Chapitre 1

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- Ça y est, je me casse. Bonne fin d'année, Bénédicte ! lancé-je à la secrétaire de ma boîte en traversant le hall d'accueil d'un pas déterminé.

- Super, bonnes vacances, Lisa et joyeux Noël d'avance !

Son sourire rempli de bienveillance est la seule image que j'ai envie de garder de cette année de folie au boulot, suite à ma promotion en tant que responsable webmarketing. Je suis en vacances tout le mois de décembre parce que je ne me suis pas arrêtée de bosser depuis belle lurette. C'est quoi, des vacances ? Parce que là, je ne sais plus. On m'a exploitée, lessivée, essorée dans tous les sens et je suis au bout de ma vie.

Déterminée à profiter de cette liberté comme si je sortais de 5 ans de prison, je m'élance dans le froid mordant, en faisant claquer mes talons aiguilles de 12 centimètres sur le pavé parisien. Mon allure de star, mon physique à la Tatyana Ali et mon aura naturelle sont trompeurs. J'ai l'air d'être la nana la plus épanouie de Paris. Mais c'est une publicité mensongère. Alors oui, je peux me targuer d'avoir un très bon poste à 27 ans, qui me permet entre autres de satisfaire ma passion pour les escarpins hors de prix qui font mal aux pieds (oui, je suis maso). Mais à côté de ça, j'ai pas de life et j'ai pas vu l'ombre d'une queue depuis un an. Je ne sais plus à quoi ça ressemble, ça non plus. Et comme j'ai pas de chance, alors que je suis à deux pas de la station de métro, un pigeon chie sur mon manteau en laine. Les vacances commencent bien.

Heureusement, je ne compte pas me laisser abattre par des merdes d'oiseaux, on a vu pire. Et c'est avec la ferme intention de sortir de ce désert affectif et sexuel que je rentre me poser chez moi. Débarrassée de mes fringues, je saute dans la douche, où je chante Stand by me de Ben E. King jusqu'à m'égosiller, parce que c'est la première chanson qui m'est venue en tête. C'est ma façon de manifester ma joie. Je suis libérée, délivrée des griffes de la machine infernale du travail compresseur, pour un mois.

C'est juste sans compter sur ma mère, qui à quelques semaines de Noël, me fatigue déjà au sujet des festivités à base de poulet au coco, de bûches plus belles que bonnes et de guirlandes fluo. En outre, elle ne se gêne pas pour me faire des rappels désagréables à propos de mon célibat, au cas où je l'aurais oublié.

- Oh, c'est dommage que tu sois encore seule cette année pour les fêtes.

- En effet, maman. Ce serait cool que le père Noël me ramène un mec, mais je suis pas sûre qu'il ait ça dans sa hotte.

Pas le temps de souffler, je me rends dans toutes les soirées parisiennes où il faut être, je tape mes plus beaux selfies sur Instagram où je n'ai rien posté depuis le siècle des Lumières, bref je suis au taquet. Une copine célibataire me conseille de m'inscrire sur l'application Tinder, parce que dit-elle, "la pêche a été bonne" pour elle. Alors c'est ce que je fais. Mais les rendez-vous foireux s'enchaînent, parce qu'il y a toujours un truc qui cloche. Souvent le type n'a rien à voir avec les photos, il n'a aucun sex appeal, des dents en moins, ou alors il a un QI de moineau.

Ce soir, je rentre d'un énième rencard tout pourri avec un agent immobilier macho et impoli. Ce malotru s'est permis de suivre un match de foot en direct sur son iphone pendant qu'on se parlait, parce que "tu comprends, c'est le PSG qui joue, je peux pas rater ça". Dans ce cas, pourquoi avoir accepté un rendez-vous ce soir avec moi, bougre d'imbécile ? Le gars m'a fatiguée et j'ai pris congé de lui assez rapidement, sans aucune cérémonie.

J'allume le chauffage, mais ma chaudière fait un drôle de bruit. Une heure après, je suis toujours en manteau à me peler les miches, les radiateurs sont restés froids et il caille autant chez moi que sur la banquise de l'Arctique. Les températures ont sensiblement baissé ces derniers temps, alors ce n'est vraiment pas le moment de se retrouver sans chauffage.

Frileuse comme je suis, je commence à paniquer à l'idée de me transformer en épouvantail congelé dans mon appartement. Je me précipite sur le premier numéro d'entreprise de plomberie-chauffage que je trouve sur Google. Une secrétaire m'annonce qu'un réparateur va venir à ma rescousse dès le lendemain matin. En attendant, je vais devoir faire chauffer de l'eau comme au Moyen-Âge pour me laver le cul et dormir avec 3 couettes. Nuit torride en perspective.

Il fera plus chaud à NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant