Chapitre 18 : Jake

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L'université ne le laisse pas respirer. Ou, plus précisément, sa mère ne veut pas le laisser respirer lorsqu'il est question de l'université. Les mots "dossier d'inscription" sont vite devenus très anxiogènes. Depuis quand utilise-t-il des mots comme "anxiogène" ? Il faut qu'il arrête de traîner avec Emmett, car il commence à déteindre sur lui.

En ce dimanche matin, Jake descend les escaliers de la maison qu'il a encore du mal à considérer comme la sienne. Il salue Olivia, qui est en train d'astiquer la grande baie vitrée du salon, puis se dirige vers la cuisine pour aller chercher la dose de caféine dont il a fortement besoin. Lorsqu'il passe devant le miroir de l'entrée, ses cheveux ébouriffés et ses cernes bien marquées lui font presque peur. Il faudra une douche chaude et une bonne quantité de gel pour arranger ce look de cadavre. Personne n'a jamais trouvé les zombies sexy.

Sa mère est perchée sur l'un des tabourets qui entourent l'îlot central en granit, feuilletant des catalogues de robes de mariée et de compositions florales. Jake estime qu'il est encore trop tôt qu'on lui rappelle que sa mère est sur le point d'épouser Christian Drake. En réalité, ce n'est jamais le bon moment pour ce genre de rappel. S'il avait son mot à dire, Jake ne l'aurait pas choisi comme beau-père, mais personne n'a demandé son avis. Il ne saurait l'expliquer, mais il a toujours eu la sensation que Christian n'était pas quelqu'un de fiable. Peut-être qu'il ne lui a pas laissé de réelle chance de montrer ses bons côtés, mais son comportement avec Emmett en dit suffisamment long.

Les rares fois où Jake a entendu Christian parler à son fils, il n'a fait que de le rabaisser plus bas que terre. Pas étonnant qu'Emmett soit constamment sous pression et qu'il désespère autant de réussir. Heureusement, il n'ose rien dire à propos des résultats scolaires de Jake, car ce dernier l'enverrait se faire foutre avant même qu'il n'ait terminé sa phrase.

— Lys ou pivoines ? demande sa mère en pointant des photos de bouquets dans son magazine.

— Je n'ai vraiment pas d'opinion sur ce débat existentiel, répond Jake en mettant la machine à expresso en route.

— On croirait entendre Christian. Si tu ne veux pas m'aider, tant pis...

— Tu utilises la psychologie inversée pour me forcer à te répondre, c'est ça ?

Veronica esquisse un petit sourire en coin qui se passe d'explications. Jake finit par se décider pour les fleurs blanches. Il ne peut pas se laisser être comparé à cet homme-là, même dans une situation aussi banale. Sa mère le remercie de sa contribution avant de continuer à feuilleter les pages.

Jake apprécie grandement le silence qui s'installe dans la cuisine. Il profite de sa tasse de café, l'esprit libéré de toutes ses inquiétudes quotidiennes durant quelques instants. Mais sa mère décide de venir éclater sa bulle sans crier gare.

— Tu as fait ta sélection d'universités, comme prévu ? s'enquiert-elle.

Et c'est reparti pour un tour...

— Vraiment ? soupire Jake. Tu veux parler de ça dès le matin ?

— Il faut s'en occuper au plus vite, Jake ! La plupart de tes camarades ont sûrement déjà envoyé leurs dossiers. C'est pour toi que je fais ça. Je ne veux pas que mon fils se retrouve sans avenir, à passer des articles à la caisse d'un supermarché.

— Maintenant c'est moi qui croirais entendre Christian. Son air condescendant est en train de te contaminer, fais gaffe.

— Jake...

Quand elle dit son prénom sur ce ton, c'est un avertissement. Elle veut l'arrêter avant qu'il ne dépasse les bornes. Jake ne s'excuse pas pour autant.

L'enfer des faux-semblantsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant