La flèche

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Noël approche et les rues commencent à givrer. Cet après-midi  j'abandonne mon petit studio d'étudiante où la seule chose à faire en cette période est de se laisser tomber dans son sofa et s'abrutir des journées durant devant des films de Noël.

Les meilleures histoires sont celles de la vie réelle. Celles que j'écoute attentivement au Café et que je note scrupuleusement dans mon journal –Il est toujours agréable de les relire sous la couette en buvant un chocolat chaud.– C'est pour cette raison que je me retrouve là, dans ce Café, à ma place habituelle ; assise à une table du fond dans un coin discret.

Les discussions que je perçois me rendent las. Elles ne me stimulent pas davantage que les feuilletons télévisés laissés au placard. On parle de cadeaux de Noël à droite, de repas de famille et d'allergies alimentaires à gauche, et enfin de Mme Gisèle qui est enceinte pour la septième fois en neuf ans –J'ignore qui est Mme Gisèle–

Je laisse mon regard traîné sur le dehors. J'aimerais qu'il neige mais il est encore trop tôt. Je tortille du bout des doigts une feuille de mon carnet ; j'hésite à me replonger dans mes anciennes aventures. Mais je me retiens, car je sais que si je cède, une fois absorbée, je louperai alors une conversation intéressante. Et il ne le faut pas, ce serait manquer à mon rôle.

Cela fait déjà quelques longues minutes que je suis là. Il va falloir que je commande quelque chose au risque de me faire renvoyer du Café. J'appelle donc le serveur pour commander un thé de Noël. Lorsque ce dernier, ayant pris note sur son calpin, part en direction des cuisines, la sonnette du Café m'alerte que de nouveaux clients arrivent.

Je n'ai encore vu aucun des nouveaux visages mais, instinctivement, je me retourne en hâte. Je suis persuadée – et mon expérience m'y aide– que mon aventure passionnante du jour se trouve dans le vécu de ses deux lycéennes.

Je ne les quitte plus du regard mais tente tout de même d'avoir l'air de regarder ailleurs, pour ne pas attirer l'attention et les questions des clients (y compris de mes aventurières) sur mon activité excentrique.

Le serveur arrive avec mon thé. Nous échangeons les politesses qui se prêtent à la situation puis il repart. C'est à ce moment là que les deux jeunes filles commencent à parler. Timing parfait !

– Bon alors, comment ça se passe ?

– Ça se passe... Si on peut dire. Il n'y a plus grand chose qui bouge.

- Et vous avez décidé quoi ?

- J'ai imposé une période d'éloignement de quelques mois. On se parlait tous les jours parce qu'on s'y sentaient obligé pour tenter de revenir à la normal. Mais c'était plus néfaste qu'autre chose.

- Il a dit quoi ?

– Que c'est une bonne idée. On l'a fait. Je lui ai dit que j'attendais que ce soit lui qui me fasse un signe quand il sera sûr de son choix. Il est revenu au bout de deux semaines.

– Rapide ton ami !

– Ce n'est pas mon ami. Et plus mon copain non plus. Là est le problème. Je ne sais plus ce qu'il est.

– Est-ce que tu sais au moins ce que tu voudrais qu'il soit pour toi ?

– J'imagine que oui. Revenir à notre situation passée ou alors qu'il ne soit plus rien. Pour arrêter de me poser des questions et me torturer l'esprit dès que je vois quelque chose en rapport avec l'amour dans ses stories. J'aimerais qu'il soit tout pour moi ; ou plus rien. Mais il n'est pas plus rien.

– Tu imagines ? Donc c'est que tu n'est pas sûre....

– Je ne fais que ça imaginer. Depuis le départ. J'imagine mon voyage, mon arrivée, la première fois que je le verrai de cher et d'os. Et c'est à force de trop imaginer et de le partager avec lui, d'avoir des plans sur la comète, que tout s'est écrasé.

– Tu devrais le laisser tu sais, votre relation n'est plus saine.

– Je sais, mais il ne veut pas et moi non plus. Il n'y en a pas un pour résonner l'autre. Et je me laisse volontier tromper. Je crois que ça me rassure ; au moins il ne partira pas avec une autre.

– Il veut quoi lui ?

– Aujourd'hui je ne sais pas. Mais lorsqu'il a essayé de me quitter, il voulait qu'on reste amis.

– Hmmmm.... Tous les mêmes ! Écoute, tu devrais lui poser la question de but en blanc. Tu serais beaucoup mieux !

– Je ne veux pas le brusquer....

– On parle d'un ado de 18 ans là, pas d'un enfant de 6 ans où d'un chiot traumatisé !

– Je sais bien, mais après cette pause de deux semaines, notre situation est moins tendues et plus naturelle. Je ne veux pas tout faire foirer.

– Mais tu ne veux pas non plus de ce naturel là.

– C'est mieux que rien... Et de toute façon, on ne peut pas avoir plus. Pas dans cette situation.

– Le mieux serait de lui parler de tout ça en face. De le voir en chair et en os. Prends l'avion aux prochaines vacances !

– Je ne peux pas. C'est l'année du bac, il faut réviser. Et je ne peux pas voyager seule, tu le sais très bien.

– Et si je t'accompagne ? On révisera dans l'avion. Tu ne te reposeras pas plus en restant ici à continuer de te tourmenter. On part pour les prochaines vacances !

– Ta mère ne voudra jamais. Je serai majeure en février, mais pas toi. Et je ne peux pas y aller seule...

– Eh ! Je suis en train de me dire...

– Quoi ?

– Je crois que Cupidon est un sacré connard !

– Lui et moi aussi.

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Hey tout le monde ! J'espère que ça va pour vous. Personnellement j'ai de gros problèmes de pertes d'inspiration depuis très longtemps. Mais je reprends aujourd'hui avec cette nouvelle. C'est une tentative, je suis pas certaine qu'elle soit superbe.

A vous de me dire ce que vous en avez pensé. 🎄

La traqueuse de conversationsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant