Depuis quelque temps, je m'adonne à un exercice que j'affectionne tout particulièrement. J'observe des photos, jusqu'à ce que l'une d'elles m'inspire. Je l'enregistre, et commence à écrire ce qui me passe par la tête. Je fais de l'écriture automatiq...
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Elle entre doucement dans l'eau froide du lac. Un doux frisson glisse sur son échine, et un sourire s'esquisse sur son visage. C'est agréable, cette fraicheur sur sa peau presque nue. D'un pas lent mais décidé, elle avance vers l'abîme sombre qui l'attend au milieu du lac. Petit à petit, le sable de la berge se transforme en de larges pierres glissantes. L'eau attrape le tissu fin de sa robe, elle ressemble à un arum solitaire au milieu d'un champ d'herbe. L'étoffe du vêtement flotte autour d'elle, l'encerclant d'un halo blanc. L'eau fraîche grimpe jusqu'à sa taille. Les battements de son cœur s'accélèrent. Son souffle se fait court. Il n'y a aucun moyen de faire marche arrière, elle le sait. L'eau arrive au niveau de ses épaules, ça y est, elle flotte. Tout son corps s'imprègne de ce sentiment de flottement, elle le connaît si bien. Elle baigne dans la douleur depuis tellement longtemps. Allongée sur le dos, vulnérable, elle se laisse aller à la rêverie. Son esprit part à la dérive, ses pensées tourbillonnent et commencent à créer au loin une tornade de désespoir.
Qu'y a-t-il au fond de ce lac ? Personne ne le sait. Elle imagine des sirènes, qui comme elle, sont venues glisser leur corps meurtri dans le lac. Le bleu de l'eau vient effacer les siens, c'est comme si ses chaines se brisaient soudain. La voilà enfin libre. Mais ce beau tableau est brusquement troublé par une onde malsaine. Le monstre des profondeurs de son esprit la ramène sauvagement sur le rivage de la réalité. Mais ce n'est pas sa place, plus maintenant. Elle n'est pas venue ici pour flotter entre deux mondes. Le monde des Hommes ne l'intéresse plus, elle veut rejoindre les sirènes du lac. Un monde où elle sera enfin libre, un monde où les seules règles seront les siennes.
Le soleil descend doucement à l'horizon. Elle se redresse, à présent totalement immergée au milieu du lac. Ses cheveux flamboient dans la lumière du couchant, et ondulent autour d'elle. Les reflets d'or de l'astre du jour leur donnent une couleur fabuleuse. Sous l'eau, elle entend au loin le chant des oiseaux, la mélodie du vent qui fait danser les grands arbres du lac. Tous ses sens s'éveillent. Elle se transforme.
Mais le monstre est toujours là. Tapis dans l'obscurité, il attend. Il est à l'affut d'une faille. Elle ne lui laissera pas de chance cette fois-ci, c'est fini. Elle s'en va, elle va rejoindre les sirènes. Elle en est sûre, c'est la bonne solution. Et comme un écho à ses pensées, une douce mélodie lointaine parvient jusqu'à elle. Un chant d'une douceur enivrante l'apaise à présent. Elle aussi, elle veut chanter. Doucement, les yeux clos dans l'obscurité du lac, elle ouvre la bouche pour fredonner. Elle prend une grande inspiration, laissant l'eau se déverser dans ses poumons. Le liquide va les alourdir, jusqu'à ce qu'ils soient aussi lourds que son cœur. Ce poids l'emporte vers le fond, mais ce n'est pas douloureux, au contraire. Son esprit s'éteint progressivement, elle le sent. Elle ouvre les yeux, et devant elle, des spectres informes s'avancent. Petit à petit, ces apparitions deviennent de plus en plus marquées. Entourées d'une émanation turquoise, les sirènes du lac lui tendent les bras. Elle se laisse emporter, avant que tout s'éteigne pour de bon.
