3 - L'Etoile

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(Musique : You know I'm no good – Ash Riser)


L'Autre est aveuglé par l'éclat du Soleil. 

La nuit a été trop courte, ou trop longue – il ne sait plus. Dans un soupir agacé, il repousse les draps qui l'emprisonnent. Une douche devrait lui faire du bien. Ses pieds rencontrent le sol glacé. Il grimace, et fait quelques pas vers la porte fermée.

Dans le couloir, pas un bruit. Chacun dort, ou essaie de dormir. 

Lentement, l'Autre se dirige vers la salle de bain, et s'y enferme. Une fois la lumière allumée, il se renferme. Le reflet du miroir n'épargne pas ses cernes, ni sa barbe négligée. Quant à son regard, la tristesse assombrit le bleu de ses iris.

Il laisse couler l'eau, attendant qu'elle soit brûlante – seule façon pour lui de ressentir quelque chose, ce matin. La buée recouvre les parois, et rend la respiration plus difficile. La chaleur fait rougir le corps de l'Autre, d'ordinaire si pâle.

Quelques secondes semblent s'être écoulées, lorsque l'eau se coupe. L'Autre s'empare d'une serviette accrochée sur le radiateur, et se frictionne sans douceur. Chaque parcelle de son corps est abîmée par la sécheresse du tissu.

Pourtant, son visage demeure froid, presque autant que son regard. Ses vêtements de la veille finissent dans le panier à linge sale qui déborde depuis un moment, et la serviette cache son intimité le temps du trajet le conduisant à sa chambre.

Une fois à destination, il ferme la porte, et revêt les premiers habits propres qu'il trouve. Il se rassure en se disant qu'il n'a pas touché le fond, puisqu'il fait encore attention à son hygiène. Il va même jusqu'à mettre un peu de son déodorant favori.

Lorsqu'il descend à la cuisine, il aperçoit l'Ombre et le Fou, buvant leurs boissons respectives en silence. Il ne ressent pas le soutien indéfectible que le Fou est prêt à lui apporter, ni l'amour douloureux de l'Ombre.

Il ne les salue pas, et se contente de se faire couler un café – noir, comme d'habitude. Ce n'est qu'une fois sa tasse remplie qu'il entend l'Enfant les rejoindre. 

Ce dernier est fatigué, bien plus que d'ordinaire. Sa gorge est douloureuse de tant haïr, et ses lèvres ne parviennent plus à former un sourire.

L'Autre l'ignore, prenant place à table. Il n'est pas d'humeur à parler, et encore moins à écouter.

L'Enfant ne se soucie pas de son état émotionnel. Il s'est montré trop compréhensif envers son comportement. Il faut que ça cesse. 

Il veut des réponses.

Aussi, il ne prend pas le temps de se préparer le chocolat chaud qu'il affectionne tant. Il se place face à l'Autre, le regardant droit dans les yeux. Il y lit un mélange d'ennui et d'agacement.

Pourtant, il ne se défile pas.


"Mathieu, il faut qu'on parle."


Sa voix est plus assurée que d'habitude. L'Autre lève un sourcil, peu intéressé.


"Tu vois pas que je prends mon café, là ? Va te faire ton putain de chocolat, et fous-moi la paix."


L'Autre reprend sa contemplation du liquide noir. 

L'Ombre hausse un sourcil, mais ne dit rien. Il est trop tôt pour intervenir. Le ton agacé de leur créateur leur est devenu familier. 

𝐁𝐫𝐞𝐚𝐤𝐝𝐨𝐰𝐧 - 𝐒𝐋𝐆Où les histoires vivent. Découvrez maintenant