
-Nom de Zeus ! Tu as raison, tendre Gisèle ! Les toges jaunes !
La fameuse haussa un sourcil, alors Ovide lui désigna de l'index la sortie de Rome, où tout un tas de charrettes et autres personnages non importants s'entassaient déjà.
-Les quoi ? l'interrogea son fidèle destrier quand ils s'engagèrent tous deux vers l'embouchure bouchée.
-Les toges jaunes, ma douce ! Ne suis-tu donc point l'actualité !? Ils font la une sur BFMTablette ! Des citoyens mécontents du règne d'Auguste qui viennent revendiquer leurs droits sur chaque rond-points qu'ils croisent !
Une mélopée s'éleva dès lors, entre les grognements des Romains bloqués, un chant paillard braillé à tue-tête. Ovide en nota dans un coin de son crâne le rythme et la musicalité. Par pure facilité scénaristique, et parce qu'il est tout de même le héros, le jeune homme parvint à traverser la foule à coup de coude, suivie par Gisèle. Plus ils progressaient, plus les éclats de voix redoublaient de vigueur.
-LA VILLAGEOISE ! HE HE HE ! LA VILLAGEOISE ! HE HE HE !
Décidément, ces toges jaunes avaient le rythme dans la peau ! Bien que cela puisse déplaire à certains... Ovide scrutait cette masse fluorescente s'agiter, un petit sourire aux lèvres, battant la mesure de son pied. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas entendu de si charmants accords. Un membre du parti aperçut les minces gesticulations du poète et il décida alors d'ouvrir la conversation, persuadé qu'il s'agissait d'un adhérent au mouvement.
-Ave Ovide ! Alors comme ça, toi aussi tu es une toge jaune ?
Toutes les têtes intriguées se tournèrent vers le héros qui, bouche bée, commença à nier. Son interlocuteur haussa un sourcil broussailleux, ce type n'avait pas du tout l'air commode...ni l'air tabouret d'ailleurs... et encore moins étagère...
-Parce que crois moi, les espions d'Auguste qui essayent de s'infiltrer dans nos rang ne font pas long feu ! hurla l'homme aux épaules immenses (et au corps immense en fin de compte...). Ses troupes le suivirent par une poignées d'éclats de voix.
-Le dernier qu'on a choppé, on l'a jeté aux lions ! fit une femme dans la foule, ce qui arracha une vive vague de rire au reste de l'assemblée.
Ovide commençait à regretter de s'être autant approché, et Gisèle ne bougeait pas d'un iota pour le sortir de cette situation délicate.
-Je suis Lucius Caius GrandeGueulus ! reprit le gigantesque citoyen revendicateur. Donc petit poète ! Es-tu un traître ?
Le silence qui suivit fit perler d'abominables gouttes de sueur sur le front du pauvre Ovide. Ce dernier n'osait même pas regarder ailleurs, happé par l'imposante carrure du toge jaune. Il lui fallait improviser et vite ! Une quête tout juste commencée ne pouvait pas se finir de la sorte, aussi prématurément ! Il fit appel à tous les dieux imaginables pour que ceux-ci lui donnent un léger coup de pouce, voire carrément un coup de poing.
-C'est-à-dire que... Je... Vous allez rire mais... J'ai... J'ai oublié ma toge à la maison ! Ah Ah ! Quel maladroit je fais ! Vive la villageoise hein ! Ouais !...
Son poing maigrelet levé atteignait à peine le menton de Lucius. L'interruption des bavardages lui sembla si longue que notre héros vit défiler toute sa courte vie devant ses yeux, et son petit squelette tremblait d'une manière tout à fait lamentable. Cependant, un sourire naquit sur le visage du géant fluo. Il entrouvrit les bras et écrasa Ovide contre lui, sans oublier les acclamations des autres partisans. Notre héros passa de bras en bras, sous les rires de Gisèle qui ne le quittait pas, pour enfin se retrouver propulsé à l'écart du groupe reparti dans d'incroyables couplets musicaux.
Ovide crut enfin pouvoir respirer, en bordure de Rome. Mais il sentait dans son dos le regard de Lucius, il lui était donc impossible de fuir sans avoir fini cette manifestation du jour. Pourtant, il n'y avait pas une minute à perdre ! Les yeux du poète se fixèrent soudainement sur un étrange toge jaune. Lui aussi semblait à l'écart, flottant dans sa toge luminescente, une grande mèche de cheveux noirs lui barrant le visage. Il fallut très peu de temps à Ovide pour comprendre à qui il avait désormais affaire.
-Tibulle ! Alors toi aussi t'es un toge jaune !
-Ferme la... Je préfèrerais une toge noire... De toute façon, la vie, c'est de la merde...
Le connu et reconnu Tibulle, l'émo le plus émo de Rome, celui qui a rendu populaire le crayon khôl et le look gothique l'espace de deux jours, se tenait devant le petit poète.
-Enfin Tibulle ! Ne dis pas de telles inepties ! Regarde, le soleil brille dans le ciel, nous sommes...
-Il est moche ton soleil, en plus y'a des nuages., grogna le jeune homme au bord du gouffre psychologique. De toute façon, chuis malade. J'vais crever, dude. Oui, oui, crever comme un chien !
Le personnage douteux se mit à renifler et Ovide crut voir des larmes faire couler les ténèbres de ses yeux.
-Chuis trop jeune pour mouriiiiir ! J'veux ma mamaaaaaan !
Tibulle se jeta aux pied du poète, ce dernier lui tapota le haut du crâne d'un air compatissant.
-Tu ne vas pas mourir Titi ! Tu es en pleine forme !
-Puisque je te dis que c'est fini pour moi !, poursuivit le pleurnicheur, les lèvres tremblantes. J'ai prié Jupiter, mais il en a rien à secouer de ma misérable existence. De toute façon c'est à cause de Messala ! Moi je voulais paaaaas !!!!!
-Bon écoute, t'es bien gentil, mais j'ai pas que ça à foutre de consoler tous les timbrés du coin ! Donc tu sèches ton visage morveux qui est en train de dégueulasser mes nouvelles pompes et tu m'écoutes ! J'ai un plan pour nous sortir d'ici...
CHERS LECTEURS
Pour ce chapitre vous avez souhaité que l'on parodie un événement d'actualité : les gilets jaunes au rond point !À présent il est temps pour vous d'agir !
Pour le chapitre suivant, avec quelle astuce nos héros Ovide, Gisèle et Tibulle vont-ils s'en sortir ?
1) Tibulle fait une tirade mélodramatique
2) Gisèle crache sur tout le monde
3)Ovide se met à chanterVous devez choisir entre ces 3 propositions ! A vous de jouer !
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Théogonie ou l'Agonie des Dieux
HumorEn cours de réflexion, on a un titre c'est déjà pas mal