1-Après l'effort...

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Nate

Je suis tellement bien dans mon lit, au chaud, insensible au froid glacial et à la neige qui a cinglé toute la nuit, que je me dis que cette sensation de bien-être absolu est trop bien pour être vraie.

  Et effectivement, je ne me trompe pas.
  Je commence ma journée en me faisant secouer comme un pruneau. Pauvre con que je suis d'avoir cru que je pourrais faire la grasse mat'.

  Je reconnais Sawyer sans même avoir besoin d'ouvrir un œil. Ses mains glacées sont tout bonnement inimitables. Je soupire longuement dans mon sommeil interrompu. Son odeur d'accacia humide emplit mes narines. Qu'il aille en enfer, je ne peux plus me concentrer sur la tiédeur du calme de mes pensées.

-Linda ? Linda ! répète-t-il en chuchotant, insistant. Réveille-toi !

  Sa main secoue mon épaule plus vigoureusement.

-Va voir ailleurs, Sawyer, je réponds avec une conviction très peu encourageante.

-Allez, Nat'. Tu le regretteras pas, je te le promets.

-Laisse-moi dormir, Rhym, fais-je d'une voix peu concernée, en rabattant ma couverture au-dessus de mes sourcils.

  Silence froid. Plus aucun mouvement. Puis une lumière lui vient, plus scintillante que les guirlandes à quatre dollars accrochées à nos fenêtres.

-Je voudrais un bonhomme de neige...

-Ta gueule.

-...pour jouer avec moi...

-Merde, ta gueule, Sawyer.

  Mais je ne peux m'empêcher de rire, tellement fort, si fort que je finis par tomber du lit. Et voilà comment mon psychopathe de copain finit par gagner nos batailles, jour après jour.

  Avec mauvaise volonté, je me frotte le visage pour me réveiller complètement et ignore sa main tendue, pour me relever tout seul.

-T'es chiant, vieux.

  Je le vois se retenir de se moquer, tout à son honneur. Ses expressions neutres n'ont pas disparu depuis le temps, mais il continue de m'impressionner par son imprévisibilité.

-Bon, qu'est-ce qu'il y'a de si important ? demandé-je en faisant mine de m'étirer, cachant mon grelottement d'éternel frileux.

  Il m'agite une sorte de carton sous le nez. Trop vite pour que mon esprit ensommeillé puisse lire quoi que ce soit. Et merde, qu'est-ce qu'il fait froid !

-...C'est une invitation ! s'exclame-t-il sans pour autant sauter dans tous les sens. Fais-un effort ! Au Carnegie Hall, pour le Crissement des astres.

Carnegie Hall ? New York ? Dans quoi essaie-t-il de s'embarquer ?

-Ne fais pas cette tête, reprend-il, intarissable. C'est un concert de jazz. Donné par des élèves. Ça va être cool.

Bah super, qu'il s'y amuse bien, avec ses potes de jazz.

-Fais tes valises. On part dans une heure.

  Puis il retourne au séjour, me plantant seul dans le dortoir minable de la cité universitaire qu'on partage depuis six semaines. Comment ça ? New York ? Dans une heure ? Il est hors de question que je me laisse embarquer dans cette histoire de fou à lier.

*

  Je regarde avec méfiance l'hôtesse de l'air, qui persiste à me confirmer mon refus de champagne. Je. Ne. Bois. Pas. La dernière fois que je me suis trop laissé aller, j'ai fait mon coming-out devant la moitié de North Lynch.

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