Quand l'horloge de l'open space tique sur les dix-huit heure, je ne bouge pas. J'observe tranquillement la moitié de mon équipe ranger leurs bureaux et se diriger avec bonne humeur vers l'ascenseur. Ils vont sûrement prendre un verre avant de tous rentrer chez eux, puisque c'est vendredi. Très vite, il ne reste que moi, Mathew Penton et Julia Burn, notre décoratrice.Elle a du retard dans son travail et veut se faire bien voir en le rattrapant. Elle sait que j'aime les employés bosseurs, qui ne comptent pas leurs heures. Par contre, Mathew n'a aucune raison valable de rester plus longtemps. Son planning est respecté à la lettre, et il a même pris de l'avance.
Je soupire,curieuse de l'excuse qu'il va me servir pour me raccompagner jusqu'à ma voiture, encore une fois. Je me replonge dans des comptes rendus et dans le dossier préparatoire de notre prochain événement, la soirée d'anniversaire du club du basket de Los Angeles, les Clippers, à laquelle doit assister un ancien joueur vedette reconverti en star du cinéma : Buddy Smithson. Ce contrat est énorme, et j'ai tellement bataillé pour le décrocher qu'à chaque fois que je regarde le dossier, mon ventre se tord de bonheur. J'aime cette sensation. J'aime ce que nous avons planifié et préparé, et j'ai hâte de voir la joie et l'émerveillement sur le visage des joueurs, ainsi que d'entendre les recommandations de l'entreprise à d'autres invités de marque. C'est ça, la réussite. Bien sûr, il y a encore beaucoup à faire, mais ce n'est pas assez pour me démotiver. Je griffonne quelques lignes, planifiant l'organisation et la liste des choses que nous devons acheter, emprunter, louer pour l'événement.
Quand je regarde ma montre, il est vingt-et-une heure. Le temps a filé à toute allure, comme si un vortex l'avait aspiré. Je réalise alors qu'il est tard et mes yeux se mettent à brûler doucement d'une fatigue visuelle que je connais par cœur, surtout le vendredi soir. Je rêve de mon lit, d'un thé, d'un bouquin, en sachant pertinemment que je ne lirais pas plus de dix lignes avant de tomber endormie dessus. Je pouffe quand on frappe sur l'encadrement de bois qui délimite la frontière entre mon bureau et l'open space. Mathew se tient debout,le poing appuyé sur le bois blanc, moulé dans sa chemise bleu et un slim en jean foncé. Ses grands yeux bleus me regardent avec ce même espoir que je ne supporte plus et un léger sourire apparaît sur son visage.
- Tu ne rentres pas ce soir, patronne ?
Je déteste quand il m'appelle comme ça, et je fronce le nez pour le lui montrer.
- Si, je voulais juste revoir quelques détails pour la commande de la soirée des Clippers, je précise en rangeant les papiers du dossier.
- Je n'arrive toujours pas à croire que tu ais réussi à décrocher ce contrat, pouffe Mathew en se décollant de l'encadrement de bois.
J'attrape mes clés et mon manteau, fourre des dossiers et mon ordinateur portable dans mon sac puis le double sans le regarder trop longuement. Je ne veux pas qu'il se fasse des idées. Encore.
Je remarque vite que Julia est partie, je ne m'en étais pas rendue compte. Je traverse l'open space blanc et épuré, effleurant quelques tiges de fougères au passage. Il y a beaucoup trop de plantes, mais puisque les scientifiques ont prouvé qu'elles avaient un effet stimulant sur la productivité, je me force à en ajouter toujours plus, pour le bien de mes employés. Les talons de mes escarpins claquent en rythme sur la parquet clair alors que j'appuie sur le bouton de l'ascenseur. Mathew me rejoint, emmitouflé dans un manteau en feutre assez chic et une écharpe soyeuse noire. Son sac en bandoulière frotte contre sa cuisse, rempli, comme le mien, de travail pour le week-end. Nous montons dans l'ascenseur sans un bruit puis je le laisse me raccompagner jusqu'à ma voiture. Les fards s'allument quand je presse la clé et je me laisse tomber sur le siège, fatiguée.
Mathew s'accoude à la portière, prêt à la rabattre, mais ses lèvres bougent.
- On se voit lundi, souffle-t-il d'une voix douce et plutôt sexy.
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Mon nom sur ton poignet
RomanceJ'avais tout, un super boulot et une situation idéale. Selon ma meilleure amie, et aussi mes parents, il ne me manquait qu'un homme. Pas selon moi, parce que je suis obsédée par la réussite, et que réussite rime avec sacrifice. Et puis, ai-je vraime...