5 feet

chillin in a hot tub

Quand elle rentre enfin, Chiara a presque envie de faire demi-tour et de ressortir. A la place, toujours drapée dans sa couverture, elle rejoint la salle de bain, puis la cuisine. Il fait extrêmement chaud, ici, encore plus sous sa couche supplémentaire, elle n'a pourtant aucune envie de s'en défaire. Elle récupère un paquet de chips dans la réserve, qu'elle engouffre, perchée sur le plan de travail.

Coline ne tarde pas à la rejoindre. Elle se laisse tomber au sol, les jambes étendues sur le parquet, la tête posée contre le mollet de son amie.

– T'as décuvé un peu ?

– J'suis pas bourrée.

Elle aurait pu être crédible, si elle ne gloussait pas.

– Les gars veulent jouer au jeu de la bouteille.

– T'es sérieuse ? On a plus douze ans.

– Mais c'est drôôôle, Chichi, fais pas ta rabat-joie !

C'est toujours comme ça qu'elle arrive à l'amadouer. Du moins quand elle n'a pas recourt à la technique mesquine des yeux du Chat Botté. Elle est certes extrêmement fourbe, mais connaît bien Chiara, aussi. Elle sait où appuyer pour remuer la corde sensible.

Après quelques tentatives de protestation, la jeune fille finit par se laisser tomber sur ses pieds et tend le bras pour aider son amie à se lever. Cette dernière s'agrippe instantanément, se tractant vers le haut de toutes ses forces, manquant de peu de les faire basculer toutes les deux. Pourtant, Chiara tient bon et elles se retrouvent bientôt debout.

Évidemment, Coline lui donne l'accolade. Elle est toujours aussi tactile et c'est bien la seule personne au monde avec qui la blonde accepte les effusions publiques. Ou privées, d'ailleurs.

Elles retournent dans le salon, bien moins peuplé qu'auparavant. Les autres doivent être disséminés dans les différentes pièces du chalet ; Chiara ne s'en préoccupe à vrai dire pas tellement. Elle s'assoit en tailleur sur le tapis à côté de sa camarade, loin d'être prête pour ce qui va suivre. Elle trouve toujours ça aussi stupide et n'a aucune envie d'embrasser qui que ce soit. Sauf qu'elle ne peut pas laisser sa camarade seule.

En face, Mathias éclate de rire.

– Eh, j'espère que ça va tomber sur vous les filles !

– Mais ferme ta gueule.

Le temps que Chiara se rende compte de ce qu'elle a dit, il est trop tard. Elle envisage une seconde de revenir sur ses mots, avant d'abandonner. Ça ne sert à rien de mentir : elle n'a jamais pu le supporter, après tout. Et c'est un secret pour personne.

Plutôt que de se vexer, le type se contente de rire comme un goret. Et Chiara n'a plus qu'une envie, le piétiner jusqu'à ce qu'il pleure. Elle visualise l'image avec une précision presque terrifiante. Elle n'en serait pas capable, néanmoins. N'est-ce pas ?

Évidemment, elle ne peut pas compter sur Coline pour la soutenir, cette dernière bien trop occupée à avaler un nouveau verre. Quand l'a-t-elle récupéré, d'ailleurs ? Coline a toujours été comme ça et Chiara sait que c'est peine perdue, elle ne peut pas la surveiller, doit se contenter d'amoindrir les dégâts. Après tout, la réputation de son amie n'est plus à faire.

Chiara remonte ses genoux, enserre ses jambes entre ses bras. Elle observe la bouteille tourner, hypnotisée. Inconsciemment, elle retient sa respiration jusqu'à ce que l'objet finisse sa course. Sans pointer sur elle. Elle soupire de soulagement.

Petit à petit, la curiosité laisse la place à une morosité blasée. Coline doit embrasser Mathias, puis Jules ; qui lui-même se retrouve à embrasser Laura. Miguel et Steve. Chiara étouffe un bâillement, elle s'ennuie déjà.