CHAPITRE 2

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Le parfum iodé de l'air se couplait à celui du gazon fraîchement tondu et des fleurs aux couleurs éclatantes. Ces fragrances annonçaient l'été, les vacances. Le chant lointain des vagues qui s'échouaient sur le sable n'était plus audible, remplacé par les cris des enfants dans la piscine, par les éclats des boules de pétanque, et les conversations des touristes. La saison commençait de façon officielle, synonyme pour toi de travail intensif.

Tu adressas un signe de la main à Lowen en passant devant l'accueil du camping. Ton meilleur ami te sourit, avant de reporter son attention sur les vacanciers qui venaient d'arriver. Son polo bleu d'uniforme faisait ressortir la couleur de ses yeux. Il pétillait, rayonnait, probablement épanoui par sa nuit.

Tu chassas ces pensées, avant que ton esprit ne dérive de nouveau vers des fantasmes inavoués. Il te fallait garder les idées claires pour affronter cette journée. Le service n'avait pas encore débuté, mais déjà les premiers touristes se prélassaient sur la terrasse, à l'ombre des parasols. Le soleil se trouvait haut dans le ciel, la chaleur grimpait d'heure en heure. Heureusement, une brise marine rafraîchissante balayait la côte ouest.

Une fois ton uniforme revêtu, tu saluas tes collègues et te figeas devant les yeux gris agrémentés de marron qui t'observaient. Cassandre. Un frisson te parcourut alors que tu le trouvais attirant dans ses vêtements de serveurs, pourtant composés d'un simple pantalon et un t-shirt noir, comme les tiens. Ses mèches chocolat étaient coiffées en arrière et tu regrettas aussitôt ce côté un peu trop sage qu'il se donnait.

Tu reléguas le discours de bienvenue et les consignes au second plan, perturbé par le souvenir de Cassandre, à moitié nu dans ton appartement. Tu l'avais croisé vers neuf heures, alors qu'il quittait la chambre de Lowen pour chercher une bouteille d'eau dans la cuisine. Ses longues jambes t'avaient interpellé, puisque tu t'étais imaginé leurs courbes une partie de la nuit, grâce à son jean skinny qui les dessinait si bien. Les voir dénudées avait confirmé ce que tes songes s'étaient représenté. Ses fesses, cachées sous son boxer, s'étaient montrées tout aussi inspirantes, comme les muscles de son dos que tu n'avais pas assez observés à ton goût. L'aperçu de son torse avait été tout aussi fugace, puisque ses yeux d'automne s'étaient posé sur toi. Vous n'aviez échangé que des salutations polies, avant qu'il ne retourne dans la chambre.

Cette chambre qui se trouvait collée à la tienne et dont les murs manquaient visiblement d'épaisseur. Lowen se montrait pourtant discret d'habitude. Tu ne savais pas ce que Cassandre avait pu lui faire, mais à travers la cloison, ça t'avait semblé des plus agréables.

— Bon courage à tous, conclut Anaïs, ta patronne.

Tu sortis de ta torpeur et te rendis immédiatement en terrasse, muni du téléphone qui te permettait de prendre les commandes. Les sourires des vacanciers s'avéraient contagieux, si bien que tu n'eus aucun mal à reprendre tes esprits. Les premiers clients annonçaient l'heure de l'apéritif. Tu retrouvas avec joie les habitués, qui fréquentaient le camping tous les ans.

— Camille ! s'exclama l'un d'eux. Comment vas-tu, mon garçon ?

— Bien. Et vous, Monsieur Martin ? Une bière avec une rondelle de citron, c'est bien ça ? Et un jus de goyave pour Madame ?

— C'est exact, confirma le quadragénaire, ravi de sa mémoire. Tu voudras bien nous prendre en photo devant ton mur ?

Tu acquiesças en jetant par réflexe un coup d'œil audit mur. C'était un pan en bois sur lequel tu pouvais peindre ce qui t'inspirait. Les habitués avaient pour tradition de se faire photographier devant, suivant la peinture représentée. En ce moment, deux mains se tenaient, avec leurs doigts entrelacés. Chaque coup de pinceau donné possédait sa propre nuance, si bien que l'œuvre se parait des couleurs de l'arc-en-ciel. L'esquisse ne s'avérait pas assez précise pour que les mains soient identifiables. Elles pouvaient appartenir à un homme et une femme, à deux femmes, ou encore à deux hommes. Seule l'imagination décidait.

Tu n'eus pas le temps de voir les heures défiler. L'effervescence de ce début de saison ne laissait pas place au répit et nombreux étaient les vacanciers qui recherchaient un peu de fraîcheur sur la terrasse, autour d'un verre.

— Comment vont tes parents ? questionna Sally, une habituée du camping, alors que tu lui apportais une limonade. Ils viennent cette année ?

— Ils vont bien. Ils viennent la seconde semaine d'août.

Comme tous les ans. D'aussi loin que remontaient tes souvenirs, tu avais toujours arpenté les allées du camping des Flots Bleus. Tu avais appris à nager dans sa piscine, à vaincre ta peur du vide en suivant tes copains sur le parcours d'accrobranche. Tu étais passé du club des P'tits Loups à celui des Juniors, puis des Adolescent. Et, enfin, tu avais laissé la place aux jeunes pour préférer les jeux apéritifs et le bar. Tu avais quinze ans, quand tu t'étais laissé convaincre par Liam Parish de partager une cabine dans les douches communes, afin « d'économiser l'eau ». Tes questions avaient trouvé leurs réponses ce soir-là, dans les baisers maladroits que vous aviez échangés. Tu avais parfois l'impression de sentir encore le savon au parfum d'agrumes en passant devant les salles d'eau.

Ces vacances avaient toujours eu un goût de liberté. Pour cette raison, tu avais choisi de t'installer à Saint Antonio sitôt ton diplôme d'art en poche. Tu ne pouvais pas vivre financièrement de ta passion, mais tu t'épanouissais, loin de Paris, auprès de tes amis.

Après quelques mots échangés, tu t'excusas auprès de l'amie de ta mère pour retourner au travail. En te retournant, tu croisas le regard de Cassandre. Ou plutôt, tu surpris ses yeux d'automne qui t'épiaient, et qui se détournèrent dès que tu le remarquas. Tu retins in extremis un sourire, mais impossible d'empêcher une sensation délicieuse de s'envoler dans ton ventre. Il serait mensonger de dire que le jeune homme ne t'avait pas obsédé une partie de la journée. Malgré toi, tu l'avais observé durant ces premières heures de travail et il t'avait étonné par son adresse. Ce n'était visiblement pas un débutant, il avait de l'expérience en tant que serveur.

Lorsque la fin de ton service sonna, tu rejoignis le vestiaire pour enfin enlever ton uniforme. Tu enfilas des vêtements plus confortables et t'approchas du lavabo afin de te rafraîchir un peu. L'eau déclencha tes frissons, à moins que ce fût la voix de Cassandre, qui pénétrait dans la salle réservée au personnel. Tu te redressas pour essuyer ton visage et le regardas passer derrière toi à travers le miroir. Il paraissait déjà à l'aise avec ses nouveaux collègues. Alors pourquoi ne t'adressait-il pas un mot ? Pourquoi ses yeux se posaient à peine sur toi ? Tu semblais être le seul à ne pas mériter ton attention.

— Vous venez à la plage ce soir ? demandas-tu en te tournant vers les autres.

Tous acquiescèrent avec enthousiasme, mais tes iris ne fixaient que Cassandre, qui revêtait un débardeur. Tes yeux glissèrent sur ses biceps qui se contractèrent afin d'ajuster son haut, sur ses doigts qui rejetèrent une de ses mèches chocolat en arrière. Il jeta finalement un coup d'œil dans ta direction, étonné que tu puisses t'adresser à lui.

— Lowen m'en a parlé. Je viendrai. On se voit là-bas, conclut-il en quittant le vestiaire.

Tu esquissas un sourire en récupérant tes affaires. Cassandre venait d'entrouvrir la porte. Cette promesse de se retrouver ne représentait pas grand-chose -d'ailleurs, en était-ce seulement une ?-. Cependant, elle venait d'embraser ton être tout entier.  

Si c'était à refaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant