Flèche épistolaire

1.a.

Everything i wanted - Billie Eilish

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XVIIème siècle, quelque part dans les caraïbes.

Comme par habitude, le navire fendait la mer, l'ouvrant en deux, la chahutant. Les mouettes accompagnaient les voiles gonflées par ce vent chaud et puissant. Les cris et les rires des moussaillons étaient devenus courants sur le bateau. Les embruns venaient caresser la joue du capitaine, trop occupé à naviguer pour s'en rendre compte. Il était pressé ; une longue traversée l'attendait. Il allait le retrouver. Encore quelques longues semaines et il le reverrait.

Ses nuits étaient perturbées depuis plusieurs mois, pour cause, les lettres se faisaient de plus en plus rares. Et de plus en plus brèves. Au départ, il se disait qu'il y avait des difficultés dans la distribution du courrier. Mais Liam recevait toujours autant de missives de sa mère. Cependant, son travail et sa profession de Pirate (si on peut appeler cela une profession) lui gardait l'esprit occupé la plupart du temps.

Mais pas la nuit.

Ces nuits froides où Liam était à la barre pour prendre le relais de nuit, ou bien occupé à vendre la marchandise au marché noir. C'était son seul confident sur ce navire. Son équipage restait évidemment sa grande famille, mais la fierté de vaurien qui était la sienne lui interdisait secrètement de dévoiler son coeur. Il se devait de garder la tête haute. Il se devait d'arrêter d'affabuler les pires histoires lorsqu'il était tard. Mais il avait toujours été comme ça, plein d'imagination, de rêves et de cauchemars.

La dernière lettre qu'il avait reçu était la plus longue de toutes depuis deux mois. Dix lignes. Il les avaient comptées. Il en avait presque retenu les mots. Surtout les derniers.

« Venez au château comme à notre habitude.

À très vite.

Louis. »

Louis. Si simple. Si court. Si blessant. Si significatif de la situation. Le capitaine n'a pas répondu. De toute façon la lettre aurait été livrée après son arrivée en France. Et puis, il ne savait pas quoi répondre à tant d'éloignement.

Était-il anxieux ? Sûrement. Mais il regardait droit devant pour ne pas flancher. Il fixait l'horizon courbée. Cette horizon qu'il voyait tous les jours mais qu'il n'a jamais atteint de sa vie. Le calme de l'océan le faisait toujours réfléchir. C'était son moment entre lui et lui-même. Entre le capitaine et le noble qu'il était. Entre ses tourments et ses exaltations. Il ne se lassait pas de naviguer entre les dauphins et les caprices des eaux, malgré la difficulté et la fatigue mentale qu'apportait l'illégalité de son statut.

Après des semaines de traversée, le trois mâts arriva à Bordeaux. Comme d'habitude, l'équipage resta dans le sud de la France tandis que Liam et le Capitaine furent accueillis par une calèche d'apparence banale. Un attelage de chevaux peu nobles, une voiture en bois dont la peinture était écaillée à certains endroits, voilà ce qui constituait un moyen de déplacement qui n'attirait pas les yeux curieux.

Les auberges habituelles hébergèrent les deux pirates et le valet royal. Un voyage de plusieurs jours avant d'arriver à Versailles était bien entendu nécessaire. Le capitaine pensait toujours beaucoup trop. Sa tête pouvait être assimilée aux bouillonnements de l'eau dans les casseroles des cuisines des hôtels de campagne. Autrement dit, un véritable foutoir.

Liam le sentait bien. De longues discussion ont été nécessaires pour qu'il comprenne les tourments de son ami. La peur de déplaire. La peur d'abandon. Pour une fois, le capitaine s'endormit en paix. Les mots libèrent les coeurs, et l'amour déchaîne la parole.

À suivre.