Chapitre 2

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Victoire me regarde bizarrement. Il faut croire que mes mots l'ont déstabilisée.
Pourquoi suis-je surprise ? Ils le font tout le temps. Ai-je réellement cru qu'elle serait différente ? Qu'elle comprendrait en quelques heures ce qui régissait ma vie et pourrissait celle de mes proches par la même occasion ?

- Un fantôme du passé ? répète-t-elle comme si ces mots possédaient un sens profond. Qu'est-ce que tu entends par là ?

Elle fait une pause et en profite pour me signifier qu'elle veut tenter de deviner ce que j'ai voulu dire.

Je souffle, et je me détends. J'ai imaginé le pire, encore... Victoire s'intéresse vraiment à moi, il faut croire.

- Un ancien prof ? Non ! Il avait l'air trop jeune.

Elle commence à se perdre dans ses réflexions.

- Je sais ! C'est ton ex !

J'ouvre la bouche pour la contredire, mais elle ne m'en laisse pas le temps.

- Non, ta réaction est trop... surprenante pour que ce soit ça. Voyons voir. Un ancien crush ! Oui c'est ça ! Je suis certaine que c'est ça ! Est-ce que c'est ça ?

Je ne lui fais pas remarquer les trois "c'est ça" qu'elle a réussi à caler en trois phrases et j'acquiesce.

- Je suis trop forte !

Victoire continue de s'extasier sur sa réussite et me pose quelques questions à son sujet. Je ne lui parle pas de la théorie. C'est la mienne, et je ne la partage qu'avec Ninon.

La soirée commence à avancer et ma colocataire décide de m'emmener au parc pour qu'on se dégourdisse les jambes. Le jour décline doucement vers la nuit et l'air devient plus frais.

Une fois encore, mes précautions lors de nos traversées de la route retardent Victoire, qui doit m'attendre de l'autre côté. Elle comprendra bien assez vite que je n'en vaux pas la peine.

Alors qu'on discute de sa lecture en cours, mon esprit s'égare et je m'arrête pour regarder l'heure.

- Tout va bien ? s'inquiète Victoire en me rejoignant quelques pas en arrière.

J'allume mon téléphone et l'heure s'y affiche. 22h21. Dans une minute, il sera 22h22.
Je ferme les yeux et je réfléchis.

- Tu es sûre que ça va ? me redemande-t-elle alors que j'ouvre mon regard sur elle.

Je souris et la rassure. Je vais bien. Très bien même. Son sourcil arqué me fait vite comprendre qu'elle n'est pas convaincue.

- Je t'assure que je vais bien. C'est juste que... non, en fait, tu ne pourrais pas comprendre.

- Don't you dare me ! s'exclame-t-elle. Vas-y crache le morceau. Pourquoi t'es-tu arrêtée si soudainement pour fermer les yeux ?

- 22h22.

- 22h22 ? Mais encore ?

Alors je lui explique. 11h11. 12h34. 22h22. Parfois quand j'y arrive, on peut ajouter 23h45 et 00h00. J'ai une obsession avec les suites de chiffres, la symétrie et les comptes ronds. Par exemple, je suis incapable de fermer les yeux si l'heure ne finit pas par un cinq ou un zéro. Je pars toujours de chez moi à des heures précises, finissant aussi par un zéro ou un cinq. Je peux rester un long moment devant une horloge digitale sans rien faire, simplement pour admirer la symétrie de certaines heures horizontalement ou verticalement ou déterminer le nombre de barres qui changent d'un chiffre à l'autre, tout en essayant que celui utilisé soit toujours identique.

- Tu fais un vœu ? s'étonne Victoire. Tout le temps ? À chaque fois ?

J'acquiesce et je réalise à quel point elle doit me trouver cinglée à présent.

La THÉOrie de Francine [SOUS CONTRAT D'EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant