il était une personne,
agréablement belle, aux cheveux blonds, cendrés, sur lesquels le soleil affectionnait particulièrement se coucher à son gré, aux yeux verdoyants, presque comme si la nature, la plus belle, la plus authentique, y logeait désormais. elle aimait sourire. d'ailleurs, ce lui valait quelques compliments – pour compléter ce tableau parfait, un nez légèrement retroussé pendouillait au-dessus d'une bouche vermeille. elle aimait parler. un son cristallin semblait découler d'entre les plis de ses lèvres rosées qu'elle aimait habiller d'une mince couche de transparent, aux paillettes d'or. ses mots suscitaient la curiosité – je n'y avais échappé –, elle maniait les mots à la perfection, les mélangeait entre eux, les combinait dans un potage de délices, de plaisirs auditifs, dans lequel plus d'un souhaitait tremper les lèvres. elle voulait être quelqu'un. mais ce qu'elle ne savait pas, c'est qu'elle était déjà quelqu'un. le quelqu'un de beaucoup, beaucoup qu'elle ne connaissait pas, ou de qui l'existence ne lui avait encore été dévoilée. je l'admirais. elle était mon exact opposé, ce que je ne serais jamais. elle ne le savait pas, ça, pour autant. je me contentais de jucher sur ses vêtements délicieusement aguicheurs – pour d'autres outrageants – à quelques pas d'elle – ou de lui. car ça, on ne le savait pas. l'admiration que je lui vouais n'était que grandissante, chaque jour un peu plus. comment y arrivait-elle ? j'osais l'appeler « elle » car, avec ses talons hauts de dix centimètres et sa robe rouge sang, la société voudrait de tel. mais qu'en était-il de sa mâchoire aux allures férocement carrées, cisaillantes, de sa pomme d'Adam repoussée vers l'avant de sa gorge, ou bien de son buste droit, d'où ne serait-ce qu'une forme n'apparaissait ? je louchai sur mon corps. j'étais assez fin.e, pour ne pas dire absolument maigre, avec la peau sur les os, mes cheveux virevoltaient au rythme du vent, mais se déposeraient, en temps normal, sur mes épaules puis descendraient en cascades jusqu'à mes côtés faufilées sous mon énorme pull en laine. ma frange épaisse cachait mes yeux du monde, mais ne cachait pas le monde à mes yeux. ils étaient foncés. banals, direz-vous – en effet. le lendemain, il était revenu. un peu moins femme, beaucoup plus homme, comme aurait dit ma cadette. ses cheveux dégagés de son visage laissaient à sa mâchoire le plaisir de s'exposer au beau jour de printemps. sa pomme d'Adam se mouvait sous ses délicieux mots. je souris. il, ou bien elle, ou bien les deux, détourna subitement le regard vers moi. ses beaux yeux s'étaient déposés sur moi, ma maigre enveloppe corporelle. je me mis à paniquer, m'avait-elle vu.e ? que faire ? rester là, assis.e comme un.e idiot.e sur mon banc, ou me lever, au risque d'attirer son regard sur mes pauvres jambes, et partir ? je devais m'en aller. quitter cet endroit. c'était la seule solution. je ne voulais pas qu'elle puisse me regarder et observer le peu de mon visage exposé plus longtemps. j'avais couru. j'avais fui. j'étais lâche. voilà ce que j'étais, et ce qu'il ne sera jamais. il ou elle ? « eil » peut-être ? non, ça rappelait trop « ail ». « ilelle » ? non, trop long. « ellil » trop compliqué. ou bien... « iel » ! c'était parfait. l'inconnu.e au visage parfait était iel, et j'étais iel. voilà ce que j'étais, et ce qu'iel était aussi. et je l'admirais encore plus pour ça, pour m'avoir aidé.e à trouver mon vrai moi, en un simple regard. iel m'avait fait comprendre quelque chose en ces plusieurs jours perdus à passer son visage et son naturel charisme au peigne fin : il n'y a nul être humain sur Terre capable de définir un homme, comme il définirait un mot trouvé dans un malheureux dictionnaire ; car nous sommes bien plus que cela, bien plus que quelques mots alignés à la suite pour former une vérité, un fait. nous sommes notre propre vérité, notre propre définition. à bas les codes – ils n'existent que dans les livres ! nous sommes notre propre avocat, et notre propre juge. notre propre définition, et notre propre interprétation. notre propre maître, et notre propre élève. par un simple regard, j'avais compris. j'avais compris que je devais écrire ma propre définition de ce reflet que je croisais à chaque petit matin et l'inscrire dans tout ce qui faisait de moi, moi : mon ADN était iel, mon visage était iel, mes pieds étaient iel, mon esprit était iel, mon cerveau était iel. mesdames et monsieurs, échanté.e, moi c'est Camille, et je suis un homme, et une femme, mais appelez-moi Cam.𝒊𝒍 𝒆́𝒕𝒂𝒊𝒕 𝒖𝒏𝒆 𝒇𝒐𝒊𝒔, 𝒃𝒆𝒍𝒍𝒆...
– VERD'ÂME
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verd'âme
Randomtext book. | verd'âme. ⁽魂⁾ ou une pile de textes qui dénoncent les failles de la société actuelle, en contournant les phrases clichées des discours dénués de sincérité.