Chapitre 3

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A vingt-heures, Raph était prêt à partir, en costume de Batman au milieu de sa petite chambre. Allongé sur son lit, Alexis regardait défiler ses stories, son téléphone coincé entre deux coussins. Il leva les yeux son ami enfin présentable et l'air un tant soit peu vivant. Il lui sourit en lui tendant une main pour qu'il l'aide à se relever.

« T'es prêt ?

- A partir oui.

- Prêt à réparer tes conneries. »

Raph grimaça. Il attrapa ses clefs qu'il ne pouvait mettre nulle part et tout deux prirent la direction de la soirée. Même la pluie, le vent et la boue ne purent le détourner de son but. Il était décidé. Il n'arrivait de toute façon pas à faire sans lui. Et puisque de toute façon tous les amis étaient déjà persuadés qu'ils couchaient ensemble depuis des années dans la plus grande sérénité, qu'est-ce qui le retenait encore ? Leurs parents étaient loin, ils étaient adultes et libres de ce qu'ils faisaient désormais.

Il ne dit rien à ses autres amis qu'il salua en arrivant. Chacun fut content qu'il soit venu, le félicitèrent pour son costume et lui offrirent un verre. Il ne fit attention à rien de cela. Quelques minutes après son arrivée, assis au fond d'un fauteuil, il repéra cette fille aux cheveux roses qui était devenue la meilleure amie de Dari depuis la rentrée. Il ne la lâchait pas du regard, si bien que se sentant observée, elle finit par tourner les yeux vers lui. Ils se défièrent quelques secondes, puis la première elle se détourna et s'engagea au milieu du groupe de personnes qui dansaient.

Raph s'en voulu. Il ne l'avait pas vu. Pas reconnu. Alors que c'était lui qu'il cherchait. La fille aux cheveux roses alla jusqu'à lui, puis montra Raph du doigt. Dari posa un regard si infime, si bref, comme un coup de vent sur Raph avant de se détourner et de se remettre à danser. Il portait un costume de fée. Raph n'en revenait pas, un costume fait en tissu vert, comme une toge de romain serrée à sa taille, si transparent qu'on voyait qu'il portait un caleçon noir en dessous. Et sur son visage, de longues larmes en paillettes. Son corps si dénudé pour lui qui était si pudique, lui qui dansait seul alors qu'il détestait danser devant les autres.

Putain qu'il était beau. Ses boucles couleur miel ambré et les taches de rousseur en constellation sur son nez. Son nez retroussé et sa bouche de poupée. Putain qu'il était triste, seul à danser au milieu des autres, son petit corps perdu dans la foule. Ses yeux fermés levés vers le plafond et les larmes de paillettes qui maculaient ses joues de milliers d'éclats de lumière. En silence, Raph se leva, l'âme vaillante et le cœur conquérant. Il se moquait de ceux qui l'entouraient, de ses amis qui lui demandaient où il allait. Il se moqua de la fille aux cheveux roses qui voulut l'empêcher de passer.

Ses deux grandes mains se posèrent sur les hanches tendres de son ami. Son meilleur ami, celui pour lequel il avait toujours eu tant d'affection. Celui qui lui avait volé son cœur au premier regard.

Dari ouvrit les yeux. Un regard rempli de vraies larmes qu'il posa sur Raph. Il l'avait reconnu, son parfum toujours le même, qu'il mettait tous les matins sans exceptions. Même le dimanche. Trois pulvérisations sur le torse, une dans la nuque. Ce parfum que Dari lui piquait discrètement quand il repartait le matin après avoir dormi chez lui. Ce parfum qui imprégnait la moitié de ses sweats et tee-shirt dans son placard.

« J'ai vraiment été le plus grand des abrutis.

- Tu l'es toujours. »

Raph sourit. Dari boudait, son petit nez froncé, ses yeux plissés. Il savait comment faire pour que Dari ne boude plus. Comme il l'avait si souvent fait, il se pencha. Il était tellement petit Dari, sa tête qui dépassait à peine de son épaule. Il avait toujours été si fragile contre lui, Raph avait toujours eu si peur de le blesser. Et il avait fini par le faire. Refoulant sa tristesse et ses remords, il vint frotter son nez contre celui de Dari qui avait naturellement levé la tête. Il passa ses bras autour de lui pour venir le serrer contre son torse. Contre tout attente, il sentit Dari qui essayait de se dégager pour venir l'enserrer à son tour.

S'autorisant aujourd'hui ce qu'il ne s'était jamais autorisé devant les autres, il plongea sa tête dans son cou, complétement tordu pour être à sa hauteur et s'enivrer de son odeur. Mais Dari recula pour lui faire face, pour pouvoir le regarder.

« Pourquoi tu es parti ? »

Il n'avait pas parlé fort, mais Raph avait compris. Il soupira, se rapprocha à nouveau pour combler cette distance que Dari mettait entre eux.

« J'ai eu peur, avoua-t-il. On s'était toujours interdit de...

- Tu m'as fait mal Raph. Nous ne sommes plus des enfants. Je t'ai ouvert mon cœur et...

- Je sais. Je m'en veux tellement, tu me manques tellement ! Je n'ai toujours eu que toi, je deviens fou de devoir vivre sans toi.

- Tu ne m'as pas vraiment laissé le choix.

- J'ai essayé de t'appeler, de venir chez toi...

- Une semaine après ! Une semaine à pleurer toutes les larmes de mon corps sans rien pouvoir dire à personne ! Et puis tu m'aurais dit quoi ? « On oublie et on fait comme si de rien n'était » ? »

Raph se mordit la langue. C'est ce qu'il lui aurait dit oui, à ce moment-là. A la fin du mois d'août. Quand il ne savait pas encore ce que ça faisait de vivre sans Dari, dans l'ignorance et le rejet.

« Si tu m'embrassais encore, si tu le faisais aujourd'hui, je ne te dirais pas ça.

- Mais tu partirais encore. »

Dari recula d'un pas, prêt à faire face à un nouveau rejet. Raph le retient par le bras et le tira vers lui. En un mouvement, il le souleva de terre. Dari lui paraissait si léger, plus léger encore qu'avant. L'autre ne dit rien, accepta de se laisser porter. Leurs visages étaient proches et désormais à la même hauteur. Si quelques têtes se tournèrent vers eux, intriguées, Raph ne s'en soucia pas. Il ne voyait plus que lui, lui qu'il pouvait enfin toucher, retrouver.

« Non. Je resterais là, pour t'embrasser à mon tour, pour t'embrasser encore, encore et encore, autant que tu le voudras. Je resterais au près de toi pour te montrer comme je t'aime, comme je t'ai toujours aimé mais comme j'ai été trop con pour te le dire. »

Et sans laisser le temps à Dari de répondre, parce qu'il avait trop longtemps attendu, il captura ses lèvres. Si tendrement, si chastement, mais son corps fut soudain si chaud. Dari sourit puis rit, rejetant sa tête en arrière sans que Raph ne l'ai reposé au sol.

« Viens avec moi, souffla Dari contre sa bouche.

- Hors de question que je te repose au sol. Je te garde là.

- Alors va tout droit, au fond du couloir.

- Il y a quoi là-bas ?

- Toi et moi. »


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 Libres sont ceux qui veulent s'arrêter là. Pour les autres, le "toi et moi" sera en bonus dans la soirée ;)

Always together [OS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant