silence kills | jikook

𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐍𝐄𝐔𝐅

☙☙☙

    Yoongi est resté dormir chez moi. On n'a rien fait, à part dormir. Il me l'a proposé, pour me changer les idées, mais je lui ai plutôt demandé de me laisser le joint entier pour décompresser. Il me l'a passé, sans dire un mot de plus. Je sais qu'il est touché de me voir dans cet état, et que je suis le seul obstacle qui l'empêche d'aller passer Jimin à tabac. Il a de suite compris que j'avais besoin de lui à mes côtés.

    Profitant de mon état, il m'a tout révélé, sans faire de pause particulière, à part pour reprendre sa respiration. Il m'a dévoilé que depuis des années il se faisait frapper par son père, que sa mère ramenait ses amants sous son propre toit, et qu'une bande de gars plus âgés le rackettait.

    Malgré la drogue qui m'était clairement montée à la tête, je n'avais rien oublié. Et quand je l'ai pris dans mes bras le lendemain, il a de suite compris que désormais, je connaissais la partie de sa vie qu'il s'était efforcé de me cacher pendant tout ce temps.

    On a longuement fumé, et l'alcool s'est rajouté un peu plus tard. L'état dans lequel les deux substances m'ont plongé m'a fait du bien. Du moins, sur le moment, car la tristesse pesante du rejet du blond est revenue aussitôt leurs effets dissipés. 

    Le jour s'est levé, puis s'est recouché, sans que nous ayons bougé du canapé. Le cendrier posé sur la table basse est rempli de mégots, et de nombreux cadavres de bouteilles vides jonchent le sol, ainsi que ladite table. 

    « Et si on se faisait un trip, tous les deux ? » dit mon meilleur ami d'une voix sourde.

    Ses yeux sont dans le vague, et pas uniquement à cause de son état. Lui aussi, est épuisé. Épuisé de son quotidien, de la vie en général.

    « Un trip ? Où ça ? Et quand ? »

    Devant mon empressement, un léger rire franchit la barrière de ses lèvres roses. Dans l'obscurité de la pièce, la pâleur de sa peau ressort d'autant plus. Ses pupilles couleur écorce me sondent, en silence. 

    « On sèche toute la semaine pour aller à l'île de Jeju. T'imagines ? Une semaine entière à la mer. On pourrait se faire une bataille de châteaux de sable. » sourit-il, taquin. 

    « C'est loin ! et on n'a pas de thunes, Yoon'. » gémis-je en prenant une bouffée de nicotine. « Ne me vend pas du rêve pour rien. 

    « On n'a pas de thunes, mais mes parents, si. »

    Un sourire malicieux se dessine lentement sur son visage. Il reprend ma cigarette et l'apporte à ses lèvres. Je nous imagine parfaitement tous les deux, face à la mer, et s'amusant comme deux enfants. 

    « Mais s'ils le découvrent ? » murmuré-je.

    « Ils le découvriront. Mais on sera déjà loin. Et puis, je vais être majeur dans quelques jours. J'irais habiter chez ma grand-mère. Ça fait une éternité qu'on l'a pas vu : ils ne penseront pas à aller me chercher là-bas. À nous la liberté, Kook'. »

    Je baisse la tête sur mes doigts, qui tripotent nerveusement la capsule de ma canette de soda. J'ai peur pour Yoongi. Il a toujours l'air fort, mais je sais qu'à l'intérieur, tout s'écroule.

    J'attrape sa main dans la mienne et j'entrelace nos doigts. On se regarde pas. On n'en n'a pas besoin. Les actes sont là à la place des mots, comme toujours. Yoongi se laisse aller dans mes bras, sans un mot, et nous restons longtemps entrelacés l'un contre l'autre, à regarder le plafond miteux de mon minuscule appartement.