Aurore descend de son Uber. En montant les marches, elle croise Brice qui dévale les escaliers, essoufflé. Ils n'ont jamais été spécialement proches mais, Aurore s'est toujours reconnue en Brice. Ce "sale gosse" est très sensible pourtant, juste incompris. Elle est de six ans son aînée.
— "BRICE"? Qu'est-ce qui se passe? Tu me fais peur"
— Aurore, appelle les potes, ils ont pris tantine! On va leur faire leur fête"
— Hein? Qu'est-ce que tu racontes?"
— C'est La guerre Aurore! C'est la Guerre! Appelle tes potes! Ils ne vont pas s'en sortir comme avec Papa! C'est la guerre je te dis!"
— Enfant bête! Reviens ici!
— Aurore! Tantine Aline a les menottes! Et ces chiens l'ont brutalisée! AURORE! Appelle tes potes je te dis! C'est la guerre! Je vais les fumer ces enfoirés!
Ce "ils" venant de son frère, Aurore l'a toujours redouté. Il s'agit des flics. Aurore n'a jamais vraiment été proche de son frère mais, a toujours eu peur de voir son frangin dans les statistiques ou bien dans une émission de faits divers. Elle qui jusqu'ici a réussi et fait en sorte de contrôler tout ce qu'elle entreprend ne souhaite pas être entachée par ce genre de scandale. Mais Brice! Brice, cet enfant! Il cultive une colère que seuls les ancêtres peuvent calmer! Et ses fréquentations n'arrangent pas les choses. Aurore ne comprend pas ce besoin constant d'affronter la police et l'autorité en général!
Au fur à mesure qu'elle monte, Aurore entend les cris de sa mère. Ses mains tremblent et plus elle monte, plus fort bat son cœur. La dernière fois qu'elle a vu sa mère dans cet état, c'était à la mort de son père. Elle était alors étudiante lorsque le grand MATIP Guy a été retrouvé pendu à une corde. Aurore revoit la scène comme si c'était hier! La voiture des pompiers en bas. Les voisins affairés et sa mère qu'on retient pour qu'elle ne se jette pas par la fenêtre. Elle hurle de toute ses forces!
— "Guy, donc tu nous as fait venir ici en France pour nous faire ça? Espèce de lâche", criait tantine Henriette! "Je t'ai donné trois magnifiques enfants et tu m'abandonnes comme ça! Lève-toi et aies au moins le courage de me dire Adieu! A Nyambe [18]! Je ne suis pas parfaite mais je ne mérite pas ça! Tue-moi mais n'inflige pas ça à tes enfant! Guy! Mon Guy! M'entends-Tu? Je t'en supplies, reviens! Le suicide? Vraiment? Je ne savais pas que j'avais épousé un blanc! A Nti Zamba! Aurore, pitié attrape ton frère! Baba god héé, je m'excuse pour mes tares! Pardon ne me prends pas Guy! Mon amour si c'est à cause de mes ongles, je les arrache tout de suite! Wèhè Guy, n'est-ce pas on est Bonny et Clyde? gars! Comment tu peux me faire ça! Ça suffit la plaisanterie Guyso! Regardes comment tu es beau, fort, mais la position couché ne te convient pas. Guy, qu'est-ce que je vais devenir en Mbeng? Tu laisse ta mameza avec qui? Les hommes noirs, foncés comme toi se suicident aussi? GUYSO! GUYSO! GUYSO! Comment tu peux me faire les choses comme ça? Qu'est-ce que je n'ai pas fait pour toi? Papa! Reviens! MON GUYSO, je suis désolé si j'ai été une mauvaise femme! Mon Gui-gui, viens au moins récupérer ta dot puisque je ne te mérite pas! Je ne connais même plus ma gauche et ma droite! Toi ma boussole! Comment as-tu pu me faire ça? Tuez-moi oh! Pendez-moi! Lapidez-moi! Je suis fautive! j'ai tué mon GUYSO! Je l'ai tué! Oui c'est moi qui l'aies tué! Marabout, sorcier, attrapez-moi! Je suis coupable! Coupable d'avoir donné mon coeur à un lâche! Moi, fille de LOMGBACK, j'ai tout sacrifié pour cet imbécile. Je m'appelle Henriette Ngo ZIBI et j'ai tué mon mari. Tuez-moi! Pendez-moi! GUY-SO, mon amour, mon ami, mon meilleur gars! Toi avec qui j'ai fait les meilleures coups!"
Aurore est pris de sanglots alors qu'elle revoit le scène et au fur à mesure qu'elle monte, ses membres deviennent lourds. Elle a de plus en plus de mal à respirer. Arrivée devant la porte, son appréhension se confirme: tantine Henriette est là, à hurler, le nez qui coule et les cheveux en pagaille. Un agent de police la retient tandis que deux autres maintienne une femme à peine plus âgée qu'elle: c'est tata Aline, la sœur aînée d'Henriette.
— S'il vous plaît monsieur l'agent, prenez-moi! Laissez ma sœur! Je suis sans-papier moi aussi! C'est moi qui aie fait du bruit dans l'immeuble! N'avez-vous donc pas de famille? De cour? Traîner une femme de cet âge comme un vieux sac! Votre mère est où? Mon Dieu, prend pitié de nous!
— Henriette????? ! Pitiééé! Tu me détestes à ce point? Je t'ai fait quoi exactement NGO ZIBI Henriette, pourquoi tu me détestes à ce point?
— Ngo MANDENG, tu me crois vraiment mauvaise au point de faire ça et te dénoncer???
— Et comment ont-il su que c'est ici qu'il fallait venir me chercher?
— Ngo MADENG est-ce que je sais alors?
— Monsieur l'agent, pardon! Lâcher sa greffe! C'est une brésilienne hein! Je peux venir faire le ménage chez vous?
— MAMAN Arrête ça s'il te plaît!
— Wèhèèèè Pardoooon, seigneur libérez ma sœur! libérez ma sœur!! Elle n'a tué personne! Depuis quand être sans papier est plus grave que violer les enfants?? Papa pardon, tiens-là correctement, c'et un descendante du grand MBOG IBOCK!! Seigneur Jésus-Christ, aie pitié de nous, toi, fils du Dieu tout puissant! Qu'est-ce que qu'on vous a exactement fait pour mériter ce sort!
— Henriette, voilà mes cheveux qui ont sauté hein! Continue à prêcher pendant que le blanc-ci m'assassine! Dieu te voit!
— "A tada wes Nu Ngili, joi jon li beghana, Ane Jon i loo! Njdombi Yon i Bona isi kiki i Ngii".
(Notre Père. Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre)— Mesdames, arrêtez votre cinéma s'il vous plaît!
— Quand j'essuyais les fesses de ton grand-père, tu ne venais pas me demander mes papiers pourquoi? A Nyambe!
— Tantine, pardon canalise-toi! MONSIEUR l'AGENT! Puis-je voir votre mandat et de quel droit vous pénétrez dans l'appartement d'une femme seule?
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[18] Seigneur
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Les Mbenguistes.
DiversosSix vies, six destins, six parcours. Ces personnes sont noires et vivent en France. L'histoire, ou plutôt, les histoires que je m'apprête à vous conter puisent leur inspiration dans mes rencontres, ma vie, nos vies à nous qui entretenons ce lien étr...