Chapitre 2

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Mon ange,

Les années furent longues, mais quelle ne fut pas ma joie d'apprendre que tu m'eus rejoint dans la tombe.

J'ai renoncé à l'identité de Naruto Uzumaki il y a de cela des mois, en mon honneur tu as laissé ton esprit exprimer la danse macabre. Il n'est point chose aisée de quitter ces existences, mères de nos premiers souffles, pères de nos premières blessures et amies de nos lamentations. Que de larmes versées, que d'armes dressées. Ne sommes-nous pas des experts en sang, nous qui sanglotons sans cesse et provoquons des sanglots ? Ces rivières pailletées que nous prenons soin de faire couler de même que le soleil fait fondre la neige au printemps. Lui aussi pleure devant l'évanescente beauté qu'il ne peut voir, car aussitôt qu'il se montre, elle disparaît.

Je me souviens de chaque moment de la vie avec toi, lorsque nous étions encore des mortels accrochés aux derniers vestiges d'une humanité impossible, comme si cela était important pour nous. Je m'accroche aujourd'hui à toi, mais tu n'es plus le vestige de cette humanité, tu es cette partie de moi éthérée qui offre à mon âme ce mouvement éternel. Et comme la Lune au Soleil, mon esprit tourne en rond autour de toi, autour de ces plaisirs insoupçonnés que tu m'as appris. Ne t-y connais-tu pas en sang, toi qui m'a tout enseigné ? Enseigné l'amour, enseigné le plaisir et le péché, enseigné la mort.

J'ai suivi ton plan, à la lettre près. Tous le monde nous croit mort, et c'est heureux : personne n'accusera ce qui n'existe plus. Je te reconnais cette ingéniosité qui m'a séduit, quelle belle idée de donner des esprits à chasser aux hommes et de donner un homme en pâture à deux fantômes. J'ai écoulé de sombres nuits dans la demeure du serpent, tapis dans l'ombre des couloirs incessants, chaussé des souliers de son personnel, apprenant d'une oreille attentive les secrets de la vie de cet être perfide. Jamais il ne croira son thé du soir empoisonné, jamais il ne soupçonnera que l'unique chose saine qui pénètre son organisme mettra un terme à sa vitalité. Et si, par malheur, quelqu'un le découvrait, les empruntes laissées par les domestiques dirigeront nos assaillants sur de mauvaises pistes.

Mais la mort de cet être ne doit guère nous éloigner de la finalité que nous nous sommes fixés. Au nom de la justice, gardons à l'esprit que la richesse de cet infâme meurtrier lui sera retirée. Nous ne pouvons permettre une espèce comme la sienne perdurer dans la vie, et laisser des hommes s'en faire une effigie. Au nom de la justice nous agirons, pour donner à se monde l'esquisse d'une rédemption.

Le juge n'a pas jugé le tueur de trois femmes qui appellent à la liberté la plus fondamentale : la vie. Pour trois âmes volées il est légitime d'en rendre une, c'est en cela que tu as raison : ce n'est point en tuant que l'on devient un tueur. Meurtrissure pour meurtrissure, nous voila sauveurs. Quelle autre belle façon de donner sens à son existence, si ce n'est qu'en réalisant le bonheur de l'humanité ? Les hommes vertueux n'ont pas à penser, nous le ferons pour eux. Qu'ils vivent. Qu'ils vivent ! Qu'ils savourent cette vie à laquelle nous avons renoncé par amour pour nous, par amour pour eux, par amour pour Thémis.

Nous mourrons un jour comme des immortels, nous ne cesserons jamais véritablement d'exister.

Nous marquerons ensemble le monde du sceau de notre amour afin que nos actes ne perdent jamais leur sens.

Nous jouirons de la plénitude, de la sérénité procréé.

Nous ne serons plus le Soleil qui pleure de voir la neige fondre par sa faute, nous serons la neige qui se transforme, qui change, qui part se perdre dans une collectivité de gouttelettes qui forment un lac.

Nous nous noierons dans la masse jusqu'à la dérive au fin fond d'une île méconnue où nous coulerons nos jours heureux en sachant que ce serpent n'est plus.

Puissions-nous rester immortel,

Naruto Uchiwa. 

Notre immortalitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant