Vague à l'âme

Les murs

Entre ces quatre murs, je danse, je chante, je ris de mes stupidités, je m'observe dans le miroir, affichant beaux sourires et grimaces. Parfois, je me dis que je suis belle pour me rassurer, d'autres fois, je me dis que je suis belle parce que je le pense vraiment, et d'autres fois encore, je me trouve si laide qu'il m'est impossible de me regarder plus longtemps que le temps d'un battement de cil. 

Entre ces quatre murs, j'écris mes peines et mes joies. L'encre de mon stylo se verse sur mon cahier caché au fond d'un tiroir. Ou bien, lorsque mon imagination est si rapide que j'ai peur d'en oublier les mots, je fais retentir les touches de mon ordinateur à toute vitesse. J'aime voir les traits rouges indiquant des erreurs de frappe s'accumuler. Quand j'ai finis de taper, je corrige chacune de ces fautes une à une. Je veux que tout soit parfait. Même si je sais que ces phrases, personne ne les lira jamais. 

Entre ces quatre murs, je fais tout ce que je ne fais pas d'habitude. Toute ma pudeur s'efface et laisse place à un visage dont je suis la seule spectatrice. Je n'aime pas vraiment avoir de public. Peut-être que plus tard je serai prête pour la scène. Peut-être que je serai prête à entrer dans ce monde et afficher qui je suis vraiment. En attendant, je fais semblant. Mais, heureusement, je suis bonne actrice. Même lorsque je danse entre ces quatre murs, dans la salle de bain face à mon miroir, j'essaie de ne pas faire de bruit. De peur que derrière la porte, on ne m'entende. Tout est absolument et seulement pudeur. Comme si je ne voulais pas que l'on sache que, comme les autres de ce monde, j'aime à me laisser aller. 

Entre ces quatre murs, je me sens invincible. Il me suffit de tourner la clef dans la serrure pour m'assurer que personne ne pourra interrompre cet instant. Au pire, deux, trois coups sur la porte me ramèneront à la réalité. Alors j'enfilerai mon visage habituel, affichant une neutralité certaine, puis je redeviendrai la personne que tout le monde connaît. Ou du moins, celle que tout le monde croit connaître. 

Il se passe beaucoup de choses entre ces quatre murs. Je danse, je chante, je me regarde longuement, j'écris, je ris et je pleure. Mais surtout, je vis. Il se passent beaucoup de choses entre ces quatre murs, des choses que, de ma part, les autres n'ont jamais vu. Alors imaginez ce qu'il peut se passer derrière la porte de mon cœur. Au plus profond de mon âme.