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Ma main serre la sienne tandis que ses yeux se lèvent vers moi. 

— Tu es glacial. 

Sa voix reste froide comme de la pierre. Je desserre mon étreinte, sans lui répondre. Un ange passe. Mon regard glisse sur le tableau de bord de la voiture. Un voyant rouge brille dans l'obscurité. J'ouvre la portière, et fais quelques pas pour atteindre l'avant du véhicule. Iris est restée à l'intérieur, mais je ne distingue plus son visage plongé dans la pénombre. Le vent cingle le mien, et mes doigts sont brûlants au contact de la tôle métallique. Je saisis le capot de mes deux mains, et le soulève au-dessus de moi. De la fumée remonte dans l'air. Une nuée blanche s'évapore au fur et à mesure de son élévation. Je rejoins Iris à l'intérieur de la voiture. 

— On ne pourra pas repartir ce soir. 

Une voix dans la nuit, un soupir parmi d'autres. Des rides plissent son front. Elle fixe les flocons qui s'accumulent sur le pare-brise. Maintenant, un tapis blanchâtre tapisse la vitre et l'empêche de discerner l'ombre des arbres, au loin. Je tourne la tête en direction de la fenêtre. Les néons bleus du motel devant lequel nous sommes garés grésillent. La main d'Iris se pose sur la mienne. Je ne fais plus un geste. Et la neige reprend de plus belle.


***


Nos pas crissent sur la couche de poudre qui recouvre le parking. Nous sommes murés par le silence. Elle pousse la vieille porte du motel, je lui tiens sa valise. Mes chaussures sont imbibées d'eau. Le hall d'entrée est vide. Des tubes néons blancs clignotent, et éclairent faiblement la pièce. 

— Il y a quelqu'un ? lance timidement Iris, sans que quiconque ne lui réponde.

Je suis épuisé. J'ai passé la journée à conduire sur une route qui n'en finissait pas. J'appuie sur la sonnette de la réception. Après quelques minutes, je renouvelle mon geste. 

— On dirait qu'il n'y a personne, dis-je.

Tant pis, après tout. Je pose une vingtaine d'euros sur le comptoir, et m'empare d'une clef accrochée sur le présentoir du motel. Iris me regarde d'un air consterné, je lui souris en retour. Je passe mon bras autour de son cou. La chance nous sourit peut-être. 

Nous montons les escaliers, lentement. Chaque marche grince sous nos pas. L'air est humide, et il fait à peine plus chaud qu'à l'extérieur. L'obscurité se répand dans mon champ de vision, à mesure que nous montons les marches. Enfin, c'est le noir total. Je sens Iris serrer fort ma main. Le temps se trouve comme en suspens. Moi et elle, perdus dans un vieux motel, au beau milieu de nulle part. Ses lèvres viennent se glisser au coin de mon cou. Nous faisons quelques pas, titubant, comme sous l'influence de l'alcool. Elle agrippe mes épaules, s'appuie contre moi. Son manteau glisse sur le sol. Mes doigts parcourent son corps. Son souffle se pose sur ma nuque. Je cherche l'interrupteur, pressé d'entrer dans notre chambre. Ses caresses se font plus rapides, plus sauvages. 

La lumière blanche emplit soudain le couloir. Un tressaillement parcourt ma peau. Le tapis devant nous est tâché de sang. Un corps inerte gît dans la flaque poisseuse. Je pousse un hurlement. 


NEIGE ÉCARLATEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant