Les adultes

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Les photos me rappellent ce temps où je ne voyais rien, pas même l'ombre du diable qui passait derrière moi. Ce temps où ce que disait les adultes était forcément vrai. Ce temps où on faisait tout ce qu'ils nous disaient. On les croyait. Ils avaient raison, et quand ils nous punissaient, même si on comprenait pas toujours pourquoi, on se disait qu'au fond il devait y avoir une raison. 

Je me rappelle de ce temps. Ce n'était pas glorieux, on n'avait pas un sous en poche, mais finalement on était heureux. Des œillères nous couvraient les yeux, on n'avait que notre voix pour se faire une place. Mais quand on ne voit rien, il est difficile d'expliquer ce que l'on ne sait pas. On ne voit rien, mais on entend. Collé contre la porte de leur chambre, on entend les parents se disputer. Assis par terre, jouant avec ce qu'on avait sous la main, on n'entend la télévision gronder. Au fond de la classe, à moitié absent, on entend le professeur marmonner. 

Mais finalement, qui dit la vérité ? Qui doit-on croire, que doit-on voir ? 

Petit, je croyais que la vie serait simple. Que j'allais suivre le schéma habituel, faire comme tout le monde. Je me disais que les hommes politiques ne voulaient que notre bien, la paix dans le monde. Je pensais que papa était au travail, je croyais que maman était heureuse.

Puis j'ai compris. Tout le monde ment. Pourquoi nous disent-ils, à nous, enfants, de ne pas mentir ? Pourquoi dois-je être punis pour avoir menti à propos de sottises ? Alors que les adultes nous mentent pour tout, droit dans les yeux. Ils nous disent que le mieux, c'est de rester le plus longtemps possible à l'école. Puis de trouver un très bon métier, un compagnon, et après de faire des enfants. Et surtout, pas trop tôt, le travail avant, pas trop tard, parce qu'après, tu es trop vieux. Les adultes nous font croire que c'est ça le bonheur, mais même eux n'y croient plus. Alors pourquoi font-ils semblant ? Peut-être parce qu'ils veulent faire comme tout le monde, où bien parce qu'ils ne connaissent aucun autre moyen de devenir heureux. Ils ne savent pas ce qu'ils veulent, abruti par ce que leurs parents, avant eux, leur ont appris. On leur apprend ce qu'est la vie, ce qu'est le "bonheur", sans leur demander leur perspective. On crée des générations de robots automates. Ils font sans se poser des questions. Ils exécutent les règles que leur cerveau a ingéré, mais ne savent pas se servir de leur cœur. 

Ils s'imaginent avoir tout compris, que tout est acquis, mais ils encore tellement à apprendre sur eux-mêmes.

Vague à l'âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant