Instinct Paternel

41 - 7 août 1998

Dean en avait plus qu'assez de peinturer des murs.

 Ils avaient loué un appartement à Berkeley, près de l'université de Californie, avec toutes leurs économies, et le propriétaire avait eu la gentillesse de les laisser s'installer quelques jours plus tôt que prévu.

Cela faisait trois jours que Claudia et Dean partageaient le même appartement et trois jours qu'ils peinturaient les murs pour redécorer leur nouveau logement à leur façon. Au départ, Dean se donnait à cœur joie, lui qui n'avait jusqu'alors jamais pu choisir l'apparence et l'ameublement des chambres de motels crasseuses dans lesquelles il avait passé la majorité de sa vie. Mais le vent avait tourné, depuis lors. Son nom figurait maintenant sur un bail et il avait officialisé l'achat du logement avec sa propre signature. À partir de maintenant, jamais plus il ne serait Dean Watson ou Ted Johnson. Il vivrait sous le seul nom de Dean Winchester, et même si son père n'arrivait pas à l'accepter, il serait heureux.

Après trois jours de dur labeur, Dean convint qu'il avait besoin d'une bière. Il avait de la peinture partout sur les doigts, sur ses vêtements, et même dans les cheveux et sur le visage, grâce à Claudia et à la drôle d'idée qui lui était passée par la tête lorsqu'elle lui avait envoyé un coup de pinceau à la figure. Il fit donc savoir à sa belle qu'il allait prendre une douche, puis qu'il sortait faire quelques courses pour se changer les idées.

Lorsqu'il sortit à l'extérieur, la nuit pointait déjà le bout de son nez. Le ciel bleu se teintait de rose et d'orange, et Dean réalisa qu'il n'avait jamais vraiment pris le temps d'observer un coucher de soleil. Pas de la manière dont il l'observait aujourd'hui, du moins. Pas avec les yeux d'un homme libre de ses actes et de ses décisions.

Le garçon décida de marcher jusqu'à l'épicerie du coin au lieu de prendre sa voiture. Ce n'était pas tellement loin, et puis le vent doux des soirs d'août lui faisait un bien fou. Ce n'était pas comme si Claudia avait besoin de lui dans l'immédiat, de toute manière. Ils avaient toute la vie devant eux pour décider de quelle couleur ils voulaient peindre le salon et la salle de bain.

Sur le chemin, il songea à Sam, à ce que son père lui avait avoué la semaine précédente. Son petit-frère avait été blessé au cours d'une chasse et il était encore convalescent. Si son père séjournait toujours en Californie pour le persuader de revenir chasser à ses côtés, cela signifiait que Sam était seul avec Bobby, et donc que le moment était idéal pour aller le chercher et lui suggérer de s'installer avec Claudia et lui. Sam ne serait pas difficile à convaincre, Dean le savait très bien. C'était le rêve de son frangin depuis qu'il était tout petit de s'installer quelque part de façon permanente, de pouvoir aller à l'école et d'enfin avoir des amis.

Pour ce qui était de son père, John n'avait pas donné signe de vie depuis leur dernier échange, qui avait eu lieu plus d'une semaine auparavant. Dean se serait menti à lui-même s'il ne s'était pas avoué être extrêmement inquiet par la disparition soudaine de son paternel après leur dispute du 28 juillet, où il lui avait très clairement fait comprendre qu'il n'abandonnerait pas la partie de sitôt. Il mijotait quelque chose, c'était évident, et quoi que ce fut, Dean avait probablement toutes les raisons d'être angoissé.

Pour l'heure, néanmoins, le jeune chasseur comptait bien profiter de ces instants de sérénité au maximum avant que n'éclate la tempête. Il se devait d'oublier l'ombre de John qui planait au-dessus de sa tête, sinon son père aurait gagné sur toute la ligne. S'il montrait qu'il était parfaitement heureux sans lui, peut-être que son patriarche accepterait enfin la vérité en face et se résoudrait à le laisser partir.

Le garçon entra dans l'épicerie la plus proche de son appartement et entreprit de trouver une caisse de bière ainsi que le repas du soir. Après tous ces travaux, Claudia ne manquerait pas d'être aussi affamée qu'il l'était, et comme aucun des deux ne savait cuisiner, ils allaient devoir se contenter de nourriture pour emporter.